lundi 14 Août
Le silence...
Le silence
c'est l'équilibre absolu
du corps
de l'esprit
et de l'âme
L'homme
qui sait préserver l'unité de son être
reste à jamais calme et inébranlable
devant les tempêtes de l'existence
Pas une feuille qui ne bouge sur l'arbre
pas une ride à la surface étincelante du lac
voila pour le sage illettré
l'attitude idéale et la meilleure conduite de vie
Si vous
lui demandez : "Qu'est-ce que le silence ?
il répondra
"le grand Mystère"
...le silence sacré est Sa voix
Si vous
lui demandez: "quels en sont les fruits ?"
il dira
" La maîtrise de soi, le courage vrai, l'endurance
la patience, la dignité et le respect"
le silence est la
pierre d'angle
de la connaissance de l'Être
Une légère ondée
suivie des rayons de Phébus nous réveillèrent dans un gazouillis d'oiseaux...
Nous avions excellemment dormi... sans moustique...
une rareté
tous en pleine forme et de belle
humeur pour la descente..
que nous craignions un peu...
Et un petit déjeuner somptueux devant l'immensité brumeuse croquée par Jess en
haut de cette page
Igor avait mal aux pattes ayant récolté des chiques de poux d'agoutis... que je
n'avais pu extraire... j'espèrais que le chamane avait quelque chose pour lui...
sinon j'étais bon pour un sac supplémentaire... si l'on voulait bien lui
adjoindre deux poignées !
Nous suivîmes un chemin presque naturel... dans une végétation
pourtant aux layons non
tracés.. mais qui semblait s'ouvrir au rythme de notre avancée...
comme les
candélabres guidant la Belle dans le château de la Bête de Cocteau...
l'entrelac de plantes et de lianes s'écartait devant nous comme à la demande d'une mystérieuse
invite
un gros serpent dérangé s'écarta sans bruit...
une sympathique mygale Matoutou couru se
cacher de honte d'être surprise et contemplée toute velue ( elles sont si
timides...et si pudiques...) comme ça le matin au lever sans avoir pu se
coiffer...
le chemin et les plantes semblaient s'incliner et nous guider sur une
mystérieuse route sur laquelle nous glissions sans effort...
mais c'est vrai nous descendions...
Devant notre étonnement Pulpoli nous murmura
"les emits ! "... "ce sont les charmes qui agissent..."
Ainsi en moins d'une
heure nous nous retrouvâmes un peu hébétés de cette
facilité en bordure du petit lac... une petite plage de sable doré encadré de
rochers plats...
un peu plus loin un ponton de bois vermoulus marquait l'emplacement d'un
débarcadère avec ses pieux d'amarrages qui se reflétaient dans l'eau calme
de l'autre côté
une petite cabane au toit de
chaume et à la fumée bien droite... qui sentait bon...
de cette odeur si pénétrante respirée hier et tout au long de mon rêve...
devait être le refuge de l'ermite
Sur le lac d'un bleu profond
et à l'eau limpide pas un bruit ...
seulement une petite barque d'écorce... se balançait
berçant une masse brune et sombre recroquevillée tenant une ligne mince et droite qui
striait l'espace dans une immobilité parfaite
et dans l'espace clos seul le bruit des chants d' oiseaux qui résonnaient sur le parois du "cratère" semblaient se répondre entre eux
" - inutile de lui faire signe.. il nous a
"vu" depuis longtemps..."
"il attend que nous apaisions tout ce qui en nous remue d'impatience... " nous
dit le chef
Nous nous assîmes donc
docilement près d'un feu préparé certainement à notre
intention...
il y avait de l'eau fraîche, du melon et des fruits et des morceaux de
cassave...
et sur le feu de l'eau bouillante et des racines dont le breuvage
ressemblait à du thé
Lentement alors que peu à
peu nous nous accoutumions à ce lieu étrange "enchanté" le frêle esquif se rapprochait du
ponton... sans que pour autant le chamane ne fit le moindre geste
arrivé au ponton
un bras décharné mais alerte enlaça une corde sur l'un des piquets planté dans
le sable
lentement la silhouette sombre déplia une grande stature voûtée par les ans
et un vieil homme souriant mais sans âge s'avança vers nous la tête
inclinée
"Soyez les bienvenus
dans mon humble refuge dit-il dans un français hésitant...
reposez vous après un si long voyage...
vous êtes içi chez vous...
tout ce qui
est içi est à vous...
je suis votre serviteur ô nobles étrangers..."
Curieusement Igor se coucha à ses pieds en gémissant.. d'instinct... puis le vieux chamane s'assit près du feu gardant les yeux baissés... je savais qu'il nous observais et qu'il s'imbibait déjà de ce que nous étions...
Au bout d'un long silence il repris la parole
" Ainsi vous cherchez des réponses à vos questionnements au coeur de l'océan vert......et les sentiers de la Vérité..."
J'essayais de lui expliquer en deux mots notre visite... la proposition du chef... notre quête faite d'errances et d'incompréhensions, d'interrogations , de révoltes et notre recherche éperdue de réponses nouvelles...
Il savait tout cela mais écouta attentivement opinant du chef à chaque affirmation
Curieusement je me retrouvais dans la situation de la samaritaine près du puit de Jacob ...à demander de l'eau vive...
Le chamane leva alors la
tête découvrant un regard étrange gris bleuté qui contrastait avec sa peau
cuivrée et ses cheveux noirs grisonnants
Il semblait regarder au loin... à travers les personnes et le paysage..comme
s'il contemplait un autre monde ...un infini pour nous inaccessible...et que cette vision
lui inspirait ces paroles
débitées lentement d'un ton, grave
Anuktatopompe
Jadis les humains
savaient se transformer...
Ils se transformaient en arbre,...en esprit... en jaguar
Kuyuli l'avait voulu ainsi....
le dieu créateur avait voulu que l'homme soit ainsi
Deviens comme lui
métamorphose toi en l'entité que j'énonce avait dit Kuyuli le démiurge dont la seule parole
suffisait à créer
Mais les humains ont trahi ...
ils ont dévié et quitté les règles de vie qui permettaient leur croissance harmonieuse
avec celles de la nature
ce qui leur permettait de monter sans effort vers une terre qui ne connaissait point le
mal
Kuyuli fut trahi non seulement par l'adultère
mais aussi par ceux qui se moquaient de son aspect qui ne correspondait pas au goût
des hommes
et
le processus s'est arrêté
Alors fâché il a quitté la terre pour regagner son
séjour céleste
et nous
nous sommes devenus lourds...
lourds
très lourds et mortels
et si nous arrivons parfois à nous élever encore
faiblement
quand nous retombons nous avons mal...
encore plus mal qu'avant
Kuyuli a fait s'effondrer le ciel
Il a incendié la terre... avant de l'inonder...
Les inselbergs furent alors comme une arche
c'est là que se réfugièrent toutes les
espèces pour échapper à la destruction et vivre d'une nouvelle vie
celle que retissa Kuyuli sur une nouvelle terre et un ciel nouveau
Depuis...
Depuis chaque être aspire à se libérer de sa pesante armure corporelle
pour pouvoir s'élever à nouveau
vers le ciel lumineux et chaud de tous les désirs satisfaits
Mais seuls les chamanes connaissent les rites et les pratiques
qui permettent d'échapper un peu à cette pesanteur
de s'évaporer pour quitter le monde inférieur
et gagner sans mourir le ciel de Kuyuli
le ciel du bonheur éternel où vivent les kuyulis ( les dieux)
Notre univers n'est qu'un reflet
de celui du rêve qui est le monde véritable
un reflet altéré...
L' ancêtre se tu...
et remua un tison...tout en remplissant nos gobelet du "thé de chamane"
malgré le long silence qui suivit la glace était rompue et nous avons longuement
parlé...
pauvre Pulpoli qui devait traduire...
en nous promenant... sur les berges du lac... dans les layons qui l'entourent et
sans cesse y ramènent comme en un labyrinthe...
sur la bordure des berges d'où l'on domine la plaine de l'amazone
un paradis de fleurs , de senteurs et d'harmonie