Nous avons achetés quelques poissons tout frais pêchés à un vieil homme et son filet et un peu de riz pour le repas du soir ( ce qui ne nous change pas beaucoup)  et quelques beaux fruits qui "revenaient " de l'abattis voisin dans la pirogue d'une jolie dame avec sa fille ...et même quelques oeufs pour demain matin ...avec du couac ( farine de manioc grillée) pour nous y habituer...
et aussitôt entourés par les enfants surgis de nulle part... dans ce village désert où comme par enchantement le soir tout s'anime...
Igor a fait sensation : un chien d'une race inconnue içi

Les gosses se sont même exercés à parler un peu taki-taki  que nos guides-piroguiers leur avait appris du style :

- Wek !

- Wek

- Yu taki fanshi?

- Taa! bien sû...

- Yu mi wani go washi

- ni a sabi

- soma ati

- Jess

- mi Teo...adagu moi

- ouah!

Traduction approximative :

- Salut !

- Salut !

- Tu parles français ?

- oui,  bien sûr

- tu viens te baigner ?

- j'sais pas trop

-tu t'appelles comment?

- Jess

- moi c'est Teo...il est beau ton chien

- Ouah!

Tiens... j'sais toujours pas comment Igor savait qu'on parlait de lui !
Sacré Igor !

 

 

Après le bains les gosses ont discuté de pêche en suçant des morceaux de canne à sucre...les bonbons locaux

 

Nous avons dormi sous un petit carbet un peu à l'écart en bord de fleuve où les hamac avaient été suspendus et les moustiquaires bienvenues
Le soir G+G nous avaient raconté quelques contes  bushinengue tout en fumant leur joint de Ganja et nous avions sorti la guitare pour quelques chansons devant le feu... pas trop...le soir l'eau porte et le lendemain les gens se lèvent tôt

"  y  ne faut pas laver à la rivière à la nuit tombée ni se baigner baigner non plus vers le soir car on risque de «la » rencontrer.
- Qui donc ?
- Mais... Maman-di-l'Eau ! Vous ne savez pas ?
On ne sait pas.
Alors,ils racontent ( rarements aux étrangers mais nous c'est différents on ne déteste pas la ganja )

- Elle est dans les rapides et dans les eaux dormantes. Elle déteste les femmes et aime les hommes de la terre. Elle se coiffe sur les roches à fleur d'eau en y laissant exprès une poignée de ses cheveux. Si un homme les voit, veut y toucher, elle vient le chercher et l'emmène avec elle au fond de la rivière.
(...) elle a beaucoup d'argent. Elle en donne de temps en temps aux malheureux qu'elle a attirés dans l'eau, car ils ont besoin de sortir parfois pour s'amuser un peu et boire du vin. Elle les laisse
aller et s'ils ne font que boire, rire et dire bonjour à leurs amis, elle est contente et ne bouge pas. Mais s'ils vont dormir avec une femme, ils sont perdus. Elle les tue dans leur sommeil....

- L'as-tu déjà vue, toi ?

- Non... mais je connais des quantités de gens qui l'ont aperçue sur la rivière ...
et mon cousin qui avait disparu depuis des mois dans un rapide du Maroni est revenu un jour au village avec de l'argent plein ses poches sans pouvoir dire d'où il le tenait.
Tout le monde a bien deviné que c'était Maman-di-l'Eau qui le lui avait donné !

Du coin de l'œil, je surveille l'expression du narrateur. Il ne sourit pas ;
il a même l'air réellement inquiet et, ma parole, son attitude est significative ...
écoutons le encore...

- C'est comme « les Cinq-Doigts »...
Là, un regard interrogatif. Non, décidément, nous ne sommes au courant de rien.

- L'Abounami ( affluent du Maroni) n'est pas ce qu'on appelle une mauvaise rivière. N'empêche qu'il arrive à tout instant des accidents aux pirogues qui la sillonnent ! Chacun pourra vous dire que c'est à cause des «Cinq-Doigts ».
Si vous devez un jour passer par là, je vous donne un bon conseil : tenez-vous assis bien droits sur la banquette, bien au centre du canot. Ne remplissez pas votre gobelet pendant le trajet, ne vous tenez pas aux bordages et, au nom du Ciel, ne trempez pas vos doigts dans l'eau. En vous penchant, vous verriez « les CinqDoigts» qui frôlent le bord du canot, cherchant où s'agripper ; ils
vous tireraient au fond, aussi sûr que je suis là.

En parlant Gabriel instinctivement suit des yeux avec effroi une pirogue qui passe en glissant lentement devant nous.

(...)c'est comme ces deux chasseurs égarés en brousse derrière le plateau des Mines
(Bas-Maroni). Ayant perdu leur chemin, ils se retrouvèrent à sept reprises au pied du même fromager (le diable est censé se tenir de préférence dans l'ombre de ce grand arbre) sur un espace si soigneusement déblayé de toute végétation qu'on l'eût dit passé au peigne fin.
Se voyant victimes d'un sortilège du Maîtr'-Bois - le Maître de la Brousse - les deux chasseurs coupèrent des fibres d'arouman et tressèrent rapidement un début de « ouaouari »(carbet). Laissant ce petit ouvrage au pied du fromager, ils s'enfuirent et trouvèrent la direction perdue pendant que le Maîtr'-Bois s'évertuait en vain à terminer le ouaouari, car une main profane ne peut
achever ce qu'a commencé une main chrétienne.


« Il pousse en Guyane de petits arbrisseaux produisant une qualité de piments appelés « cacarat ». N'en plantez pas devant votre case ou vous recevrez bientôt la visite de Maskilili. Grand comme un enfant de quatre ans, il a les pieds retournés, c'est-à-dire les orteils à la place du talon et vice-versa.
Ceci pour que ses empreintes donnent à ceux qui voudraient le poursuivre une
fausse direction. Il rôde autour des habitations, la nuit, en sifflant d'une certaine façon - comme ça : « pip-pip-lili », mais s'arrête dès que quelqu'un prononce son nom. C'est un « djabe » qui se nourrit de grains de café vert et de piments. Au matin, il n'y a parfois plus rien sur un arbuste encore couvert de fruits la veille. On sait alors que Maskilili est venu et les femmes ont
peur, car si Maman-di-l'Eau aime les hommes, Maskilili, lui, aime les jolies
femmes et les emmène dans les profondeurs de la forêt où il se tient avec ses
frères.
Aisi on raconte qu'à Montsinéry, il entraîna dans la brousse une Créole qui lui plaisait. Le
frère de cette femme, parti à sa recherche, reçut mystérieusement l'ordre d'apporter des vivres en un endroit déterminé.
Ces vivres avaient disparu le lendemain et comme le frère de la captive s'entêtait à s'enfoncer dans la brousse à sa recherche, il vit en lettres de feu entre les branches qu'il devait s'arrêter immédiatement sous peine de disparaître à son tour. L'homme fut d'ailleurs figé sur place un bon moment et tous ceux qui ont aperçu une fois Maskilili ou l'un de ses frères, s'accordent
à dire que leurs jambes leur parurent transformées en plomb et qu'ils ne purent
jamais approcher le diablotin avant qu'il disparaisse dans la forêt.
» Envoyé de Satan, Maskilili se charge de faire tenir aux humains les promesses sacrées qu'ils ont faites à son maître. C'est ainsi que le propriétaire de la scierie de bois de rose de la Comté qui lui avait promis sa fille si son commerce prospérait et ne tint pas son engagement à l'échéance, se vit prendre à la place, par Maskilili, son fils unique qui le secondait dans son travail.
Son exploitation périclita rapidement. Quant au garçon, il vit depuis avec son ravisseur dans les bois où il est devenu lui-même un «djabe » à pieds retournés.

 C'est une histoire vraie, assure Gabriel; la preuve, c'est que l'on a fait des battues dans les environs. Des soldats qui avaient presque réussi à attraper le pauvre garçon ont été frappés à mort sur place, mais on le voit encore de temps en temps rôder près de l'ancienne maison de son père et je peux vous dire son nom.»

...et son frère de prendre le relais racontant qu'une fois des crapauds-buffles
particulièrement gros se tenaient sur la piste qu'il suivait et qu'ils se gonflèrent jusqu'à occuper tout le sentier, lui disant : «Tu ne passeras pas. »
Il voulut tirer, mais son coup avorta; avancer quand même, mais l'une des bêtes se jeta sur lui en le mordant ! Il ajoute que c'est miracle qu'il soit encore
en vie

et Gabriel, baissant la voix, de nous confier : « Vous comprenez, son père
était «monté » sur un crapaud-buffle. »...le terme «monté » est employé dans le sens de « se monter contre... », se
mettre en colère.

Lorsqu'un homme désire transmettre une malédiction, il la profère contre un animal, une plante, que sais-je encore ? Par la suite, cet animal ou cette plante représentant un démon et personnifiant sa haine, il ne peut supporter de se trouver en sa présence.

Ainsi des gens du pays ne consomment pas tel fruit, ou tel gibier. Les animaux au pelage moucheté, ayant la réputation de communiquer leurs taches à la peau de qui les mange et même, selon les cas, de transporter la lèpre, font le plus fréquemment l'objet d'une telle répulsion. Ainsi le paca (gros rongeur dont le dos présente de fines mouchetures blanches), le cariacou ou biche (sorte d'antilope), l'ocelot, le chat-tigre, le jaguar, le poisson-roui (largement
marqué de zébrures noires sur fond clair), etc.

Certaines personnes sont elles-mêmes incapables de dire pour quelle raison elles ne cueillent pas telle herbe, ne cuisent pas tel aliment, parfaitement comestible par ailleurs. La partie jaune et charnue qui se trouve à la base du bec du hocco, et qu'on appelle cire, est par exemple considérée comme un poison violent, comme la tête de l'agouti (rongeur représentant notre lièvre européen
en Amérique du Sud). Il va sans dire que ce n'est nullement le cas. Un chien étant mort subitement, sa maîtresse affirma néanmoins très sérieusement qu'il avait dû croquer l'un ou l'autre de ces détritus et que les gens devraient bien faire attention d'enterrer soigneusement et loin d'une source des débris aussi

La crainte ou la superstition remontent souvent si loin, transmises de père en fils ou de mère en fille, qu'elles ne sont plus contrôlables, mais la tradition
continuera avec la descendance et jusqu'à quand ?

Une jeune fille refuse de préparer un poisson
- Je ne dois pas faire cela.
- Pourquoi ?
- Je ne sais pas. C'est comme ça.
Un Créole guyanais, présentant encore un type noir d'une remarquable pureté, me
confia ne jamais consommer de volaille parce que sa mère était « montée» sur un
coq. Or, il nous avait spontanément déclaré peu de temps auparavant que sa
grand-mère était arrivée en Guyane, venant directement de la Guinée. Il est dès
lors très facile de découvrir la source de sa hantise.

...de ces histoires qui donnent des cauchemards...aussi les loupiots profitèrent encore de mon hamac cet nuit...des fois "qu'y passe un crapaud buffle ou un djabe"

Les soirées sont douces au bord du maroni quand les moteurs se sont tus et que l'on entend plus que le bruit de l'eau qui cascade.. .et le lourd bourdonnement sourds de la forêt avec ses hurlements des singes rouges qui hurlent comme des sirènes de police , ses cris d'oiseaux et la longue plainte psalmodiée des crapauds buffles... et  même un tatou qui au matin mangeait les miettes sous nos "lits"

 

 

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