Il faut savoir aller au delà ...
Tout est dit dans cette phrase de la dynamique
même de l'Évangile et du Christianisme que l'on voudrait tant "enchâsser",
figer en une Vérité qui n'en est pas une...
Le Message de Ieshouah le Nazôréen est tout d'ouverture et de mise en route
vers le Tout Autre source lui de Vérité ainsi que de découverte de
soi-même...
Hélas si peu de "chrétiens" le comprennent aujourd'hui...
Écoutons le Père Le Saux nous l'expliquer grâce à ce texte extrait de
Intériorité et Révélation avec l'autorisation des éditions Présence
+
Il faut savoir aller au-delà des archétypes qui jaillissent à l'origine même de la
la conscience humaine,
là où il y a les pulsions fondamentales de l'être.
Au-delà de n'importe quel archétype d'ordre religieux,
vers cette pulsion absolument originelle qui nous réfère à l'Être,
à l'Absolu,
vers cet élan spontané de notre nature
qui jaillit pour se rejoindre
elle-même, pourrait-on dire,
et pour réaliser en leur plénitude
les virtualités foncières qui la constituent.
Cette référence fondamentale à l'Être, autrement dit cet élan
de nature vers Soi, se manifeste au travers des
archétypes.
Ceux-ci
sont le lien indispensable entre ce qui gît inexprimé au fond même
de l'être
et le plan déjà périphérique du mental, auquel l'homme
devient conscient de soi
et donc capable de se porter spontanément vers le but inscrit à la fois dans sa nature et dans l'unicité
de sa vocation personnelle.
Depuis les temps les plus reculés de l'ère néolithique qui
nous soient accessibles, cette pulsion originelle s'est manifestée de
façon privilégiée dans la conscience de l'homme au moyen des
archétypes religieux,
ceux par exemple du sacré, du numineux.
Ces archétypes religieux libérèrent dans l'individu comme dans
l'humanité, des" énergies psychiques" d'une puissance extraordinaire.
Les libérant, ils les endiguèrent et les canalisèrent, accroissant
du même coup leur rendement, mais en même temps
les enfermant
inévitablement dans un cercle limité de rayonnement.
Les
contours de ces 'cercles', encore très flous à l'âge du mythe,
tendirent à devenir dangereusement précis quand le logos s'en mêla et chercha à définir des concepts, laissant ainsi nécessairement de côté toute cette richesse de valences que comporta
le mythe dans son clair-obscur.
Tout au long de l'histoire des religions, les archétypes religieux allèrent se condensant, et se cristallisant dans des formules
et des rites qui incluent aussi bien les règles éthiques , à la fois dans le Pentateuque et dans les Shastra ( écritures hindoues).
Cela était d'ailleurs la condition même du progrès
religieux et moral de l'humanité.
Aux mêmes temps toutefois que se produisait cette stratification,
des témoins de l'Esprit ne cessaient de se lever au sein même des religions, rappelant à l'homme
que l'archétype religieux lui-même est
incapable
de cerner en sa totalité le
Mystère intime et Ultime à la fois de l'homme,
donc
de l'univers et de Dieu.
Telle fut la mission par exemple d'un Socrate dans le monde
grec, des Prophètes au milieu d'Israël;
celle aussi des Rishis
de l'Inde qui, au-delà des dieux (devas), du karma et du dharma
découvrirent et révélèrent à leurs frères le
Mystère de
l'atman
brahman (
c'est à dire qu'il n'y a pas de dualité entre le principe de la vie personnelle atman
et le principe de la vie universelle Brahman)
Aussi celle de Gautama le Bouddha - l'Éveillé - qui exprime en termes drastiquement négatifs son intuition éblouissante de
l'inaccessibilité du
Mystère de l'Être;
celle aussi
des soufis qui libérèrent l'islam de sa littéralité accablante.
Telle fut de façon suprême la mission de Jésus, qui au prix de
sa vie, enseigna que la Loi est au service de l'homme et non l'homme
au service de la Loi, appelant ainsi l'humanité à la liberté
plénière dans l'Esprit.
Tel fut enfin, dans le sillage du Maître le rôle des grands inspirés chrétiens, un François d'Assise, un
Jean de la Croix, parmi tant d'autres.
Toute cette contestation du dharma - de la Loi - était menée du dedans par l'Esprit, quand bien même, comme il arrive
à tout ce qui est humain, des éléments moins purs arrivaient
à se faire charrier par le courant.
Elle visait à réduire la sclérose
des archétypes religieux,
à combattre leur sédimentation conceptuelle et sociologique,
à retrouver la
Source intérieure au lieu même de son jaillissement.
Elle se proposait une purification un dépassement de la religion en sa réalisation historique, mais
cela au nom de l'ordre religieux lui-même.
C'était un dépassement et un renouveau qui conservaient intact tout ce qui avait
été acquis de positif, au moyen précisément de ce développement
des archétypes religieux, à tous les niveaux de fait de l'être
individuel et social de l'homme.
Le but était de recouvrer
le halo
de ces archétypes,
ces innombrables valences qui les reliaient à
la conscience entière,
et ainsi de retrouver et de maintenir toujours plus fidèlement le contact au centre avec la
Source.
En même temps et de façon parallèle, un autre mouvement se dessinait et une autre évolution s'amorçait, sur des principes
totalement différents - et cela dès le temps de Socrate, du Bouddha et des Prophètes.
Cette évolution visait ni plus ni moins
à libérer
l'homme de sa sujétion ancestrale aux archétypes d'ordre
religieux.
C'était aux antipodes apparemment de ces archétypes d'ordre religieux qu'elle cherchait la solution notionnelle du
Mystère du soi et les fondements de l'éthique individuelle et sociale.
N'étaient-ils pas de vrais précurseurs de notre humanisme athée,
ces contemporains du Bouddha, et aussi bien ces sceptiques du monde hellénique ?
Ce mouvement a-religieux prit un essor nouveau à l'époque de la Renaissance.
Après une montée graduelle et encore limitée à certaines couches sociales
au cours des siècles derniers, le voici maintenant qui touche des portions de plus en plus considérables de l'humanité et se fait
jour désormais dans la conscience même des croyants.
L'envergure de la crise spirituelle du monde aujourd'hui et de toutes les religions est due à la conjonction de ces deux
facteurs : le Prophétisme et l'Humanisme.
Le Prophétisme conteste ,au nom de l'Esprit la sclérose des archétypes religieux en structures et formules,
tandis que l'Humanisme conteste l'expression
et l'atteinte de soi que l'homme réalise précisément par le moyen
de ces archétypes religieux.
L'événement Jésus se produisit au sein du milieu culturel
du judaïsme et à un moment donné de son évolution.
Il fut donc
nécessairement interprété à partir de catégories mythico-conceptuelles correspondant aux archétypes religieux,
et, de façon plus
précise, à partir de ces catégories telles qu'elles s'étaient définies
progressivement au cours de l'histoire d'Israël et de la confrontation constante du peuple juif avec le monde sémitique et
hellénique au milieu duquel il vivait.
C'est précisément cette identification du Mystère de Jésus
avec des archétypes particularisés d'ordre religieux, correspondant
plus avec un moment et un lieu donné d'évolution culturelle
qui est
à l'origine du malaise
de plus en plus vivement ressenti
de nos jours par le monde chrétien.
Au-dehors
cela gêne considérablement les humanistes et les tenants d'autres religions,
qui souvent ressentent un attrait très fort pour la personne de Jésus
mais sont découragés par la difficulté de dégager son
Mystère
de l'interprétation sociologique qu'en ont donnée historiquement
les Églises.
Au-dedans
tout aussi bien des chrétiens de plus
plus nombreux, touchés à la fois par l'élan actuel de Prophétisme
et l'appel à la libération des consciences que proclame l' humanisme, se trouvent mal à l'aise dans les structures conceptuelles
et sociologiques de ces mêmes Églises.
Il n'est pas douteux que la théologie romaine traditionnelle
et tout autant la plupart de celles qui visent à la renouveler ne soient fondées très strictement sur des archétypes d'ordre
religieux, et, plus exactement encore, sur l'expression judéo-hellénique
de ces archétypes.
Que ce soit au centre ou à la périphérie, les efforts de
réforme et de renouveau
qui s'appuient sur ces
théologies se réfèrent à ce niveau de la psyché humaine où sur
la base des archétypes primitifs se développent le mythe et le concept.
Cependant si les structures mentales et psychologiques traditionnelles, qu'on l'aime ou non, se trouvent maintenant en
train d'éclater un peu partout, la cause profonde n'a point à en
être cherchée d'abord dans un refus égoïste et libertaire de l'ordre
religieux et ecclésial par la majorité des contestataires.
Elle
trouve bien plus fondamentalement
dans l'impossibilité psychique, grandissante
pour un nombre de plus en plus grand de nos
contemporains,
de réaliser et d'exprimer
leur Mystère personnel et celui de Dieu,
l'Être, l'Absolu, au moyen des symboles archétypaux que nous a légués l'histoire.
L'attitude autrefois de combat, maintenant davantage
de retraite et de défense, de toutes manières d'hostilité pratique, que
prennent encore trop souvent les tenants de l'ordre religieux chrétien peuvent, par contrecoup, que durcir davantage encore les
positions opposées de l'humanisme et du monde religieux non-chrétien.
Il n'est pas douteux en tout cas que les croyants d'autres religions sont, au moins autant que les chrétiens, attachés à leurs
rites et formulaires de façon passionnée, pré-réflexive, mythique
en un mot.
Il est clair que nulle part encore on ne constate un
effort de loyauté et de courage, analogue à celui que fait l'Église
présentement pour tenter de résoudre la crise actuelle de
contestation.
Il n'est pas moins certain que l'attache de l'athée à ses
'mythes et archétypes humanistes est tout autant passionnée et
mythique, quoi qu'il en soit du masque scientifique et rationaliste
qu'elle se donne.
L'oppression des consciences sous les régimes
communistes dépasse ce qui eut lieu aux pires temps de l'inquisition, et le 'parti a pris le relais des
Églises dans la
pratique de la censure et de l'excommunication.
AU-DELÀ DES ARCHÉTYPES...
Ce qui est demandé de l'homme maintenant, en ce moment
précis de son évolution culturelle et religieuse, c'est de dépasser
ses archétypes au fond même de sa conscience
- « le passage à l'autre rive du coeur »
dont parlent les Upanishads -
et de reconnaître l'élan original de son être en sa source même, avant toute
espèce de manifestation tendant à le délivrer et l'exprimer mentalement en mythes et concepts.
Cela ne veut pas dire pour autant que l'homme soit capable de vivre, de penser et d'agir,
sans
l'aide
de mythes et d'archétypes.
Il suffit de réfléchir sur le problème du langage, et du conditionnement presque
aliénataire qu'il opère dans les individus
et les groupes humains.
Cependant l'homme devenu adulte, comme
on aime à dire de nos jours, se doit de reconnaître dans l'archétype
comme dans son expression mythico-conceptuelle à la fois leur
indispensabilité et leur relativité.
Le relativisme auquel tant d'esprits se laissent prendre n'est
finalement qu'une dégénérescence et une falsification de
l'intuition
fondamentale de la relativité essentielle de tout ce qui cherche
exprimer le Mystère Ultime de l'homme et de l'Être -
le sens de la contingence de l'homme et du créé, pourrait-on dire en termes
d'École.
Le relativisme dit que tout se vaut ;
la relativité dit que tout
vaut, mais que
rien ne vaut de manière absolue, ce qui est précisément le fondement de la liberté humaine.
Les valeurs diverses
s'opposent moins qu'elles ne se recouvrent et s'attirent mutuellement, qu'elles ne se complètent dans cette recherche de
l'Absolu
de l'Être, du Soi - qui est inscrite au coeur même de l'homme
Le coeur de l'homme est sans repos tant qu'il n'a point atteint
soi-même, pourrait-on dire en paraphrasant le mot célèbre de saint
Augustin.
Justement...
cette complémentarité des valeurs dans la confrontation même, leur ouverture les unes aux autres dans
la préservation même de leur identité particulière, se fonde sur
cette
intuition originelle et fondamentale, pré-archétypale, dont chaque
archétype ou symbole reçoit sa valeur propre.
Cette intuition toutefois, comme tout ce qui est pré-archétypal,
n'est ni découvrable, ni formulable en soi.
Elle est avant tout
expression.
Cette expression est sans doute nécessaire sous peine
pour elle de ne pouvoir atteindre le niveau de la conscience psychologique
mais cette expression même, en la faisant surgir au-dedans
du mental, la limite en la délimitant et ne peut qu'en émousser la force.
La profondeur et l'inaccessibilité à la fois de son Mystère
,se découvre - ou se devine - bien plutôt dans le sens que l'homme
a précisément de la valeur de chaque archétype, de leur singularité
au sein même de la masse psychique où ils émergent et de leur
dépassement nécessaire dans l'atteinte à la Source.
Le seul remède efficace à la crise spirituelle actuelle de l'humanité est sans aucun doute ce dépassement
par le dedans
de tout
l'ordre du mythe, de l'archétype, aussi bien humaniste que religieux,
dans l'atteinte au Soi réalisé directement en soi, ou du moins dans
l'élan qui porte vers cette Source d'où tout jaillit au sein de l'être.
Une telle expérience est rare sans doute, au moins dans son
resplendissement total et sa pleine prise de conscience par l'homme.
Du moins est-elle encore relativement rare en notre âge d'humanité,
à la façon dont était encore rare au temps de Platon et d'Aristote
l'expérience réflexive de la pensée humaine à laquelle une multitude
d'hommes participent de nos jours.
On a en fait le droit d'espérer
qu'au-delà de l'âge philosophique et technique actuel, un âge se
lèvera dans l'humanité où la conscience pure de soi sera la base
reconnue de la pensée et de l'acte de l'homme, au-delà du plan
archétypal dont aujourd'hui encore la plupart reçoivent leur inspiration par le truchement du mythe et du concept.(...)
Aussi longtemps que la théologie chrétienne avec tout ce qui dépend d'elle - structures, éthique et rituel - cherche sa base
seulement à l'étage psychique des archétypes religieux, elle
n'a pratiquement pas de chances de répondre aux questions angoissées
des croyants,
ni par conséquent de découvrir la direction où l'
Esprit pousse actuellement le monde à travers le bouleversement de la pensée et des aspirations humaines.
Comme il a été déjà remarqué, les essais de renouveau
demeurent généralement au niveau psychique des archétypes,
religieux ou humanistes.
Quand on conteste formulaires, rites,
et archétypes traditionnels, c'est le plus souvent au nom simplement d'autres concepts, d'autres mythes, d'autres archétypes;
cela, loin de servir à calmer la tempête, n'arrive qu'à la rendre
plus violente et plus désastreuse encore...
La théologie de l'âge qui s'annonce dans l'Esprit devra se fonder sur l'intuition originelle et fondamentale de
l'Être en soi, l'atman-brahman, sur la conscience pure de
Soi, au-delà de
toute manifestation, même archétypale.
Des problèmes inhabituels se poseront alors aux théologiens.
Il ne s'agira plus de
notions
à faire coïncider ou bien à rejeter dans la sphère idéale du non-vrai
ce sera l'affrontement direct du concept et de l'expérience (...)
Seule
une théologie fondée sur
l'expérience du Soi
sera capable de briser
les barrières où s'enferment les systèmes religieux fondés sur
le mythe et le concept.
La mode actuelle est au dialogue.
Mais chacun peut aisément remarquer que ce dialogue - qu'il soit oecuménique, inter-religieux
ou bien entre croyants et humanistes - n'est que trop souvent vicié, sinon par la rigidité, du moins par
la condescendance, avec
laquelle chacun des interlocuteurs (catholiques, protestants, orthodoxes, hindous, musulmans, juifs, athées, etc.) traite ses
compagnons d'enquête.
Pour chacun, les autres ont seulement des bribes de vérité, des débris de valeurs, ontologiquement incomplètes,...
alors ! que c'est l'inverse !
et que, selon le point de vue ici proposé, chaque croyance (et
l'humanisme est lui-même une croyance) est une expression particulière
et unique de
l'Être et du Vrai.
A nouveau il faut distinguer entre relativité et relativisme.
Ici se présente la notion de
pluralisme
qui reçoit une importance toujours plus grande dans la pensée
moderne, et qui, peu à peu, prend le relais de la notion de
tolérance,
comme celle-ci, du moins théoriquement, avait pris le relais
du fanatisme et de l'intolérance d'antan.
La théologie chrétienne est essentiellement l'effort du croyant
pour comprendre l'événement Jésus en termes accessibles à son
entendement.
Elle commence avec les Évangiles, réflexions de la première génération chrétienne sur l'expérience qu'avaient
provoquées chez les disciples immédiats leur contact avec le Maître et
surtout leur réalisation que Jésus était vivant, par-delà la mort
qu'il avait subie.
Dans la pensée de ces premiers disciples, Jésus fut nécessairement compris, et son
Mystère interprété, à partir
du monde mental
et verbal
qui était le leur, c'est-à-dire l'Ancien Testament et son
prolongement en judaïsme.
Jésus fut pour eux le Messie, le Sauveur annoncé par Dieu tout au long de l'histoire d'Israël.
A son exemple
et sur son invitation ils lurent son histoire et son Mystère en filigrane dans les textes inspirés de la Loi et des Prophètes.
Toute
une théologie judéo-chrétienne, récemment mise en lumière par
J. Daniélou, se développa à partir de ces réflexions.
Cependant ce rapport existentiel au judaïsme et à l'Ancien
Testament, à la lumière duquel les apôtres lisaient dans l'histoire
l'événement Jésus, pouvait difficilement être perçu, du moins avec
la même force,
en dehors du domaine de la culture et de la religion
juives.
Pour y participer totalement, il faudrait se faire une âme
juive, et sentir en sa chair même l'attente messianique qui caractérisait cette race, l'espérance d'un
Salut à la fois spirituel et temporel en la plénitude des temps d'Israël.
Il est évident que peu
croyants, quelle que soit leur vénération pour l'ancienne Loi, sont
capables d'une telle transposition psychique.
On ne peut d'ailleurs
oublier que c'est dans le présent de chaque instant de sa vie que
Dieu parle à l'homme et l'appelle.
En tout cas, ce problème se présente dès la seconde génération chrétienne, quand la prédication
de Paul et de son groupe atteignit le monde hellène.
Le terme de Fils de l'homme, qu'affectionnait Jésus en référence à Daniel et
aux
apocalypses, ne fut plus employé hors la récitation des logia de Jésus.
Le terme mashiah fut traduit littéralement en grec, christos , mais de nom de titre et de fonction il devint vite un nom personnel
du Seigneur; et ainsi fut-il simplement
transposé, non
traduit, tant
en latin qu'en d'autres langues, à la façon d'un nom propre.
La théologie helléno-chrétienne, qui commença avec les Apologètes, se développa dans un sens très différent de la tradition judéo
chrétienne.
Ce fut au moyen des concepts de l'héritage philosophique grec que fut interprété et rationalisé par les Pères
le Mystère de Jésus.
Naturellement l'expérience chrétienne est beaucoup trop forte pour que ces concepts puissent demeurer
intacts dans leur affrontement avec la foi des disciples de Jésus
A la façon de blocs de rocher emportés par un torrent et roulés,
cassés, polis sans arrêt, les concepts du platonisme et du stoïcisme
eurent à pâtir étrangement et à se transformer profondément pour
s'adapter à leur nouvel usage - ainsi qu'il en était déjà advenu
en fait des concepts juifs et vétéro-testamentaires.
Cependant c'est
incontestablement le génie grec qui dirigeait ces spéculations et
sous-tend les formulations auxquelles aboutirent les grands conciles
formulations qui demeurent jusqu'à maintenant l'assise même
toute théologie chrétienne.
A l'influence de l'essentialisme grec sur la pensée chrétienne, il faut d'ailleurs ajouter celle du droit romain
qui donna à la koinônia (communauté) des croyants une
forme et une structure strictement modelées sur la tradition juridique de l'Empire.
Aujourd'hui, nous sommes en train d'aborder la troisième grande époque de l'histoire de
l'Église.
Au-delà de l'Eglise judéo
chrétienne et de l'Eglise helléno(romano)-chrétienne, la marche
du temps s'oriente vers une Église proprement catholique et universelle libérée de toute sujétion à un particularisme quelconque de
temps et de lieu. (...)
La théologie chrétienne de l'ère qui vient, pour être véritablement
catholique, ne peut plus dépendre
d'aucun archétype particulier,, religieux ou humaniste.
Elle doit trouver son inspiration directe dans
cette expérience fondamentale de l'Être et du
Soi,
antérieurement à toute particularisation mentale et conceptuelle.
C'est à la
lumière même de cette expérience originelle qu'elle doit chercher
à comprendre le Mystère de la personne de Jésus.
N'est-ce pas
d'ailleurs cela même que l'Évangile (surtout celui de Jean) nous
invite a pénétrer, nous menant jusqu'au Mystère même de la vie
de Jésus au sein du Père, dont l'image la plus vraie au monde
est notre propre expérience en l'Esprit d'être nés de Dieu ?
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