A la veillée les discussions tournent tout naturellement
autour des Oyaricoulet : ces indiens primitifs que Cognat a rencontré
plusieurs fois et qui vivraient encore entièrement à l'écart de la
civilisation...
peuple d'indiens aux "longues oreilles" . ..
"peuple feuilles" qui ne sauraient
pas construire de hamac et utiliseraient encore des outils de pierre...
leur
évocation lève dans les esprits tout un monde de légendes, de contes et de fables
dont la mémoire wayana est très riche.
C'est ainsi
que le chef à la demande de ses fils en vient
à nous raconter l'histoire du Paresseux et du Jaguar.
Etendus dans nos hamacs,
protégés de l'humidité et des insectes par nos
moustiquaires dont nous avons juste soulevé un pan pour laisser passer la tête,
nous nous laissons entraîner dans l'univers fabuleux du conteur.
Une mauvaise
lampe à pétrole faisait danser les ombres sur son visage.
Paresseux
Il y avait une fois un jaguar qui se déplaçait seul en forêt.
Soudain, il entend un bruit de chute, un bruit sourd, puis
c'est le silence.
Il dresse l'oreille, écoute un long moment et reprend sa
course.
Peu de temps après, un nouveau bruit de chute très assourdi.
Il se demande
ce qui se passe et se dirige vers le bruit.
Il marche ainsi pendant un moment quand il entend à nouveau le bruit, mais cette
fois très proche. Il découvre alors, au sol, un" paresseux" ( animal) et lui demande ce qu'il fait là.
"- Tu vois, jaguar, je suis un paresseux, solitaire et désoeuvré.
Pour m'amuser,
je grimpe au sommet de l'arbre et je me jette dans le vide.
Comme je suis très
fort, souple et adroit, je ne me fais pas mal et je m'amuse comme cela toute la
journée."
"- Ce n'est pas vrai, dit le jaguar, tu ne vas pas me faire croire ça."
"- Si, si, et si tu veux, je vais continuer mon jeu pour te montrer."
Il grimpe en haut de l'arbre et se jette dans le vide.
Comme c'est un paresseux, très fort, souple et adroit, il ne se fait pas mal.
Il
se relève et dit:
"- Tu vois, je pense que tu n'en ferais pas autant."
Le jaguar hésite. Il n'est pas très chaud pour tenter ce petit
exploit, malgré les encouragements du paresseux.
"- Mais enfin tu es un jaguar, tu dois être capable de faire aussi bien que moi qui ne suis qu'un pauvre paresseux."
Atteint dans son amour propre le jaguar n'ose pas se
défiler
Il grimpe très timidement jusqu'à la première branche.
"- D'ici, est-ce que ça va ?"
"- Non, ce n'est pas sérieux, il faut que tu montes plus haut."
Le jaguar hésitant, mal à l'aise, grimpe sur la deuxième
branche.
"- Et de là ?"
"- Non, tu as vu, tu dois faire comme moi.
Il faut que tu grimpes au sommet de
l'arbre, tu verras, il n'y a aucun risque, tu ne te feras pas mal."
Le jaguar hésite encore, puis il se dit, « tant pis, il ne faut pas que je perde
la face ».
Pendant qu'il reprend son ascension, le paresseux va chercher un gros
rocher qu'il installe sous l'arbre.
Il a mis beaucoup de temps parce qu'il se
déplace très lentement, ce qui prouve que le jaguar, de son côté, a pris son
temps pour arriver au sommet de l'arbre.
"- Voilà j'y suis."
"- Bon, lui dit le paresseux qui s'est mis sur le rocher, il te suffit maintenant
de sauter dans ma direction. Tu sautes sur moi, comme cela je t'indique le lieu
de ta chute, je m'enlèverai au dernier moment."
Après une ultime hésitation le jaguar se jette dans le vide et vient s'écraser
sur le rocher.
Le paresseux, qui a eu juste le temps de se retirer,
tourne trois fois autour du cadavre en se frappant la poitrine et en proclamant
" c'est moi le mouton paresseux, très fort, souple et adroit, qui ai réussi à
vaincre le jaguar ».
Nat interrompt son "grand père"
.
"- Trois fois... pourquoi tourne-t-il trois fois autour du jaguar?"
"- C'est comme ça depuis très longtemps, d'aussi loin que je connais cette
histoire.
Mais écoute la suite. Nat "
Après avoir tourné autour du jaguar, le mouton paresseux revient dans son
carbet.
Trois jours plus tard, il part récupérer les os des pattes que les
charognards ont nettoyés.
De retour chez lui, il les perce pour en faire des
flûtes.
Pendant ce temps, la famille du jaguar s'inquiète. Son frère décide
d'aller à sa recherche.
Pas très loin de l'endroit où vit le paresseux, il entend une
mélopée dont il comprend le sens. Cette mélopée dit :
« C'est moi le paresseux, très fort, souple et adroit, qui ai réussi à vaincre le jaguar. »
Il s'approche et découvre le paresseux en train de
percer un os.
"- Que fais-tu là, lui demande-t-il ?"
"- Tu vois, je prépare des flûtes."
Dans la case il y en a des quantités, ce qui prouve qu'il est très fort et très
adroit, car, en plus du jaguar, il a tué beaucoup d'autres animaux.
"- D'où viennent tous ces os ?"
"-Ceux-là, ce sont des os de biche, ceux-là des os de tapir,
ceux-là des os de jag... euh...d'un autre animal."
Mas le jaguar a compris et se dit t« Je sais
maintenant qui a tué mon frère. » Il s'en va et retourne dans sa
famille pour chercher du renfort.
Un autre jaguar accepte de l'accompagner.
En arrivant chez le paresseux, il découvre la case vide.
"- Paresseux, tu es un lâche, tu n'oses pas te montrer, tu as peur de moi."
A ce moment-là il entend une petite voix au sommet d'un arbre qui lui répond
"- Oui, c'est moi le paresseux, très fort, souple et adroit, qui ait réussi à
tuer ton frère, mais je ne suis pas un lâche et pour te le prouver je vais
descendre pour m'expliquer avec toi."
Pendant qu'il descend, les deux jaguars partent en forêt ramasser tout le bois
mort qui se trouve à des lieues à la ronde puis l'entassent au pied de l'arbre
et y mettent le feu.
Quand le paresseux est arrivé en bas, un des jaguars l'attrape et le jette
en direction du brasier. Mais, comme c'est un paresseux, très fort, souple et
adroit, il tombe devant le feu.
L'autre jaguar se précipite et le jette à nouveau vers les
flammes.
Comme il est toujours très fort, souple et adroit, il tombe de l'autre
côté.
Cela devient un jeu, pas pour les jaguars, mais pour le paresseux.
Il est jeté d'un côté ou de l'autre, mais tombe soit devant, soit derrière le bûcher.
Au bout d'un long moment le feu s'éteint et les deux jaguars sont éreintés, à bout de forces. Pendant qu'ils reprennent leur souffle, le paresseux en profite pour s'installer à l'intérieur d'un gros arbre mort, couché sur le sol.
"- Cette fois tu ne nous échapperas plus, on va t'enfumer et te brûler dans ce
tronc."
Comme ils ont déjà utilisé tout le bois mort alentour, ils sont obligés d'aller
très loin.
Lorsqu'ils ont enfin confectionné un grand bûcher, ils y mettent le
feu. Le tronc brûle. Cela grésille, pétille, craque à l'intérieur. Les deux
jaguars font des commentaires
"- ça, c'est sûrement le crâne qui est en train d'éclater, ça, ce sont les os qui
se cassent...etc..."
Une fois le feu complètement éteint, ils cherchent les débris des os calcinés
mais ne trouvent rien. A ce moment-là, ils entendent une petite voix:
"- C'est moi le paresseux, très fort, souple et adroit, qui ai réussi à tuer
votre frère, je suis toujours vivant."
Ils cherchent partout sans rien trouver jusqu'au moment où l'un d'eux regarde en
direction d'une petite crique. Il voit l'image du paresseux à la surface de
l'eau.
"- Cette fois, ton compte est bon !"
L'un des jaguars plonge pour se saisir du mouton paresseux... mais n'attrape que
l'eau.
Tout suffoquant il rejoint la berge.
Le deuxième saute à son tour et boit
beaucoup d'eau.
Après plusieurs tentatives, ils sont complètement exténués.
On entend alors une petite
voix qui dit :
"- Je suis le paresseux, très fort, souple et adroit, je suis sur l'arbre et non
dans la rivière."
Les deux jaguars lèvent la tête et aperçoivent le paresseux.
"- Cette fois-ci, tu ne nous échapperas plus, lui crient-ils, on va partir dans
notre village chercher des haches et on te mangera."
Ils s'en retournent dans leur famille puis, armés de haches de pierre,
reviennent au pied de l'arbre. Mais, oh surprise! plus de paresseux.
Le paresseux, ils ne l'ont jamais revu.!
Le récit terminé, chacun apprécie à sa façon telle ou telle péripétie du conte
qui est reprise et commentée avec force moqueries à l'endroit des jaguars.
Il
faut dire que le jaguar est le seul animal dont les Wayana aient vraiment peur,
aussi quel plaisir d'imaginer le paresseux, si inoffensif et si vulnérable,
venir à bout du fauve.
Plaisir d'autant plus grand que nous nous trouvons sur
une petite île, au milieu de la rivière, et que nous ne risquons pas de recevoir la
visite impromptue d'un de leurs congénères.
Bah ! y aura pas de
Jaguar... mais le bruit des singes et des oiseaux ...et tout
cela est vraiment impressionnant pour cette première nuit en forêt profonde...
loin de tout...
sans savoir même où l'on est !
En fait nous n'avons eu besoin que de deux hamac... trois en fait...
le chef dormit avec ses deux
fils et moi avec mes loupiots...
quand à Igor et petit singe ils étaient censés
monter la garde et se tenaient bien serrés sous la moustiquaire d'un troisième
hamac tendu pour eux
alors que les loupiots étaient endormis il ajouta cette dernière histoire
"-tu vois Emit les étoiles et la voie lactée..."
Eh bien.
un jour des gens ont mis le feu au ciel,
ils l'ont fait brûler.
Oui des chamarres ont mis le feu au ciel.
« voici l'endroit où l'on a brûlé le fromager ! » qui permettait jadis de
monter au ciel et de se transformer et de renaître à loisir
La voie lactée, c'est seulement l'endroit où l'on a brûlé le fromager.
Le ciel s'est enflammé :
son embrasement a fait du vacarme,
cela sentait comme quand des choses brûlent,
peut-être comme brûlent des emballages.
On appelle la voie lactée `L'endroit où a brûlé le fromager'.
Tilonaikë, c'est le nom que lui donnent les chamanes'
Kumaka ëhewalutpë
> Uwa, wayanaja tïhe kapunak, tëwapoi.
Kapu tëwapoi pïjahamoja.
Masike inëlë : « kumaka ëhewalutpë helë », tïkai.
Tuwale. Kapu ëhapëitoponpë nai
helë kumaka ëhewalutpë leken.
>Kapu tehapeihe : putokololo tïkai ïwehapëitoponpï,
tïpokne ëtïkom
ëhewalutpetom katïp,
ëtï enpetom katïp ïwale.
Kumaka ëhewalutpë katop.
Tilonaikë, pijaham ehet.
Le danger était en fait à nos pieds
mais ne pouvait
heureusement pas accéder à nos hamac...
ni à nos rêves
pour les araignées mygales aussi on avait brûlé le fromager
*
Que voulez-vous faire maintenant ?