A l'époque on pense qu'il y avait près d'un million d'aborigènes venus là il y a 46000 ans certainement d'Asie du SE quand la mer plus basse permettait le franchissement de détroits si l'on en croit les restes retrouvés dans certains sites archéologiques : un peuple de chasseurs cueilleurs, certains n'hésitant pas à replanter les tubercules pour en faciliter la repousse et utilisant la technique du brûlis pour permettre la pousse d'une nouvelle végétation.
Le
patrimoine culturel était transmis par oral : les chants surtout qui
permettaient d'invoquer les récits des activités créatrices des ancêtres au
cours du "Dreaming"
Certaines faisant état des "dreaming track" des sentiers de rêves
psalmodiées le long des "Son lines" le long desquels circule l'énergie
spirituelle des ancêtres endormis au cours du temps et capable de donner la vie
aux nouveaux nés et d'influencer le cours des choses .
L'énergie spirituelle des ancêtres circule sur le chemin qu'il a parcouru au
Temps du Rêve et atteint son paroxisme aux endroits où l'esprit a laissé des
preuves évidentes de son passage : un arbre, une colline, une glaisière...
Chaque personne possède deux âmes : l'une mortelle et l'autre non. Cette
dernière retourne aux sites sacrés alors que l'autre repart vers le néant.
Chaque Dreaming s'incarne dans un totem: arbre , serpent, poisson, oiseau qui
expliquent les meilleurs moments de chasse et de pêche ou pour trouver de l'eau...ils
signent aussi la généalogie des êtres...
250 langues, 700 dialectes marquaient les clans qui se déplaçaient
parfois...mais toujours sur un même territoire aux lieux signifiants
Dès le XVème
siècles occasionnellement quelque bateau hollandais ou européens abordèrent les
côtes et au Nord les pêcheurs d'Asie du SE venaient pêcher sur les côtes le
concombre de mer mais il fallut attendre 1788 soit 18 ans après Cook pour 11
navires anglais chargés d'armes et d'outils, de bétail et de "convict" (
forçats) (751) débarque à Botany Bay sous le commandement du capitaine
Phillip qui en fait trouvant la Baie de Sidney plus accueillante y installa
tout son monde
Les aborigènes furent anéantis par la perte de ce territoire succombant aux
maladies , l'alcoolisme et le désespoir
Robert HUGHES dans "la Rive maudite " ( 1987) décrit ce goulag terrifiant ou les autorités britanniques traitent avec cruauté les rebelles, les vagabonds et les criminels ( C'est si beau l'occident !!!!) mais comme en Guyane les forçats y obtiennent facilement une "libération conditionnelle" qui leur permet de s'installer et de travailler librement
Le système
des "convicts" est cependant violent. Les femmes ( 1 pour 5 hommes) y vivent
sous la menace des agressions sexuelles et des viols parfois maintenues dans de
sordides "usines pour femmes"
Les colonies se succèdent : Melbourne, Adélaïde et chaque année les colons
empiètent d'avantage sur le territoire des aborigènes... et les massacres ne sont
pas exclus.
Les déportations cessent vers 1840 mais en 1850 de l'or est découvert en Nouvelle Galles du Sud ...c'est la ruée comparable à celles qui eu lieu aux states et ses conflits sanglants notamment avec les autorités qui eurent bien du mal à endiguer cette meute indocile
en 1901 l'Australie devient une fédération se développant économiquement et trouvant son unité que lors de la guerre contre le Japon et le sens du multiculturalisme progresse ainsi que la reconnaissance des erreurs du passé envers les aborigènes
Entre 1918
et 1970, les gouvernements australiens ont enlevé près de 100 000 enfants
aborigènes (pour la plupart âgés de moins de cinq ans) à leur famille pour les
placer, à des kilomètres de là, dans des institutions ou des familles blanches.
Tout contact avec la famille était proscrit: les enfants étaient placés loin de
chez eux, souvent dans un autre État, pour que les évadés ne puissent pas
regagner leur foyer. On faisait souvent croire aux enfants qu'ils étaient
orphelins et leurs parents connaissaient rarement leur lieu de placement.
Dans les institutions, les enfants ne recevaient qu'une éducation rudimentaire,
souffraient de conditions de vie difficiles et de sous-alimentation, et nombre
d'entre eux subissaient des abus sexuels ou d'autres maltraitances. Les
survivants, appelés "génération volée' (stolen generation), constituent un sujet
sensible en Australie. Lorraine Mafi-Williams, qui a vécu cette expérience, a
écrit :
"J'avais 12 ans lorsqu'on nous arracha à nos parents. Mon frère John avait 14
ans, Bell, 16 ans, Lucy, 9 ans, Elaine, 7 ans et Cid, le bébé, 3 ans. Sans
prévenir, l'employé de l'assistance sociale, un blanc, arriva dans son camion
avec deux policiers blancs. Papa était parti travailler... Lorsque je vis ma
mère pour la dernière fois, elle était en larmes. Je ne l'avais vue pleurer
ainsi qu'à des enterrements. Son corps était secoué de sanglots. Je me souviens
lui avoir dit "c'est rien, maman, on va juste en ville". Je pensais que l'on
reviendrait vite, mais je me trompais.
Avec mes soeurs et mes frères, on nous fit monter à l'arrière du camion. Lorsque
nous arrivâmes à Armidale (Nouvelle-Galles du Sud), nous étions recouverts de
boue rouge et très peu présentables. J'étais alors en pleine confusion. Cid et
John furent directement emmenés au Kinchella Boys Home. On envoya Bell
travailler dans une ferme d'élevage, à des centaines de kilomètres de là. Elaine,
Lucy et moi fûmes placées à l'orphelinat d'Armidale. J'y passai environ un an
durant lequel je me montrai très rebelle. Dans ma naïveté, je n'avais pas
réalisé que j'étais prisonnière, arrachée à mes parents. Pourquoi ? Parce que
j'étais aborigène ? Comment pouvait-on faire de telles choses ? J'étais perdue
et seule, je tentais de fuir par tous les moyens, même par le suicide, mais
cela, ce fut plus tard.
Ma petite soeur, Lucy, était une enfant maladive, elle mouillait son lit toutes
les nuits. Lorsque la surveillante s'en aperçut, elle la frappa tous les matins
avec une lanière. Je demandai à Lucy de me réveiller la nuit pour sécher ses
draps avec les miens et lui donner ma chemise de nuit. Lorsque la surveillante
inspectait les lits, mes draps étaient humides et je subissais ses corrections.
Plusieurs mois plus tard, on m'envoya à la Cootamundra Girls Home pour devenir
domestique. Je devais laver des vêtements dégoûtants, frotter des sols hideux et
changer des couches. Je travaillais du lever au coucher du soleil pour un lit et
trois repas par jour. J'avais 13 ans.
A mes 18 ans, je recouvrai enfin la liberté. Libérée de la Cootamundra Girls
Home, je trouvai un emploi à Sydney. Je demandai à d'autres Kooris s'ils
connaissaient mes parents. Un jour, un beau Noir plein d'allure m'approcha et me
dit : 'Tu es Lorraine Turnball ? Je suis ton cousin Darcy". Il m'indiqua
l'endroit où vivaient mes parents.
Je fis mes bagages en vitesse et pris le train pour Taree, où mes parents
habitaient Purfleet Mission, lieu où je naquis. Ces retrouvailles matinales avec
mes parents sont à jamais gravées dans mon coeur. Maman et papa m'attendaient
sur le quai. L'enfant qu'ils connaissaient était devenue une femme. Nous nous
enlaçâmes et pleurâmes tous trois. A 19 ans, j'étais la dernière à rentrer à la
maison."
Lorraine Mafi-Williams, une Bundjakung-Dainggati, est devenue (malgré les
blessures de son enfance) une cinéaste d'envergure, auteur et figure importante
du combat des Aborigènes.
Lors de son élection le dernier premier ministre australien prononça ce discours qui ouvre nous l'espérons une nouvelle page de l'histoire de ce pays
Discours du
Premier ministre Kevin Rudd - le 13 février 2008
Le président de la Chambre des Représentants (Harry Jenkins) ouvre la séance à 9
heures et lit des prières.
Excuses aux peuples indigènes d’Australie
M. RUDD (député de Griffith – Premier ministre) (9 h) – Je propose :
- Qu’en ce jour nous honorions les peuples indigènes de cette terre, dont les
cultures sont les plus anciennes existant dans l’histoire des hommes.
- Nous méditions sur les mauvais traitements qu’ils ont subis.
- Nous méditions en particulier sur les mauvais traitements subis par ceux qui
appartinrent aux générations volées, ce chapitre honteux de notre histoire
nationale.
- Le temps est maintenant venu pour notre nation de tourner une page nouvelle
dans l’histoire de l’Australie en corrigeant les erreurs du passé et avancer
ainsi avec confiance vers l’avenir.
- Nous présentons nos excuses pour les lois et les politiques des Parlements et
des gouvernements successifs qui ont infligé de profondes douleurs, souffrances
et pertes à ceux qui sont nos compatriotes australiens.
- Nous présentons nos excuses pour avoir enlevé les enfants aborigènes et des
îles du détroit de Torres à leurs familles, à leurs communautés et à leur pays.
- Au nom de la douleur, de la souffrance et des dommages subis par ces
générations volées, leurs descendants et leurs familles délaissées, nous disons
pardon.
- Au nom des mères et des pères, des frères et des sœurs, pour avoir brisé des
familles et des communautés, nous disons pardon.
- Et pour les offenses et les humiliations ainsi infligées à un peuple fier et à
une culture fière, nous disons pardon.
- Nous, Parlement d’Australie, demandons respectueusement que ces excuses soient
accueillies dans l’esprit avec lequel elles sont présentées, afin d’aider à
panser les plaies de la nation.
- Pour l’avenir que nous avons à cœur ; en décidant que cette page nouvelle dans
l’histoire de notre grand continent pourra maintenant être écrite.
- En ce jour nous franchissons cette première étape en reconnaissant le passé et
en envisageant un avenir qui rassemble tous les Australiens.
- Un avenir où ce Parlement fasse en sorte que les injustices du passé
n’adviennent plus jamais.
- Un avenir où nous puissions décider tous les Australiens, indigènes et non
indigènes, à combler la brèche qui nous sépare en terme d’espérance de vie, de
réussite éducative et d’opportunité économique.
- Un avenir où nous puissions explorer toutes les nouvelles solutions possibles
pour faire face aux problèmes là où ont échoué les approches anciennes.
- Un avenir fondé sur le respect mutuel, une détermination commune et une
responsabilité mutuelle.
- Un avenir où tous les Australiens, quelles que soient leurs origines, aient
d’égales opportunités et un intérêt égal à partager ce chapitre nouveau dans
l’histoire de ce grand pays qu’est l’Australie.
"Monsieur le Président, le moment est venu dans l’histoire des nations pour que
leurs peuples se réconcilient pleinement avec leur passé, s’ils veulent aller de
l’avant avec confiance pour étreindre leur avenir. Notre nation, l’Australie, a
atteint ce moment. Voilà pourquoi le Parlement est réuni ce jour : aborder ce
pan inachevé de la nation, laver l’âme nationale de cette grande souillure et,
dans un esprit de réconciliation, ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire de
cette grande terre qu’est l’Australie.
L’année dernière, j’ai pris l’engagement devant le peuple australien que si nous
formions le nouveau gouvernement du Commonwealth, nous dirions au Parlement
pardon aux générations volées. J’honore aujourd’hui cet engagement. J’avais dit
que nous le ferions au début de la nouvelle législature. Aujourd’hui, j’honore à
nouveau cet engagement en le faisant en ce début de session du 42ème Parlement
du Commonwealth. Parce que l’heure est venue, est bel et bien venue, pour tous
les peuples de notre grand pays, pour tous les citoyens de notre grand
Commonwealth, pour tous les Australiens – ceux qui sont indigènes et ceux qui ne
le sont pas – de se rassembler pour se réconcilier et bâtir ensemble un avenir
nouveau pour notre nation.
Certains ont demandé : « Pourquoi ces excuses ? » Je répondrai d’abord en
livrant au Parlement quelques éléments d’une histoire individuelle – celle d’une
octogénaire admirable, élégante et éloquente, pleine de vie, incroyablement
drôle, malgré tout ce qui s’est passé durant son existence, une femme qui a fait
une longue route pour être avec nous aujourd’hui, membre de cette génération
volée et qui m’a fait partager son histoire lorsque j’ai demandé à la voir,
voici quelques jours seulement. Nanna Nungala Fejo, comme elle préfère être
appelée, est née à la fin des années 1920. Elle se souvient des débuts de son
enfance, vivant avec sa famille et sa communauté dans un camp de brousse, juste
en dehors de Tennant Creek. Elle se souvient de l’affection, de l’ambiance
chaleureuse et de la gentillesse de ces jours anciens, y compris des danses
traditionnelles autour d’un feu de camp la nuit. Elle adorait danser. Elle se
souvient, petite fille âgée de quatre ans, s’être querellée une fois, insistant
pour danser avec les garçons plus âgés de la tribu au lieu de rester simplement
assise à regarder les hommes danser, ce que les filles étaient supposées faire.
Puis, un jour, vers 1932, alors qu’elle avait quatre ans environ, elle se
souvient de l’arrivée des hommes de l’assistance publique. Sa famille
appréhendait ce moment et avait creusé des trous au bord de la rivière, où les
enfants pouvaient courir se cacher. Mais ils ne s’attendaient pas à ce que les
hommes blancs de l’assistance publique ne viennent pas seuls. Ils amenèrent un
camion, deux hommes blancs et un Aborigène gardien de bétail, à cheval, qui
faisait claquer son fouet. Les enfants furent retrouvés ; ils accoururent vers
leurs mères, hurlant, mais ne purent s’échapper. Ils furent conduits et entassés
à l’arrière du camion. Eplorées, leurs mamans tentaient de s’accrocher au camion
de côté, tandis que leurs enfants étaient emmenés au Bungalow d’Alice Springs,
sous prétexte de les protéger.
Quelques années ensuite, le gouvernement changea de politique. Désormais, les
enfants seraient remis à des missions pour être pris en charge par les Eglises.
Mais quelle Eglise s’occuperait d’eux ? On disait simplement aux enfants de se
ranger en trois files. Nanna Fejo et ses sœurs se retrouvèrent dans la file du
milieu, son frère aîné et son cousin dans celle de gauche. On disait à ceux qui
étaient à gauche qu’ils deviendraient catholiques, ceux du milieu des
méthodistes et ceux à droite des fidèles de l’Eglise anglicane. Ainsi
réglait-on, dans les années 1930, les questions complexes de la théologie de l’après-Réforme
dans les contrées reculées d’Australie. C’est aussi grossier que cela. Nanna et
sa sœur furent envoyées vers une mission méthodiste sur l’île Goulburn, puis sur
l’île Croker. On envoya son frère catholique travailler dans une ferme d’élevage
et son cousin dans une mission catholique.
La famille de Nanna Fejo fut ainsi brisée une seconde fois. Elle resta à la
mission jusqu’après la guerre et fut alors autorisée à partir occuper un emploi,
organisé à l’avance, de femme de ménage à Darwin. Elle avait 16 ans. Nanna Fejo
ne revit plus jamais sa mère. Après qu’elle ait quitté la mission, son frère lui
apprit que leur maman était morte depuis plusieurs années, une femme brisée et
tourmentée pour ses enfants qui lui avaient été littéralement arrachés.
J’ai demandé à Nanna Fejo ce qu’elle voulait que je dise de son histoire
aujourd’hui. Elle réfléchit quelques instants, puis me dit que ce que je devrais
dire aujourd’hui c’est que toutes les mères sont importantes. Puis elle ajouta :
« Les familles – les garder ensemble est très important. C’est ce qui vous rend
heureux. » Au moment de mon départ, ensuite, Nanna Fejo prit à part l’un de mes
assistants, voulant être sûre que je serai pas trop dur pour cet Aborigène
gardien de bétail, qui avait pourchassé ces enfants durant toutes ces années.
Car ce gardien de bétail l’avait retrouvée quelques dizaines d’années ensuite,
pour lui dire cette fois-ci : « Pardon ». Et chose étonnante, extraordinaire,
elle lui pardonna.
L’histoire de Nanna Fejo n’est qu’une histoire. Mais il y en existe des
milliers, des centaines de milliers comme elle : des histoires de séparation
forcée d’enfants d’Aborigènes et d’insulaires du détroit de Torres d’avec leurs
mamans et leurs papas, durant une bonne partie du siècle dernier. Certaines de
ces histoires sont racontées de manière graphique dans le rapport Bringing them
home [Les ramener chez eux], commandé en 1995 par le Premier ministre Keating et
remis en 1997 par le Premier ministre Howard. Quelque chose de terriblement
primitif ressort de ces comptes rendus de première main. La souffrance est
palpable ; elle éclate à chaque page. La blessure, l’humiliation, l’avilissement
et la brutalité absolue dans le fait de séparer physiquement une mère de ses
enfants agressent profondément nos sentiments et notre humanité la plus
élémentaire.
Ces histoires sont comme un cri qu’il faut entendre ; un cri exigeant des
excuses. Au lieu de cela, durant plus de dix ans, il n’y eut de la part du
Parlement qu’un silence de pierre, obstiné et assourdissant ; exprimant quelque
part le point de vue selon lequel nous, le Parlement, devions faire taire nos
instincts les plus fondamentaux sur ce qui est bien et ce qui est mal ; point de
vue selon lequel nous devions, au contraire, saisir n’importe quel prétexte pour
mettre de côté cette faute grave, la laisser dépérir aux mains des historiens,
des universitaires et des défenseurs de la culture, comme si ces générations
volées n’étaient rien de plus qu’un intéressant phénomène sociologique. Or les
générations volées ne sont pas des curiosités intellectuelles. Ce sont des êtres
humains ; des êtres humains qui furent profondément lésés par les décisions de
Parlements et de gouvernements. Mais aujourd’hui l’époque du déni, l’époque de
la remise à plus tard sont enfin arrivées à leur terme.
La nation exige de ses dirigeants politiques qu’ils nous fassent avancer. Le
respect, le respect de l’homme, le respect de l’homme où qu’il se trouve,
exigent que la nation franchisse maintenant une étape pour corriger une faute
historique. C’est ce que nous faisons en ce lieu aujourd’hui. Mais s’il y avait
encore des doutes sur les raisons pour lesquelles nous devons maintenant agir,
que le Parlement réfléchisse un instant aux faits suivants : qu’entre 1910 et
1970, entre 10 et 30 % des enfants d’indigènes furent enlevés par la force à
leurs mères et à leurs pères ; qu’il en est résulté que plus de 50 000 enfants
furent arrachés par la force à leurs familles ; que ceci fut le produit d’une
politique délibérée et calculée de l’Etat, comme en témoignent les pouvoirs
explicites qui lui furent conférés de par la loi ; que cette politique conduisit
certains membres de l’autorité administrative à aller jusqu’à penser que
l’extraction forcée d’enfants issus de ce qui était appelé un « lignage mixte »
était considérée comme faisant partie d’une politique plus vaste de gestion du «
problème de la population aborigène ».
L’un des exemples les plus connus de cette approche fut exprimé par le
Protecteur des Autochtones du Territoire du Nord, qui déclara, je cite :
« Généralement, à partir de la cinquième génération, et de toute manière à la
sixième, toutes les caractéristiques d’origine des Aborigènes d’Australie sont
éradiquées. Le problème de nos castes mixtes sera rapidement éliminé par la
disparition complète de la race noire et la submersion rapide de leur
progéniture par les Blancs… »
Le Protecteur des Autochtones d’Australie-Occidentale exprimait des opinions
guère différentes, qu’il exposa en détail à Canberra en 1937 lors du premier
congrès national sur les Affaires indigènes, qui réunissait le Commonwealth et
les Protecteurs des autochtones, nommés par l’Etat. Ce sont des choses
dérangeantes qu’il faut mettre en lumière. Des choses désagréables. Qui
perturbent profondément. Mais nous devons reconnaître ces faits si nous voulons,
une fois pour toutes, examiner la thèse selon laquelle la politique générique de
séparation forcée était quelque part tout à fait motivée, justifiée par son
contexte historique et, en conséquence, indigne de toute excuse aujourd’hui.
Venons-en à
la thèse de la responsabilité entre les générations, qu’utilisent aussi certains
pour argumenter contre le fait de présenter des excuses aujourd’hui.
Souvenons-nous du fait que l’enlèvement par la force d’enfants aborigènes était
encore pratiqué au début des années 1970. Les années 1970 ne remontent pas
précisément à une antiquité lointaine. Certains membres en exercice de ce
Parlement furent élus pour la première fois en ce lieu au début des années 1970.
Cela est ancré dans la mémoire adulte de beaucoup d’entre nous. La vérité
dérangeante pour nous tous est que les Parlements de la nation, de manière
individuelle et collective, ont mis en œuvre et délégué leur autorité au nom de
ces lois qui ont rendu pleinement légitime l’enlèvement forcé d’enfants pour des
motifs raciaux.
Il existe aussi une autre raison de s’excuser : à savoir que la réconciliation
est en fait l’expression d’une valeur centrale de notre nation – et cette valeur
s’impose à tous. Il existe une croyance profonde et constante dans la communauté
australienne que, pour les générations volées, cette valeur ne s’imposait pas à
tous. Il existe une opinion typiquement australienne selon laquelle il est temps
de rectifier cette faute des plus honteuses. C’est pour ces raisons, mis à part
les inquiétudes dues au respect fondamental de l’homme, que les gouvernements et
les Parlements de cette nation doivent présenter ces excuses – car, les lois
mises en œuvre par nos Parlements ont tout simplement rendu possibles les
générations volées. C’est nous, Parlements de la nation, qui sommes en dernière
instance responsables, et non ceux qui ont mis en pratique nos lois. Le problème
réside dans nos lois elles-mêmes. Comme cela a été dit des sociétés
colonisatrices ailleurs, nous portons en nous de nombreux bienfaits de nos
ancêtres, et nous devons donc porter en nous leurs fardeaux.
Ainsi, pour notre nation, la voie à suivre est claire, et ainsi, pour notre
peuple, la voie à suivre est claire : il s’agit de traiter ce qui est devenu
l’un des chapitres les plus sombres dans l’histoire de l’Australie. Ce faisant,
nous faisons plus qu’avoir affaire à des faits, à des preuves et à un débat
public souvent rancunier. Ce faisant, nous luttons avec notre propre âme. Il ne
s’agit pas, comme l’affirment certains, d’une vision endeuillée de l’histoire ;
il s’agit de la vérité ; cette vérité glacée, douloureuse et dérangeante – qu’il
faut affronter, traiter et à partir de laquelle avancer. Tant que nous ne nous
mesurerons pas pleinement à cette réalité, son ombre planera toujours au-dessus
de nous et de notre avenir en tant que peuple pleinement uni et pleinement
réconcilié. Il est temps de nous réconcilier. Il est temps de reconnaître les
injustices du passé. Il est temps de dire pardon. Il est temps d’aller de
l’avant ensemble.
Aux générations volées, je dis ceci : en tant que Premier ministre de
l’Australie, je m’excuse. Au nom du gouvernement de l’Australie, je m’excuse. Au
nom du Parlement de l’Australie, je m’excuse. Je vous présente ces excuses sans
conditions. Nous nous excusons pour les blessures, les douleurs et les
souffrances que nous, le Parlement, vous avons causé par les lois que les
précédents Parlements ont mis en œuvre. Nous nous excusons pour les offenses,
l’avilissement et les humiliations que ces lois ont incarnés. Nous présentons
ces excuses aux mères, aux pères, aux frères, aux sœurs, aux familles et aux
communautés dont les existences ont été déchirées par les agissements des
gouvernements successifs sous les Parlements successifs. En présentant ces
excuses, j’aimerais aussi m’exprimer à titre personnel aux membres des
générations volées et à leurs familles : à ceux qui sont ici présents, qui êtes
si nombreux ; à ceux qui nous écoutent à travers le pays, de Yuendumu, au centre
ouest du Territoire du Nord, jusqu’à Yabara, au nord du Queensland, et
Pitjantjatjara en Australie du Sud.
Je sais qu’en présentant ces excuses au nom du gouvernement et du Parlement,
rien que je puisse dire aujourd’hui ne peut enlever la souffrance que vous avez
endurée personnellement. Quels que soient les mots que je puisse employer
aujourd’hui, je ne puis réparer cela. Les mots seuls ne sont pas aussi puissants
; et la peine est une chose très personnelle. Je demande aujourd’hui aux
Australiens non indigènes qui nous écoutent aujourd’hui et qui pourraient ne pas
comprendre totalement pourquoi ce que nous faisons est aussi important,
d’imaginer un seul instant que cela vous soit arrivé. Je m’adresse aux membres
honorables ici présents : imaginez que cela nous soit arrivé. Imaginez l’effet
mutilant. Imaginez combien il serait difficile de pardonner. Je fais cette
proposition : si les excuses que nous présentons aujourd’hui sont acceptées dans
l’esprit de réconciliation qui les anime, nous pouvons aujourd’hui décider
ensemble que l’Australie prenne un nouveau départ. Et c’est à un tel départ que
selon moi la nation nous appelle maintenant.
Les Australiens sont des passionnés. Nous sommes aussi très pratiques. Pour
nous, les symboles importent, mais si les symboles forts de réconciliation ne se
traduisent pas dans une réalité plus grande encore, ce ne sont guère plus qu’un
bruit de gong. Ce ne sont pas les sentiments qui font l’histoire ; ce sont nos
actions qui font l’histoire. Nos excuses aujourd’hui, même insuffisantes, visent
à rectifier les fautes passées. Elles visent aussi à bâtir un pont entre les
Australiens indigènes et non indigènes – un pont fondé sur un véritable respect
et non sur un mépris à peine voilé. Notre défi à venir est d’emprunter
maintenant ce pont et, ce faisant, faire nôtre un nouveau partenariat entre
Australiens indigènes et non indigènes – faire nôtres, dans le cadre de ce
partenariat, un lien élargi et d’autres services essentiels pour aider les
générations volées à retrouver leurs familles autant que possible et rendre
leurs vies dignes. Mais le cœur de ce partenariat vers l’avenir est le
comblement du fossé qui sépare Australiens indigènes et non indigènes en terme
d’espérance de vie, de réussite éducative et d’opportunités d’emploi. Ce nouveau
partenariat pour combler ce fossé se fixera des objectifs concrets à l’avenir :
diminuer de moitié en dix ans le fossé croissant en terme de résultats et
d’opportunités d’apprentissage de l’alphabet et du calcul et d’emplois pour les
Australiens indigènes, diminuer de moitié le fossé consternant en terme de taux
de mortalité infantile entre enfants indigènes et non indigènes, et sur une
génération combler le fossé tout aussi consternant de 17 ans d’espérance de vie
entre Indigènes et non Indigènes.
En vérité, dans cette affaire, l’approche traditionnelle en direction des
Australiens indigènes ne fonctionne pas. La plupart des approches anciennes ne
fonctionnent pas. Nous avons besoin d’un nouveau départ – un nouveau départ fait
de mesures concrètes pour un succès politique ou un échec politique ; un nouveau
départ, un nouveau partenariat afin de refermer cette brèche avec une
flexibilité suffisante qui n’insiste pas sur une approche unique et universelle
pour chacune des centaines de communautés indigènes isolées et régionales à
travers le pays, mais qui, au contraire, permette des approches flexibles, sur
mesure, locales, pour parvenir à des objectifs nationaux acceptés de tous,
approches qui sont au cœur de ce nouveau partenariat que nous proposons ; un
nouveau départ qui encourage de manière intelligente les expériences de cette
politique nouvelle mise en œuvre à travers le pays. Toutefois, bien que, comme
Parlement, nous fixions un cap à la nation, nous n’avons pas de repère clair
guidant notre politique, nos programmes ou notre but ; nous n’avons pas de
principe organisateur centralisé.
Décidons aujourd’hui de commencer par la petite enfance – un lieu d’élection
pour commencer en ce jour d’excuses aux générations volées. Décidons d’avoir,
durant les cinq prochaines années, chaque Indigène âgé de quatre ans, vivant
dans une communauté aborigène isolée, inscrit et présent dans un centre éducatif
ou une structure adaptés à la petite enfance, et suivant des programmes adaptés
d’apprentissage de l’alphabet et du calcul. Décidons de bâtir de nouvelles
opportunités éducatives pour ces petits, année après année, étape par étape,
pour qu’ils réussissent cette année cruciale avant d’entrer à l’école. Décidons
d’utiliser cette approche systématique pour bâtir de futures opportunités
éducatives pour les enfants indigènes et apporter à ces mêmes enfants des
premiers soins et une prévention sanitaire, de nous atteler à réduire cette
honte, que l’on observe aujourd’hui, de taux de mortalité dans les communautés
indigènes éloignées, quatre fois supérieurs à ceux des autres communautés.
Rien de cela ne sera facile. L’essentiel sera dur – très dur. Mais rien de cela
n’est impossible, et tout cela est réalisable avec des objectifs clairs, un
esprit clair et en donnant la priorité absolue au respect, à la coopération et à
la responsabilité mutuelle comme principes directeurs de ce nouveau partenariat
pour combler cette brèche. L’état d’esprit de la nation est maintenant disposé à
une réconciliation entre Australiens indigènes et non indigènes. L’état d’esprit
de la nation concernant la politique envers les Indigènes et la politique en
général est maintenant très simple. La nation nous appelle, nous les
politiciens, à dépasser notre politique faite de querelles infantiles, damant
des pions et bêtement partisane, et à élever ce lieu central de la
responsabilité nationale à un niveau unique, au-delà des divisions partisanes.
Cet esprit est en vérité celui, inachevé, du référendum de 1967. Et en vérité, à
partir de ce jour du moins, nous devons lui donner un élan.
J’irai plus loin et adopterai ce que certains pourraient considérer comme une
sorte de posture politique, en faisant une proposition concrète à l’opposition
en ce jour, le premier jour de session plénière du nouveau Parlement. J’ai dit
avant les élections que la nation avait besoin d’une sorte de cabinet de guerre
sur certains pans de la politique indigène, car les défis sont trop grands et
les conséquences trop grandes pour laisser croire que tout ceci devienne une
partie politique de football, comme cela a été si souvent le cas dans le passé.
Je propose donc une commission politique conjointe, qui sera dirigée par le chef
de l’opposition et moi-même, avec pour mandat de développer et mettre en œuvre –
pour commencer – une stratégie efficace de logement pour les communautés isolées
durant les cinq prochaines années. Elle agira en accord avec le cadre politique
du gouvernement, un nouveau partenariat pour combler la brèche. Si cette
commission se révèle fructueuse, je proposerai ensuite qu’elle travaille sur la
tâche suivante de reconnaissance constitutionnelle des premiers Australiens, en
accord avec les engagements pris depuis longtemps par la plate-forme de mon
parti et les positions préélectorales de l’opposition. Ce serait probablement
souhaitable, quelles que soient les circonstances, car, à moins qu’une telle
proposition ne soit totalement bipartisane, elle échouerait lors d’un
référendum. Comme je l’ai dit auparavant, le moment est venu pour de nouvelles
approches qui se confrontent aux problèmes. Pour œuvrer de manière constructive
ensemble sur des projets ainsi définis qui, je crois, devraient rencontrer le
soutien de la nation. Il est temps de lancer des idées neuves pour façonner
l’avenir de la nation.
Monsieur le Président, aujourd’hui le Parlement s’est réuni pour corriger une
faute grave. Nous sommes venus ensemble traiter le passé pour que nous puissions
pleinement étreindre l’avenir. Nous somment suffisamment confiants et audacieux
pour ouvrir la voie à cet avenir, les bras ouverts plutôt que les poings
toujours serrés. Saisissons-nous de ce jour. Faisons en sorte qu’il ne se
réduise pas à une réflexion sentimentale. Prenons-le à deux mains et permettons
que ce jour, ce jour de réconciliation nationale, devienne l’un de ces moments
privilégiés où nous puissions transformer la manière dont la nation se pense,
grâce à laquelle l’injustice infligée aux générations volées au nom de ces
Parlements, nos Parlements, fasse que nous réévaluions, du plus profond de nos
croyances, la possibilité réelle d’une réconciliation dans tous les sens du
terme : réconciliation à travers toute l’Australie indigène ; réconciliation à
travers toute l’histoire de la rencontre souvent sanglante entre ceux qui ont
émergé des temps fabuleux il y a une centaine de générations et ceux qui, comme
moi, n’ont traversé les mers qu’hier ; réconciliation qui ouvre les possibilités
d’un avenir entièrement neuf.
C’est à la nation qu’il revient de mener à leur terme les deux premiers siècles
de l’histoire de notre implantation, tandis que nous lançons un chapitre
nouveau. C’est avec fierté, admiration et respect que nous étreignons ces
grandes et anciennes cultures que nous sommes véritablement honorés d’avoir
parmi nous – des cultures qui constituent un fil humain unique et ininterrompu
reliant notre continent australien à la préhistoire la plus ancienne de notre
planète. Grandis par ce respect nouveau, nous considérons nos frères et sœurs
indigènes avec un œil libre, un œil neuf, l’esprit grand ouvert pour nous
mesurer, ensemble, aux grands défis concrets que l’Australie indigène va
rencontrer à l’avenir.
Tournons cette page ensemble : Australiens indigènes et non indigènes,
gouvernement et opposition, Commonwealth et Etat, et écrivons ensemble ce
nouveau chapitre de l’histoire de notre nation. Premiers Australiens, premiers
immigrants venus de la mer, et tous ceux qui ont prêté serment pour la première
fois, il y a quelques semaines – saisissons ensemble cette opportunité pour
bâtir un nouvel avenir pour cette grande terre qu’est l’Australie ! Monsieur le
Président, je recommande cette motion auprès de la Chambre des Représentants.
[Applaudissements de l’assistance.]
un exemple que l'occident entier devrait suivre
Nous arrivâmes sans problème à Townsville où Brenda nous attendait dans sa superbe maison en haut de la colline avec une vue de rêve sur Magnétic Island mais ceci est une autre histoire
N'oubliez pas de consulter aussi le livre de bord de cette période
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