Depuis la rentrée 2004 l'ermitage a abandonné sa
structure conviviale victime de son succès et d'une nouvelle orientation
marquée par la destinée.
Je vis désormais dans le Vercors la plus part du
temps avec un disciple "Jess moinillon séropo" comme il aime à se dire et le
Bulletin de l'ermitage
vous conte la suite nos aventures et l'été nous le passons sur les
flots
_____________________________________________________
Fragments d'un interview
donné à une journaliste pour une revue en
Dec 2001
***On
peut lire aussi une interview donné à un magazine belge en Septembre 2002
1) Sur l'oblature
Je viens de relire l'article du Monde en question, où il est dit que vous
êtes un oblat bénédictin. Pourriez-vous, si vous en êtes d'accord,
m'expliquer ce que signifie, dans la vie quotidienne, être un
"oblat". A
savoir, quelles sont vos obligations par rapport au monastère... Y a-t-il
beaucoup de personnes dans votre cas ?(...)
(...)
Oblat veut dire donné, offert et c'est l'acte par lequel un individu offre sa
vie à Dieu...c'est à dire qu'il s'efforcera tout au long du temps qu'il vit et
en toutes circonstances de faire de ses actes, voire de ses pensées une
offrande de remerciement et d'acceptation à l'Ultime dont il doit d'exister
Cet acte d'oblature correspond aux voeux que prononce un postulant voulant
rentrer en vie communautaire dans un monastère ( voeux de chasteté, d'obéissance,
de pauvreté, de prière...et de respect de la Règle)...sauf qu'ici il n'y a
pas de voeux ( ce qui permet à des laïcs de s'engager) mais seulement un contact avec le
Monastère ( contact moral et spirituel...avec parfois obligation de séjour une
fois l'an)...une manière de faire rayonner l'esprit de ce dernier dans le monde
civil...et inversement de sensibiliser les reclus aux problèmes du monde en
retour
Pour ma part outre le fait d'être dégagé de ces voeux , l'oblature me permet d'être
très libre dans mes prises de position et mes idées notamment sur l'Église...
tout
en restant solidaire à l'esprit de la Règle de Saint Benoît et en bénéficiant
de la prière et des conseils de mes frères reclus...bref de vivre en
"franc-tireur" de l'Église !
Donc pour en revenir à votre question: pas ou peu d'obligation envers le monastère
( de toute manière l'acte d'oblature se fait devant Dieu c'est un engagement
personnel...d'une personne devant son Dieu...et le monastère n'est qu'un cadre)
simple engagement moral et de prière.
Le nombre des oblats laïcs est en augmentation car remis à l'honneur récemment,
cela varie suivant les communautés...celle à laquelle j'appartiens doit
compter environ 500 laïcs oblats...
Pour comprendre un peu plus, j'aimerais pouvoir vous demander ce que ce
choix d'être devenu oblat vous apporte et comment vous êtes venu à le
faire.
Par
pur hasard ...une rupture...un effondrement d'une situation qui en principe ne
pouvait pas l'être...une prise de conscience d'une superficialité et d'une
route qui ne menait à rien...
les conseils des proches: "va dans un monastère passer 8 jours" ça
te reposeras
je m'y rend sans enthousiasme...pour faire plaisir aux gens...
enchantement et découverte d'un "passage" et "d'une réalité
autre" ( numineuse) au contact du grégorien
pour la première fois peut-être se sentir accepté comme on est
sans demander le passé, la carte de visite ou les projets
un grand désir de rester impossible à réaliser (âge, marié,santé,ascendant âgé)
le désir de maintenir un contact...et de prolonger cette amitié malgré
tout...
C'est un peu télégraphique...mais vous comprendrez...
2)
Vie quotidienne
En quoi consiste votre vie quotidienne ? Accorde-t-elle une grande place à
l'apostolat, comment est-elle appréciée par vos proches (famille,
voisins...). Peut-être en somme expliciter ce que vous avez écrit dans votre
dernière lettre : "une manière de faire rayonner l'esprit du monastère
dans
le monde civil."
Ora
et Labora...la devise bénédictine
donc vie répartie en 1/3 de travail, 1/3 d'oraison ou de méditation, 1/3 de
sommeil ou de vacation personnelle
je travaillais dans une maison de personnes agées...maintenant je me suis mis
en pré retraite et mon travail est sur le net ( forum, site, courrier !!!)
méditation et prière : je psalmodie souvent, au début avec la liturgie des
heures...désormais...à la demande...
il faut se rendre compte que la vie spirituelle est un chemin que l'on parcourt;
au début on a besoin d'un cadre précis de prière, de travail, de lecture...
avec le temps tout devient prière..la prière ou la méditation envahit tout...
et la présence compatissante aux autres devient la priorité en tout temps
Lisez pour cela la petite fable du Buffle sur le site
http://rmitte.free.fr/religio/boud/buffle/buf.htm
...et bien après "une certaine vision" jamais achevée certes de
l'Essentiel on est poussé tout naturellement à retourner sur la "place du
marché"...
sans que ce soit vraiment de l'apostolat
ni une manière d'étendre l'influence du Monastère ( ce dont je me fiche comme
d'une cerise)
non plutôt une compassion nécessaire pour soi...et une compassion
fraternelle...pour ceux qui restent dans l'ignorance...
Notez que personne dans mon entourage ne sait que je suis ermite (sauf quelques
rares amis) ( je n'ai pas de famille)
J'ai encore une vision un peu confuse de l'ermite laïc :
Peut-on parler d'ermites qui n'auraient aucun contrat d'oblature ?
Vous employez l'expression "oblat laïc", existe-t-il des ermites laïcs
sans
ce contrat ?
Bien sûr ! pour être ermite il suffit de prendre son sac , de tout quitter
pour se mettre en recherche de la Vérité
nul besoin d'oblature...
c'est cela être libre et adulte !
...bien que la majorité de ceux que je connais sont d'anciens religieux, prêtres
ou oblats
mais il y a des ermites bouddhistes, Islamiques, ou Indhouistes, shintoïstes...etc...etc...ils
ne sont évidement pas oblats !...
J'ai remarqué depuis que je parle un peu autour de moi de ce sujet, que la
relation ermite-Dieu n'est pas une évidence aux yeux de tout un chacun. Ils
imaginent plutôt des gens vivant en solitaires pour atteindre à une
"certaine" spiritualité qu'ils ne définissent pas, un dépassement
de soi ou
connaissance de soi.
Je serais intéressée d'avoir votre point de vue à ce sujet.
Vous
rejoignez là ce que je disais. Tout chercheur d'Absolu...toute personne qui
met cette recherche au centre de ses préoccupations en s'isolant de la
masse des "bien pensants" ...ou des "somnambules" ...ou des
immergés dans les "affaires " du monde peut se dire ermite
et au départ il y a immanquablement une recherche de soi
et c'est en essayant d'entrer dans les profondeurs de ce moi...de cet ego...que
l'on découvre le vrai Soi que l'on ne connaissait pas ( notre génotype en
quelque sorte) ...et le faux moi que l'on croyait être...et que l'on quitte
comme un vieux vêtement que l'on jette...
la vocation d'ermite ( telle que je la conçois )est magnifiquement décrite par
le Père Le Saux et vous la trouverez à
http://rmitte.free.fr/comunaute/sanya/sanya1.htm
texte difficile je vous préviens !
mais cet ermite oblat bénédictin ( et qui plus est prêtre) a mené à mon
avis une expérience de vraie érémitisme en retrouvant l'origine historique de
cette vocation
"
Petite" question :
En tant qu'oblat, est-il indiscret de vous demander à quel monastère vous
êtes attaché ?
On me l'a souvent demandé...je n'y ai jamais répondu
tout simplement parce que je ne veux point, étant très marginal, et critique
vis à vis des "institutions" faire du tort à des frères qui suivent
une autre voie...toute aussi valable...humble...et discrète... et à qui je
dois tout
c'est un peu que si vous me demandiez le nom et la photo de ma petite amie
3)
Le Passage
Je n'ai pas encore lu le texte du père Le Saux que vous m'avez recommandé
pour comprendre votre vocation d'ermite, mais je vais le faire.
J'ai lu, pour commencer, la fable du buffle, qui est très belle et qui
pourrait, en effet, s'appliquer à la recherche des mystiques chrétiens.
Ce qui est intéressant est l'évocation du "passage" dont vous
parlez dans
votre 1er paragraphe. Est-ce qu'il correspond à cette fameuse
"illumination"
de la fable ou est-ce qu'il représente la première étape pour l'atteindre ?
Vraisemblablement (je n'ai pas le paragraphe en question sous les yeux...)
Il faut savoir qu'il y a une première prise de conscience qui permet de se
mettre en route et de réaliser l'envers du décors...cela peut correspondre à
cette "illumination"
Ensuite le passage se poursuit mais se fait en "continu"...car toute
l'existence est passage...
c'est d'ailleurs le sens du mot Pâques ( Peshouah) si important dans le Judaïsme
et le christianisme
Un passage en continu marqué par des moments intenses d'illumination ou d'union...des
instants numineux comme dit Dürckheim
http://rmitte.free.fr/leloup/numineux/numineux.htm
et aussi des moments où l'on retombe dans la réalité de ce monde, sur la
place du marché
et plus on se sent avancer...et plus le but s'éloigne...comme à l'infini...
Est-ce qu'avant de faire cette retraite dans le monastère, vous aviez eu
d'autres signes, entrevu des traces ?
Tout est signe disait Bernanos
simplement ce n'est qu'après la "réalisation" que ces signes
apparaissent comme ayant jalonné la route...
l'illumination constitue une "conceptualisation" de choses pressenties
et vécues dans l'inconscient auparavant car demeurées alors sans
"sens"
Tout comme après le "départ" d'un proche on réalise combien il était
important, combien l'on a pas su répondre à ses gestes, à ces petit détails
qui ne coûtaient rien pourtant...et qu'un objet, un son, une couleur, un
fragrance suffisent à éclairer d'une intensité vive et douloureuse...
Pourriez-vous me conseiller des lectures qui m'éclairent sur les ermites
bouddhistes et shintoïstes ?
Ceux que j'ai rencontré n'écrivent pas, ne se racontent pas...ils vivent
Les rares qui écrivent le font dans leur langue et selon leurs formules...lisez
vous le Japonais, le sanscrit ?
Pour les bouddhistes tous les membres du petit véhicule sont au départ des
ermites qui se trouvent rassemblés en monastères pour des questions de
commodité
le bouddhisme est une religion d'ermites
ceux qui ont écrit les pages les plus abordables et les plus belles...et donc
sont publiés ( car poétiques) sont les auteurs de Haïkus ou des poésies
japonaises tels le très célèbre Basho et aussi Kamo no Chomei
dont ils faut avoir lu les notes de l'ermitage parus aux pof et traduits par
Sieffert...il y en a beaucoup d'autres ! Ryokan...Buson...Issa...Ikyu et tant
d'autres etc...
Il en est de même pour les Shintoïstes qui écrivent encore moins si je puis
dire et qui en tout cas ne sont point traduits
Un bon exemple est celui d'une femme dont le témoignage est bien décrit par
Anne Boudry dans un livre paru chez Picquier : " Oracle de Shirakata"
le meilleur livre sur le Shintoïsme ( car le moins prétentieux) que je
connaisse
un témoignage vécu...et la description de l'harmonie de cette religion si mal
connue avec la nature...à lire absolument
à
suivre peut-être...