VACUITÉ

Donc

Tout est vide d'être,
 le Réel est un néant d'être,
 une absence
c'est l'être absent du monde qui est le monde réel de l'être
nulle base, nul socle sur lesquels faire reposer une essence
tout ce qui existe devient
et ce qui devient n'est ni soi ni autre...

Ainsi après avoir rencontré l'Être en l'advaïta et en l'hindouisme nous devons reconnaître qu'il n'appartient pas à nos catégories de pensée, à ce que nous classons comme existant

La production en dépendance ou coproduction conditionnée est la conception clé du Bouddhisme
pour lui l'existence n'est au fond d'elle même qu'un néant foncier,
une structure momentanée 
des agrégats destinés à se défaire, 
une absence de nature propre des choses et des êtres

et comme rien ne saurait échapper à cet état il peut affirmer: 
" il n'existe pas et d'aucune manière quelque chose qui soit constitué de réalité véritable"

et il m'est avis qu'il n'a point tort...

 Les choses dépourvues d'être propre sont donc non seulement sans essence mais aussi non substantielles donc inexistantes...
cela a de quoi choquer voire surprendre le lecteur imbu et imprégné par l'occident
 mais l'auteur parle d'inexistence
et il serait également faux de  conclure qu'il n'y a que le néant...

il faut bien veiller à distinguer l'avoir de l'être


En aucune manière on ne peut conclure qu'il n'y a que le néant...
car si l'être n'est pas ...
de quoi le non-être serait-il le non-être ?

une négation ne s'oppose qu'à un positif !

Il convient donc de demeurer ni dans l'être ni dans le non-être,
ni dans l'affirmation ni dans la négation des choses...
ne leur accordant ni réalité ni néantité...

du moins ce qui correspond dans notre esprit à ces catégories mentales...


Mais du moins reste-t-il me direz vous, au moins le sujet pensant qui effectue ces négations ?
ne reste-t-il pas au moins l'absence de point de vue qui est encore une vue ?

pas même...

Car si le sujet connaissant existait il devrait être dans l'être ou le non être...
deux états inadmissibles...
le sujet pensant  lui aussi est délogé de son existence

Ainsi affirmer la vacuité selon le Bouddhisme de Nagarjuna interdit, empêche que l'on admette la réalité d'un support permanent, d'une réalité vraie, même si cette vérité était mentale...
le sujet pensant peut encore moins revendiquer une existence réelle
l'esprit n'a pas plus de réalité que les phénomènes 
et le sujet pensant ne peut s'établir ni dans l'être ni dans le non-être...
il  n'est donc nulle part...

Curieuse chose me direz vous...pourtant la pensée existe celle qui écrit en ce moment même ?
certes...phénomène momentané d'un monde relatif conditionné et transitoire
mais rien dans l'absolu...et sans signification aucune...

Par ailleurs l'esprit n'est pas non plus sur une hauteur à partir desquelles il pourrait juger les choses de manière dégagée, hors d'atteinte de la non substantialité
sujet et objet, observant et observé
tous
sont également soumis au déterminisme de la contingence universelle
pas d'extériorité possible
l'impermanence est la réalité du Tout...

A chaque affirmation répond une négation,
 le vrai n'est  nulle part,
 il n'a pas de localisation fixe,
 car le vrai est en n'étant pas, et il n'est pas tout en étant,
 ni il est ni il n'est pas

Le vrai est sans essence
aucune prise, aucune propriété n'est possible sur ce qui est perpétuellement mouvant et changeant
on ne possède pas le vrai
il se déploie dans son absence
il se donne dans son retrait
il se contemple quand il se voile
les conditions de l'affirmation sont les conditions de la négation
il n'y a ni vérité ni non vérité
mais un simple  et vaste mouvement du oui et du non
de l'existence et de la non existence

( ces déclarations ne vous rappellent-t-elles pas celles de l'apophatisme pour désigner le divin comme le ferait un Denys par exemple ?
Que -t-en semble lecteur ?)

Augustin n'aimait-il pas à proclamer lui aussi que Dieu créait en se retirant ?

 


Il convient d'entrer peu à peu comme à tâton...et par habituation progressive dans cette compréhension de l'absence de réalité des phénomènes qui apparaissent au jugement
pénétrer au coeur de la non substance
au coeur de l'absence de nature propre des réalités phénoménales


Toujours" conditionnés  "les phénomènes n'ont pas d'existence propre
ni être ni non être
 la production en dépendance vide les caractéristiques ontologiques des existants
naître en dépendance  n'est pas naître authentiquement 
ce n'est qu' une transformation.. de quelque chose de déjà "existant".
ce n'est qu'un  passage d'un état à un autre
une Pâques peut-être ?

( et il serait bien intéressant de refaire une lecture Biblique sous cet angle... tant cette notion est si importante 
tout est passage...tout est mouvement...tout est transformation...tout est devenir pour le Judaïsme qui l'exprime à sa manière par l'attente
et dans le christianisme  où le Nazaréen aime si souvent à répéter "Soyez passant"...soyez en marche !

Ainsi mourir en dépendance ce n'est pas véritablement mourir
ce qui est créé en dépendance ou disparaît ainsi n'existe pas véritablement et ne cesse donc pas d'exister
ni apparition ni disparition
ni vie ni mort
seule la mouvance en vérité
et la transformation des choses et des" existants"...qui n'existent pas vraiment

une continuité sans permanence...
une identité sans continuité

seulement une contiguïté
contiguïté d'unité définies ( et/ ou ressenties) par un ego illusoire

En fait 
Ce qui est vide de substance propre n'est ni pourvu , ni non pourvu d'être
car si c'est en  dépendance de l'être qu'est établi le non être
c'est en dépendance du non être que l'être est établi
le non être étant insaisissable, l'être est imprédicable lui aussi
imprédicable c'est à dire non situable, non localisable, non conceptualisable
en retrait de l'étant et en retrait de lui même
en retrait aussi de son retrait
ni dans son retrait, ni dans sa donation
ni non existant, ni existant
ainsi l'être n'est pas dans ce qu'il est, et est dans ce qu'il n'est pas
ne cessant d'être absent de son absence et d'être présent dans sa non présence

ni être ni non être...
l 'existence est  elle même non prédicable
l'être est vide
sunyata...

Exister ainsi pour les existences...ou les existants...voire les étants
c'est ne pas vivre vraiment tout en étant existant
c'est exister sans existence réelle
c'est être sans être
c'est subsister sans subsistance ontologique véritable
cela explique peut-être que la vérité de l'être ne se tienne ni dans le oui ni dans le non
la vérité de l'être c'est la non différence,
 sans position stable 
 fondée sur le vide et le non vide,
c'est l'absence d'être propre

Mais cette voie négative elle même ne peut s'en tenir à la négation
et réaliser la vacuité n'est possible que lorsque l'on a rejeté toute affirmation et toute négation 
en tant qu'elle relèvent de la vérité conventionnelle pour atteindre la vérité Ultime...

La vérité ultime de l'être ...

La Vérité Ultime ?

c' est la vérité manquante de l'être
le silence prononcé sur le rien
l'évocation du vide sur la non substance
ni fixe , ni non fixe,
ni négative ni positive

La vérité exprimée de l'être est une vérité sur la non vérité de l'être
une vérité sur la vérité manquante
...qui est seulement expression de la vacuité ( le langage ne peut pas exprimer Dieu)


Ni voie négative, ni voie positive...
 la doctrine de la vacuité ne fait que proclamer la non substantialité de toute forme,
 de toute existence,
de toute voie

En fait le discours Bouddhique extrême de la voie du Milieu chère à Nagarjuna ne dit rien, au sens de formuler une

 explication écrite et cohérente à la manière des théologiens
il ne fait que constater le vide
il montre...le Vide
Sunyata

La vérité ultime ? ...Sunyata


Précisons  que la parole du vide est un vide sur le vide
une absence de dire sur l'être et le non être
un néant sur l'abîme
l'expression du parfait silence

Le sage bouddhiste, l'éveillé sait souligner l'importance du non-soi
qui n'est pas simplement une réfutation de l'existence d'un soi...
 mais une marque de l'absence,
le signe du vide d'être propre qui compose les êtres...

Mais le vide peut-il exister étant vide ?
bien sûr il n'existe pas non plus..

 mais 
( paradoxes du langage)...
mais quand nous disons des choses ou des êtres qu'ils sont constitués de vide
 nous disons par là même qu'ils sont ...
alors qu'ils ne sont pas !

Affirmer l'existence du vide c'est affirmer l'inexistence des phénomènes par le fait qu'ils existent
or les êtres et les phénomènes sont constitués par une absence...
ainsi en tant qu'existants ils sont inexistants
et il n'y a en fait  ni êtres, ni phénomènes
ce ne sont que créations humaines
tout n'est qu'apparence sur l'écran de notre cerveau...

Le non soi est en aucun cas une formule qui indiquerait que derrière les êtres se cacherait le vide
oooh ! non !

c'est une manière de faire comprendre que les êtres, les phénomènes en tant que tels sont le vide, 
sont la vacuité même
et non pas un masque, un voile ou une illusion du vide...
le vide n'est pas différent des phénomènes et les phénomènes du vide

Une autre manière serait peut-être de dire c'est que les êtres relatifs ne peuvent concevoir ave leur petite cervelle l'existant...ils se créent des images factices...ils ne peuvent comprendre ni même concevoir l'Ultime ou plutôt l'Ultimité des choses...
comment prendre un oeuf avec le couteau s'exclame la poule
et notre situation est la même nous sommes devant ou dans l'oeuf et avons un couteau en guise de cerveau
outil bien mal adapté à cette connaissancedes choses...

Ainsi le précise bien ce Sutra du coeur récité matin et soir dans les monastères Zen japonais ( Hannya haramita Shingyo)

 

" Tous les phénomènes sont non substance, 
mais la non substance n'est pas différente des phénomènes

Toute existence est non substance,
 toute existence a le caractère de ku ( non substance)

Toutes choses faites avec les 5 éléments sont non-substance
il n'y a ni ce qui naît,
 ni ce qui périt,
 ni pureté
 ni impureté
ni naissance,
 ni commencement,
 ni croissance 
ni décroissance,
il n'y a pas non plus de phénomènes dans la non-substance

Pas de sens, 
pas d'idées,
 pas de volonté
 pas de connaissance...
pas d'oeil...
pas d'oreille...
pas de nez ...
pas de corps
Pas de voix non plus

Ni savoir,
 ni ignorance,
 ni illusion,
 ni cessation de souffrance 
et pas de chemin non plus

Pas de contenu au savoir...
et tous les bouddhas, tous ceux qui atteignent le nirvana...en fait aucun n'y parvient,

 Il n'y a rien à atteindre,
 rien à obtenir,
 nul samsara à quitter...

Terrible  est le décapage quand on se dirige vers le Réel !
pire que la traversée d'un nuage radioactif n'est-il pas ?

Mais il faut avoir aiguisé son esprit à l'extrême, 
s'être entraîné à l'absolu et à l'absurdité de tout raisonnement sur l'être
sur le soi aussi
avoir perçu la vanité de toute réflexion humaine
ses terribles limites
l'archaïsme de son fonctionnement
 pour percevoir le souffle ténu
ce je ne sais quoi que je ne saurais dire...

Il faut être allé au plus lointain de ses pensées
avoir maintes fois accompli le tour de son domaine intérieur évanescent et cependant si prenant
pour percevoir le souffle ténu
ce je ne sais quoi qui me pousse à vivre encore
et à garder le chemin qui cherche et cherche encore

Il faut avoir atteint l'intime désert de l'oubli et de la vanité de soi
de toute conceptualisation
de toute discrimination réflexive
pour pouvoir être effleuré, touché visité par l'inaudible soupir
de ce je ne sais quoi qui pousse au sens
et à devenir ce que je crois être 

brin de silence qui vibre à peine
et qui déjà s'en va...

 

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