Hanga Roa et sa piste d'atterrissage au premier plan
Mais d'abord un peu d'histoire ...
On sait très peu de chose de l'histoire de l'île entre
le Veme siècle, date de
l'arrivée des premiers habitants de l'île, et le XVIIème date de l'arrivée des
premiers explorateurs occidentaux, il reste la tradition orale avec ses
légendes, les restes archéologiques et l'analyse des pollens, des sédiments ,
des empreintes qui permettent d'échafauder quelques hypothèses. L'analyse
pollinique permet de déterminer le type de végétation ainsi que sa quantité au
cours du temps, les restes de pollen sont extraits des sédiments qu'on peut
trouver à l'intérieur des cratères de l'île par exemple. Avec l'archéologie on peut se baser sur les restes
d'habitat, les ustensiles divers et les restes des repas.
On pense que l’île a été
découverte initialement par des Polynésiens (le roi Hotu Matu'a). Il y a 5 000
ans (3 000 av. J.-C.), des habitants du littoral de la Chine du Sud,
cultivateurs de millet et de riz, commencent à traverser le détroit pour
s’installer à Taiwan.
Vers 2 000 avant J.-C., des migrations ont lieu de Taiwan vers les Philippines.
De nouvelles migrations commencent bientôt des Philippines vers Célèbes et Timor
et de là, les autres îles de l’archipel indonésien. Vers 1 500 av. J.-C., un
autre mouvement mène des Philippines en Nouvelle-Guinée et au-delà, les îles du
Pacifique. Les Austronésiens sont sans doute les premiers navigateurs de
l'histoire de l’humanité.
Les Polynésiens, sur des catamarans, seraient partis des îles Marquises pour
échapper au surpeuplement, à des guerres ou à une catastrophe naturelle.
Les premiers moaïs ( grosses têtes sculptées) ressemblent
beaucoup aux tikis que l’on peut voir dans les îles de Polynésie (Hiva
Hoa des Marquises, Tahiti…).
Depuis les années 1950, la date du peuplement de l’île est estimée à 400
après J.C. +/- 80 ans par des mesures au radiocarbone.
Certains chercheurs dont le célèbre ethnologue et navigateur norvégien Thor
Heyerdahl ont tenté de prouver l'origine sud américaine des habitants de l'île
de Paques, pour cela il a monté la fameuse expédition du Kon Tiki (nom du dieu
soleil chez les incas). Parti du Pérou en 1947, sur un radeau en balsa avec des
instruments de navigation rudimentaires, il a prouvé qu'on pouvait atteindre les
îles de la Polynésie avec des vents et courants favorables, mais sa
démonstration est loin d'avoir convaincu le monde scientifique. Cela dit il est
prouvé maintenant que des sud américains ont foulé le sol de l'île du Paques
c'est le cas de Tupac Yupanqui qui aurait atteint l'île au 15eme siècle et y
aurait même introduit la patate douce et la culture du coton.
Les premiers migrants avaient réussi à construire, à partir de ressources très limitées, une société technologiquement avancée. Ils avaient dressé des centaines de statues. Les importantes ressources en arbres dont ils disposaient disparurent dés les premiers siècles le long de la côte. Dès l’an 1600, l’île aurait perdu la majeure partie de sa végétation. Les habitants subirent des luttes tribales et à partir de cette époque la construction des plateformes cérémonielles ralentit considérablement. Puis l'esclavage pratiqué par les blancs extermina un tiers de la population.
Le petit port de Hanga Roa par Jess
Vers l'an 800, l'analyse pollinique révèle une quantité de pollens d'arbre qui décroît dans les couches sédimentaires, cela peut s'expliquer par un début de déforestation, en contre partie les pollens des graminées (herbe) augmente, les herbes reprennent la place initialement occupée par les arbres. Entre cette époque et le XIVème siècle, l'analyse des restes alimentaires révèlent qu'un bon tiers des os trouvés sont des os de dauphins. Les bancs de dauphins sont chassés au large pour l'alimentation à l'aide de pirogues taillées dans les bois locaux.
C'est autour du XIIème siècle qu'à partir de la croyance des Tiki issue de leurs
ancêtres marquisiens que se développa une croyance originale basée sur le culte
des ancêtres et du Mana (puissance). Pour cela ils construisirent des statues de
pierre à l'effigie des anciens, les fameux Moaï. Chaque tribu érigeait une ou
plusieurs plateformes cérémonielles (Ahu) avec une rangée de Moaï sur celle-ci
faisant face au village et le protégeant de leur regard. Au fil du temps les
Moaï sont devenus de plus en plus grands, une compétition s'était instaurée
entre les tribus pour savoir ceux qui érigeraient les Ahu les plus monumentales,
les Moaï n'étaient plus le signe du respect des anciens mais un symbole de la
puissance de la tribu. C'est l'âge d'or de l'île de Paques, on l'évalue entre le
XIIIème et le XVème siècle. Les arbres étaient utilisés pour cette industrie des
Moaï, une autre partie servait de combustible, contribuant ainsi à accentuer la
déforestation de l'île. On estime qu'environ un millier de Moaï furent éditifiés
durant cette période, ce qui représente quand même un Moaï pour dix habitants
(si l'on estime à 10000 le nombre d'habitants), on dénombre pas moins de 272 Ahu.
Du XVème au XVIIème les différentes tribus de l'île (une douzaine qui se
partageait l'île, chacune ayant un accès à la mer) prospérèrent tant et si bien
qu'ils devinrent trop nombreux pour les ressources de l'île (on estime la
population à cette époque à 10000 habitants). Il n'y a quasiment plus de forêt
du fait de la déforestation et de la disparition des espèces d'oiseaux de l'île
chargés de disperser les pollens. L'érosion se développe et les cours d'eau se
tarissent et l'eau devient rare, elle ne se trouve plus que dans quelques rares
endroits (à l'intérieur des cratères).
Vers le XVIème siècle, les os de dauphins
disparaissent des restes de repas, l'hypothèse la plus probable est que les
arbres suffisamment gros pour pouvoir construire une pirogue de haute mer ont
disparu, mettant un terme à cette pêche. Il est maintenant impossible de quitter
l'île puisqu'il n'y a plus de matériaux pour construire des pirogues doubles de
haute mer.
Le premier Européen à avoir aperçu ces îles, fut en 1687, le « pirate » Edward Davis à bord de son navire le Bachelor’s Delight alors qu’il voulait contourner les Îles Galápagos au large du Cap Horn. Il aperçut l’île plutôt par hasard et crut avoir trouvé le légendaire continent du Sud. Cependant, aucun débarquement ne suivit sa découverte.
Le nom actuel de l'île vient du Hollandais Jakob Roggeveen qui y accosta,
parti en expédition avec trois navires sur ordre de la Société commerciale des
Indes occidentales. Il la découvrit le dimanche de Pâques 1722. Ils ne restèrent
qu'une journée, suffisante tout de même pour tuer 13 insulaires à la suite d'un
malentendu...l'occident c'est ça !
Il l’appela Paasch-Eyland (île de Pâques). Le Mecklenbourgeois Carl Friedrich
Behrens participait à l’expédition et son rapport publié à Leipzig orienta
l’attention de l’Europe vers cette région du Pacifique à peine connue.
À l'époque de cette découverte, neuf vai'hu (clans familiaux) se partageaient l'île : Aka'hanga, Anakena, Heiki'i, Mahetua, Taha'i, Tepe'u, Tongariki, Va'i Mata et Vinapu. Leurs territoires se rencontraient au centre de l'île, en un lieu (sacré, et réservé aux palabres) appelé Te pito o te fenua (« le nombril de la terre » souvent traduit à tort comme "le nombril du monde"). Les ahu (plate-formes à moaï) étaient aussi appelés Mat'a kite u'rani (les yeux qui regardent le ciel ou du ciel, ce qui est logique pour des représentations d'ancêtres divinisés, mais a été interprété par les européens de manière parfois très fantaisiste).
Nombril de la terre ? ou comme nous le croyons plutôt vénération de l'oeuf et du nid du roi oiseau ?
L’explorateur suivant fut
l’espagnol Felipe González de Haedo qui avait reçu du vice-roi du Pérou l’ordre
d’annexer l’île Roggeveens pour le compte de la couronne espagnole. L'expédition
de González de Haedo débarqua le 15 novembre 1770. Après une visite rapide et
très partielle de l'île, exploration d'une demi-journée dans un seul secteur,
après un contact amical avec une population à structure sociale hiérarchisée,
Felipe González de Haedo décide d'annexer cette terre (il ne pense pas qu'il
s'agit de l'Île de Roggeveen) à la couronne d'Espagne et la nomme Île de San
Carlos. Il fit planter plusieurs croix sur la pointe du Poike. Durant les années
qui suivirent, l’Espagne ne se soucia que très peu de sa nouvelle possession.
Preuve fut faite en cartographie qu'il s'agissait bien de la découverte du
Hollandais Roggeveen, donc cette terre lointaine ne pouvait appartenir à
l'Espagne.
Au cours de sa deuxième expédition du Pacifique Sud, James Cook a visité
du 13 mars 1774 au 17 mars 1774 l’île de Pâques. Il n’a pas été enthousiasmé par
l’île et a écrit dans son livre de bord :
« Aucune nation ne combattra jamais pour l’honneur d’avoir exploré l’Île de
Pâques, […] il n'y a pas d'autre île dans la mer qui offre moins de
rafraîchissements et de commodités pour la navigation que celle-ci. »
Cependant, son séjour a apporté des constatations essentielles sur la
constitution géologique, la végétation, la population et les statues — qui
avaient déjà été renversées dans leur majorité. Nous devons de posséder des
images témoins de cette époque au naturaliste allemand Johann Reinhold Forster
et son fils Johann Georg Adam Forster qui participaient à l’expédition Cook.
Reinhold Forster a dessiné les premiers croquis des statues (moaïs) qui, gravés
et publiés dans un style alors typiquement romantique, firent sensation dans les
salons.
Endeavour le bateau de Cook
Entre le XVIIème et l'arrivée du premier occidental, la famine s'installe du
entre autres à la déforestation, à l'érosion, au manque d'eau. C'est à ce moment
là que la construction des Moaï s'arrêta net, la légende veut que le peuple
composé d'esclaves chargés d'extraire les Moaïs de la roche et les traîner sur
des dizaines de kilomètres jusqu'aux Ahu se révolta. Cela plongea l'île dans le
chaos et provoquant une guerre tribale décimant une grande partie de la
population. C'est à ce moment là que le cannibalisme se développa. La population
chute à 2000 habitants.
Les dernières recherches archéologiques, notamment l'analyse des pollens,
prouvent que l'action unique de l'homme n'a pas suffit à déforester complètement
l'île. Il est maintenant admis que plusieurs espèces d'arbre ont totalement
disparu ou du moins leur nombre a considérablement chuté au cours d'une très
courte période située au XVIIème siècle. L'hypothèse la plus vraisemblable est
qu'une longue période de sécheresse s'est abattue sur l'île contribuant à
assécher les ressources de l'île. Pour pallier à cette sécheresse les habitants
de l'île ont fait appel aux dieux pour que la pluie revienne, ce qui peut
expliquer la frénésie de construction des moaïs à cette époque là, de plus en plus
nombreux et de plus en plus colossaux (le plus grand qui n'a jamais été érigé
fait 22m de haut et pèse 160 tonnes).
Se rendant compte que les érections d'ahu étaient vaines, les habitants se sont
révoltés contre les dieux et ont abattu eux mêmes leurs idoles dans un
déchaînement collectif brutal plongeant l'île dans le chaos.