Ils construisent et utilisent de petites embarcations légères, les canots–pagaies, qu’ils manœuvrent à la pagaie et à la perche. Ces petites pirogues sont très répandues dans les petits villages où femmes et enfants les utilisent quotidiennement pour se rendre à l’abattis ( au champ), aller à la pêche, ou encore puiser de l’eau au milieu de la rivière. D’une longueur moyenne de 6 mètres, ces canots–pagaies autorisent le transport de marchandises légères, comme la production de l’abattis, du bois sec pour la cuisine ou encore les filets de pêche. Ils permettent de transporter trois à quatre adultes au maximum mais peuvent être manœuvrés par une seule personne assise à l’arrière.

canots-pagaie

 

Femmes se rendant à une fête (aquarelle de Jess)

 

Traditionnellement, les hommes doivent construire un canot–pagaie pour leur épouse. Comme la maison, la pirogue et la pagaie constituent un cadeau matrimonial important qui révèle l’habileté technique de l’homme mais également son talent artistique et sa connaissance de l’art tembé: un décor d’entrelacs le plus souvent hauts en couleurs dont ils ornent tous les objets de la vie quotidienne, des plats à vanner aux peignes, des pirogues aux maisons et aux vêtements.

 

 

Divers exemples de peintures de l'art Tembé

 

 

La signification du tembé; serait essentiellement sexuelle : symboles masculins et féminins, symboles d’accouplements, et serments d’amour.

L’une des extrémités du canot–pagaie est fréquemment ornée de motifs masculins et l’autre de symboles féminins comme les formes ajourées nommées " entrée de serrure " et les croissants de lune. Les pagaies de femme sont également ornées de tembé ; généralement gravés sur les poignées et peints sur les pales des pagaies.

Un enfant boni sur sa pirogue( esquisse de Jess)


Les canots–pagaies occupent une place prédominante dans la transmission des " savoirs de l’eau ". La première phase de l’apprentissage des techniques de navigation est en effet réalisée dans ces canots–pagaies et dès leur plus jeune âge, les enfants accompagnent leur mère à l’abattis ( zone de brûlis et de défrichage libre en forêt où chaque famille cultive ce dont il a besoin : canne à sucre, manioc, riz, fruits etc...) en barque. Munis de petites pagaies adaptées à leur taille, ils participent à la propulsion.

Enfants "boni" ( esquisse de Jess)


 De retour au village, les jeux des enfants tournent autour de l’eau. Les plus petits tirent avec une ficelle des répliques miniatures des pirogues sur le sable. Les plus grands jouent dans des petites pirogues d’à peine un mètre de long.
A partir de huit ans, il manient la longue perche appelée takari qui permet de propulser mais également de diriger l’embarcation.

Enfant boni avec son "takari" (Jess)


A partir de dix ans, les pratiques de navigation marquent une séparation sexuelle.
 Les filles vont poursuivre avec leur mère les navigations autour du village.
 Les garçons quant à eux découvrent les chantiers de construction et participent à des voyages plus longs sur des pirogues à moteur.
 A l’adolescence, ils acquerront le statut de takariste. Placés à l’avant des grandes pirogues à moteur, le takariste a pour rôle de sonder la rivière et d’indiquer les hauts–fonds au motoriste. Pour coordonner en permanence leurs efforts, le motoriste et le takariste ont développé une riche gestuelle. Dans les sauts ( rapides), le takariste utilise sa perche pour diriger la pirogue. En prenant appui sur les roches, il dévie la proue pour lui faire prendre la bonne passe. De nombreux voyages sont nécessaires au jeune takariste pour mémoriser les passes navigables en fonction de la hauteur des eaux qui varient de plusieurs mètres entre la fin de la saison des pluies et la saison sèche.

A côté de ces pirogues de tous les jours on trouve des grandes pirogues à moteur : pirogues fileuses et pirogues de fret qui passent les sauts et naviguent sur toute la longueur du Maroni.
 Plusieurs centaines de pirogues à moteur transportent chaque jour sur le fleuve personnes et marchandises.
Les  pirogues longues et étroites, dites fileuses, assurent des services de taxi entre les bourgs du Maroni. Elles sont également employées pour le transport scolaire.

Enfants se rendant à l'école ( avec leur gilet de sauvetage) (Jess)

 Le matin, dans les petits villages, on peut apercevoir des enfants, gilets de sauvetage au cou, arriver de toutes parts et sauter dans une pirogue pour aller à l’école.
Toutes les tournées, des postiers aux médecins en passant par les gendarmes, sont réalisées en pirogue fileuse. Plusieurs fois par trimestre, des missions officielles remontent le fleuve pour instruire les registres d’état civil et délivrer entre autres les papiers d’identité.

 Les commerces du Maroni sont ravitaillés depuis Saint–Laurent–du–Maroni et Albina  ( ville située en face du côté Surinam) par les larges pirogues de fret qui peuvent contenir jusqu’à dix tonnes de chargement.
 Les marchandises transportées sont extrêmement variées, de la boîte de petits pois aux couches pour bébé, en passant par les bougies et les bouteilles de gaz.
Les entreprises de construction affrètent également des pirogues de fret pour transporter bois, parpaings, ciment et même des engins de chantier placés à cheval entre deux pirogues.

Pirogues de transport "lourd" ( photo de Nat)


 

Pirogue-camion

 

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