Carte des différentes ethnies le long du fleuve Maroni

Mercredi 26 Juillet 2006

 

C'est parti...

J'ai repris le carnet et le petit crayon mâchouillé que je loge dans mon chapeau pour vous conter "en direct" notre expédition qui est partie de St Laurent à l'aube...
Car suivant la bonne habitude des ermites içi on se lève avec le soleil...
G+G : Gilbert et son frère Gabriel  tous deux piroguiers "boni"( noirs descendants d'esclaves) nous attendaient avec un grand sourire près du grand esquif de 12 mètres qu'ils ont construit eux même.

Habitués qu'ils sont à transporter des scientifiques par nature étourdis deux pirogues étaient prévues... mais nos maigres bagages nous permirent d'embarquer tous sur un même vaisseau... avec à leur grande surprise mais aussi  beaucoup de joie deux enfants et un chien ! ( nous aurons au cours de cette première journée pu constater l'amitié que l'on portait à la gent canine ..et aux enfants...)
Le moteur 50 cv Yamaha de compétition lancé , nous voila parti pas trop rassurés Igor à la proue avec Nat , Jess et moi même assis derrière Gilbert... tournant le dos à Guy et Cannelle ...
Gabriel tenant lui le moteur... à la poupe

Première journée sans histoire mais un peu à l'étroit sur cette "barcasse" comme dit Jess... étroite coquille effilée mais rapide sur une immensité boueuse , nous passâmes non sans émotion devant le Kalliste  resté tristement amarré à sa bouée et que la veille nous avions délesté de ses appareils les plus précieux  pour les stocker.. .à la section SNES du lieu... où nous avons d'ailleurs dormi... chuut !: (en toute clandestinité)...
non sans avoir signalé sa présence à la gendarmerie locale ! ( au cas où)

Là non plus nous n'avons pas voulu visiter St Laurent ville débarcadère des bagnards... où plus de 200 000  "condamnés" débarquèrent ...pour mourir du manque de pardon des hommes... c'est trop sinistre et stupide !

Mais heureusement nos piroguiers eux n'engendrent pas la mélancolie et possèdent cette faconde, cette joie de vivre cette simplicité accueillante de leurs racines africaines : chants , plaisanteries et sourires de toutes leurs dents ... et gros rires qui à eux seuls dérideraient un mort  ponctuèrent donc cette remontée ...et en moins d'une heure nous étions déjà amis...:  eux nous racontant les anecdotes et légendes du fleuve , nous nos espoirs et nos craintes.. nos angoisses, préoccupations complexes et tourments d'intellectuels qui les font bien rire... mais les font vivre !

" sont fou ces occidentaux"...

 deux formes de société... finalement je ne suis pas loin de penser qu'ils ont raison !

Une pirogue "effilée" devant St Laurent du Maroni ( esquisse de Jess)

 


Pirogues de transports à St Laurent ( esquisse de Jess)

Les Noirs de Guyane sont appelés parfois des « nèg's marrons »(noirs marrons) (marrons étant, en l'occurrence, synonyme d'évadés),  ou nègres des bois c'est-à-dire ceux qui se sont enfuis de la Guyane hollandaise pour se réfugier dans les forêts de la Guyane française.
Leurs lointains ancêtres razziés sur les côtes d'Afrique avaient été transportés en grand nombre au Surinam par des trafiquants d'esclaves.
Ils auraient dû y demeurer au moins jusqu'à l'abolition de l'esclavage, sans l'intervention du corsaire français Jacques Cassard.
Ce dernier  qui ne songeait d'ailleurs pas à eux lorsqu'en 1712 il attaqua Paramaribo et bombarda la ville, qui n'échappa à la destruction qu'en versant une imposition de 58 512 livres sterling.
 Pour payer cette contribution, les habitants furent imposés sur chaque tête d'esclave.
 Aussi, pour échapper en partie à cet « impôt de capitalisation », certains propriétaires hollandais n'hésitèrent pas à envoyer un bon nombre se cacher en forêt étant entendu qu'ils réintègreraient les plantations après le départ des Français... Mais, ayant pris goût à la liberté, beaucoup d'entre eux demeurèrent dans les bois, formèrent des « maquis », et entrèrent en rébellion ouverte contre leurs anciens maîtres,...

Se rendant compte qu'ils ne pourraient pas facilement juguler ce mouvement, les Hollandais firent la part du feu, et traitèrent avec les révoltés, appelés les Boschs aussi Djukas (Djukas provient du mot Dju=juif car ils sont pour la plupart d'anciens esclaves de juifs hollandais), à condition que ceux-ci s'engagent à renvoyer, sur Paramaribo, tout esclave qui viendrait à les rejoindre. Une habile manoeuvre qui revenait à  octroyer la liberté aux Boschs... et en faire des "collabos"

 Ces derniers fiers et désireux de conserver l'indépendance ainsi acquise, donnèrent la chasse aux autres esclaves qui tentaient de se réfugier en forêt et, fidèles à la parole donnée, livrèrent leurs frères de couleur aux autorités hollandaises.

En 1772, une autre révolte éclata sur la crique Cottica, dirigée par un mulâtre nommé Boni. Les Hollandais maîtrisèrent cette insurrection par la force. Blessé, Boni quitta le territoire surinamien avec les survivants de sa troupe et vint s'installer sur le haut Maroni. Pour éviter que ces rebelles ne reviennent,les Hollandais chargèrent les Boschs de les surveiller. Ceux-ci s'acquittèrent de cette tâche au mieux de leurs intérêts et, peu à peu, les Bonis devinrent leurs vassaux.

Ainsi cette population Bushinengé  comme elle se nomme désormais est-elle profondément divisée composée de différentes groupes... les Djukas, les Saramacas , les  Paramacas ,les Bonis tous  localisés le long du Maroni mais que le passé historique oppose comme l'indique la carte au dessus au total entre 4 000 et 6 000 individus.
Jusqu'en 1986 le Surinam a été secoué par la guerre civile...et des réfugiés sont arrivés en grand nombre jusqu'en 1993...et une immigration perlée se poursuit encore...

Tous vivent dans des cases basses, recouvertes de feuilles de « ouayes » (sorte de palmiers) et fermées sur les côtés par des planches. Ils dorment dans des hamacs et utilisent les ustensiles de cuisine apportés par la civilisation européenne. Mais de plus en plus les cabanes en planche et la tôle ondulée  remplacent les huttes traditionnelles .

Une cabane bushinengé (Jess)


 Les hommes portaient autrefois le calimbé, pièce d'étoffe passée entre les jambes et suspendue par une ficelle, de façon que les pans retombent devant et derrière, comme les Indiens, mais aujourd'hui short et le tee-shirt blanc ou de couleurs viennent remplacer le traditionnel vêtement des ancêtres. Les femmes  vêtues du camisa, sorte de jupe courte nouée à la taille portent désormais le jean, le shirt, le string... et même le vêtement créole Mais pour elles aussi le vêtement
Même l'art de la coiffure qu'elles pratiquaient comme une forme d'expression élaboré de l'art Tembé tombe en désuétude

Les Bonis ( les premiers venus descendants des esclaves chassés et non retournés) éthnie de nos guides et des rives et paysages que nous parcourons sont des  canotiers dans l'âme, baptisés les « rois de la rivière »Il excellent dans le travail du bois que ce soit pour le sculpter , en faire des petits meubles ou de magnifiques pirogues qui sont les seules à pouvoir rendre ce fleuve navigable.

Photos de la construction d'un pirogue ( trouvées sur le net)

Différentes sortes de pirogues à l'arrêt ( Jess)

 

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