Celui qui Me suit ne marche pas dans les ténèbres dit
le Seigneur (Jean 8,12). Ce sont les paroles de Jésus-Christ. par lesquelles Il
nous exhorte à imiter Sa conduite et Sa vie, si nous voulons être vraiment éclairés et
délivrés de tout aveuglement du coeur.
Que notre principale étude soit donc de méditer la vie de
Jésus-Christ !
2. La doctrine de Jésus-Christ surpasse toute doctrine des
Saints... et qui posséderait Son Esprit y trouverait la manne cachée.
Mais il arrive que plusieurs, à force d'entendre l'Évangile, n'en sont que peu touchés,
parce qu'ils n'ont point l'Esprit de Jésus-Christ.
Voulez-vous comprendre parfaitement et goûter les Paroles de
Jésus-Christ ?, ...appliquez -vous à conformer toute votre vie à la Sienne.
3. Que vous sert de raisonner profondément sur la Trinité,
si vous n'êtes pas humble, et que par là vous déplaisiez
à la Trinité ?
Certes, les discours sublimes ne font pas l'homme Juste et Saint... mais une
vie pure rend cher à Dieu.
J'aime mieux sentir la componction que d'en savoir la définition.
Quand vous sauriez toute la Bible et toutes les sentences des philosophes, que vous
servirait tout celà, sans la Grâce et la Charité ?
Vanité des vanités, tout n'est que vanité ( Eccl.
I, 2 ) hors aimer Dieu et de Le servir LUI SEUL !
La Souveraine Sagesse est de tendre au Royaume du Ciel par le mépris du monde.
4. Vanité donc, d'amasser des
richesses périssables, et d'espérer en elles.
Vanité d'aspirer aux honneurs, et de s'élever à ce qu'il y
a de plus haut.
Vanité, de suivre les désirs de la chair, et de rechercher
ce dont il faudra bientôt être rigoureusement puni.
Vanité , de souhaiter une longue vie, et de ne pas se
soucier de bien vivre.
Vanité , de ne penser qu'à la vie présente et de ne pas
prévoir ce qui la suivra.
Vanité de s'attacher à ce qui passe si vite et de ne point
se hâter vers la joie qui ne finit point.
5. Rappelez-vous souvent cette parole du sage: L'oeil
n'est pas rassasié de ce qu'il voit, ni l'oreille remplie de ce qu'elle entend
(Eccl. I, 8 ).
Appliquez-vous à détacher votre coeur de l'amour des choses
visibles, pour le porter tout entier vers les invisibles.
Car ceux qui suivent l'attrait de leurs sens souillent leur âme, et perdent la Grâce de
Dieu.
Tout homme désire naturellement savoir; mais la
science sans la crainte de Dieu, que vaut-elle ?
Un humble paysan qui sert Dieu est certainement fort au dessus du philosophe superbe
qui, se négligeant lui-même, considère le cours des astres.
Celui qui se connait bien se méprise, et ne se plait point
aux louanges des hommes.
Quand j'aurais toute la science du monde, si je n'ai pas la Charité, à quoi cela me servirait-il devant Dieu,
qui me jugera sur mes oeuvres ?
2. Modérez le désir trop vif de savoir;
on ne trouvera là qu'une grande dissipation et une grande illusion.
Les savants sont bien aises de paraître et de passer pour habiles.
Il y a beaucoup de choses qu'il importe peu ou qu'il n'importe point à l'âme de
connaître; et celui-là est bien insensé qui s'occupe d'autre chose que de ce qui
intéresse son Salut.
La multitude des paroles ne rassasie point l'âme; mais une vie Sainte et une conscience
Pure donnent le repos du coeur et une grande confiance près de Dieu.
3. Plus et mieux vous savez, plus vous serez sévèrement jugé, si vous n'en vivez pas plus saintement.
Quelque art et quelque science que vous possédiez, n'en tirez donc point de vanité:
craignez plutôt à cause des lumières qui vous ont été données.
Si vous croyez beaucoup savoir, et savoir bien, souvenez-vous que c'est peu de chose près de ce que vous ignorez.
Ne vous élevez point en vous même (Rom 10,20) : avouez plutôt votre
ignorance...
Comment pouvez-vous songer à vous préférer à quelqu'un, tandis qu'il y en a tant de
plus doctes que vous, et de plus instruits en la loi de Dieu ?
Voulez-vous apprendre et savoir quelque chose qui vous serve ?... aimez à vivre inconnu et à n'être compté pour rien.
4. La science la plus haute et la plus utile est la
connaissance exacte et le mépris de soi-même.
Ne rien s'attribuer et penser favorablement des autres, c'est
une grande Sagesse et une grande Perfection.
Quand vous verriez votre frère commettre ouvertement une faute, même une faute très
grave, ne pensez pas cependant être meilleur que lui: car vous ignorez combien de temps
vous persévérerez dans le bien.
Nous sommes tous fragiles; mais croyez que personne n'est plus fragile que vous.
Heureux celui que la Vérité instruit elle-même, non par
des figures et des paroles qui passent, mais en se montrant telle qu'elle
est.
Notre raison et nos sens voient peu et nous trompent souvent.
A quoi servent ces disputes subtiles sur des choses cachées et obscures, qu'au Jugement
de Dieu on ne nous reprocheras point d'avoir ignorées?
C'est une grande folie de négliger ce qui est utile et nécessaire... pour s'appliquer
curieusement à ce qui nuit. Nous avons des yeux, et nous ne voyons
point !
2. Que nous importe ce qu'on dit sur les genres et sur les
espèces !
Celui à qui parle le Verbe Éternel est délivré de bien des opinions.
Tout vient de ce Verbe unique: de Lui procède toute parole, Il en est le principe, et
c'est Lui qui parle au dedans de nous (Joan.8,25)
Sans Lui nulle intelligence, sans Lui nul jugement n'est droit !
Celui pour qui une seule chose est tout, qui rappelle tout à cette unique chose et voit
tout en elle, ne sera point ébranlé, et son coeur demeurera dans la Paix de Dieu.
O Vérité, qui êtes Dieu, faites que je sois UN avec Vous dans un Amour éternel !
Souvent j'éprouve un grand ennui à force de lire et d'entendre:... en
Vous est tout ce que je désire, tout ce que je veux !
Que tous les docteurs se taisent; que toutes les créatures soient dans le silence devant
Vous: ...parlez-moi !... Vous seul.!
3. Plus un homme est recueilli en lui même et dégagé des
choses extérieures, plus son esprit s'étend et s'élève sans aucun travail, parce qu'il
en reçoit d'en haut la Lumière de l'Intelligence.
Une âme pure, simple, ferme dans le bien, n'est jamais dissipée au milieu même des plus
nombreuses occupations, parce qu'elle fait tout pour honorer Dieu, et que
tranquille en
elle même, elle tâche de ne se rechercher en rien.
Qu'est-ce qui vous fatigue et vous trouble ?... si ce n'est les affections immortifiées
de votre coeur?...
4. L'homme bon et vraiment pieux dispose d'abord au dedans
de lui tout ce qu'il doit faire au dehors ; il ne se laisse point entraîner dans ses
actions, au désir d'une inclination vicieuse... mais il les soumet à la règle
d'une droite raison..
Qui a un plus rude combat à soutenir que celui qui travaille à se vaincre ?
C'est là ce qui devrait nous occuper uniquement: combattre contre
nous-mêmes,... devenir chaque jour plus forts contre nous... chaque jour faire
quelque progrès dans le bien.
Toute perfection, dans cette vie est mêlée de quelque imperfection; et nous ne
voyons rien qu'à travers une certaine obscurité.
L'humble connaissance de vous-même est une voie plus sûre
pour aller à Dieu, que les recherches profondes de la science !
Ce n'est pas qu'il faille blâmer la science, ni la simple connaissance d'aucune chose:
car elle est bonne en soi et dans l'ordre de Dieu... seulement on doit toujours préférer une conscience pure et une vie
Sainte.
Mais parce que plusieurs s'occupent d'avantage de savoir que
de bien vivre... ils s'égarent souvent... et ne retirent
que peu ou point de fruit de leur travail.
5. Oh! s'ils avaient autant d'ardeur pour extirper
leurs vices et pour cultiver la Vertu que pour remuer de vaines questions, on ne verrait
pas tant de maux et de scandales dans le peuple, ni tant de relâchement dans les
monastères...!
Au jour du Jugement, on ne nous demandera point ce que nous avons lu, mais ce que nous
avons fait !... si nous avons bien parlé, mais
si nous avons bien vécu !
Dites-moi où sont maintenant ces maîtres et ces docteurs que vous avez connus, lorsqu'ils
vivaient encore, et qu'ils florissaient encore dans leur science ?...
D'autres occupent à présent leurs places, et je ne sais s'ils pensent seulement à eux.
Ils semblaient pendant leur vie être quelque chose,...et maintenant on n'en parle plus...
Oh! que la gloire du monde passe vite ! Plût à Dieu que leur vie eût répondu à
leur science ! Ils auraient lu alors et étudié avec fruit...
Qu'il y en a qui se perdent dans le siècle par une vaine science... et par l'oubli du
service de Dieu !
Et parce qu'ils aiment mieux être grands que d'être humbles,
il s'évanouissent dans leurs pensées...
Celui-là est vraiment grand, qui a une grande Charité !
Celui-là est vraiment grand, qui est petit à ses propres yeux, et pour qui les honneurs
du monde ne sont qu'un pur néant !
Celui-là est vraiment sage, qui pour gagner Jésus-Christ. regarde comme de la boue
toutes les choses de la terre (Philip.3,8) !
Celui-là possède la Vraie Science, qui fait la Volonté de Dieu et
renonce à la sienne !
Il ne faut pas croire à toute parole, ni obéir à tout
mouvement intérieur , mais peser chaque chose selon Dieu, avec prudence et avec une
longue attention.
Hélas! nous croyons et nous disons plus facilement des autres le mal que le bien, tant
nous sommes faibles.
Mais les parfaits n'ajoutent pas foi aisément à tout ce qu'ils entendent, parce qu'ils
connaissent l'infirmité de l'homme, enclin au mal... et léger dans ses paroles...
2. C'est une grande sagesse que de ne point agir avec
précipitation, et de ne pas s'attacher obstinément à son propre sens.
Il est encore de la sagesse de ne pas croire indistinctement tout ce que les hommes
disent... et ce ce qu'on a entendu ou cru, de ne point aller aussitôt le rapporter aux
autres.
Prenez conseil d'un homme sage et de conscience ... et laissez-vous guider par un autre
qui vaille mieux que vous, plutôt que de suivre vos propres
pensées.
Une bonne vie rend l'homme sage selon Dieu, et lui donne une grande expérience.
Plus on sera humble et soumis à Dieu, plus on aura de Sagesse et de Paix en toutes
choses.
Il faut chercher la vérité dans l'Écriture Sainte, et non
l'éloquence.
Toute l'Écriture doit être lue dans le même Esprit qui l'a
dictée. Nous devons y chercher l'utilité plutôt que la
délicatesse du langage.
Nous devons lire aussi volontiers les livres simples et pieux que les livres profonds et
sublimes.
Ne vous prévenez point contre l'auteur; mais sans vous inquiéter s'il a peu ou beaucoup
de science, que le pur Amour de la Vérité vous porte à le lire.
Considérez ce qu'on vous dit, sans rechercher qui le dit.
2. Les hommes passent... mais la Vérité du Seigneur
demeure éternellement (Ps 38).
Dieu nous parle en diverses manières, et par des personnes très diverses.
Dans la lecture de l'Ecriture Sainte souvent notre curiosité nous nuit, voulant examiner
et comprendre, lorsqu'il faudrait passer simplement.
Si vous voulez en retirer du fruit,
lisez avec humilité, avec simplicité, avec foi...et ne cherchez
jamais à passer pour habile !
Aimez à interroger; écoutez en silence les paroles des Saints, et ne méprisez
point les sentences des vieillards... car elles ne sont point proférées en vain.
Dès que l'homme commence à désirer quelque chose
désordonnément, aussitôt il devient inquiet en lui même.
Le superbe et l'avare n'ont jamais de repos... mais le pauvre et l'humble d'esprit vivent
dans l'abondance de la Paix.
L'homme qui n'est pas encore parfaitement mort à lui- même
est bien vite tenté... et il succombe dans les plus petites choses.
Celui dont l'esprit est encore infirme, appesanti par la chair et incliné vers les choses
sensibles, a grande peine à se détacher entièrement des désirs terrestres.
C'est pourquoi, lorsqu'il se refuse a les satisfaire, souvent il éprouve de la
tristesse... et il est disposé à l'impatience quand on lui résiste.
2. Que s'il a obtenu ce qu'il convoitait, aussitôt le
remords de la conscience pèse sur lui, parce qu'il a suivi sa passion, qui ne sert de
rien pour la Paix qu'il cherchait !
C'est en résistant aux passions, et non en leur cédant, qu'on
trouve la véritable Paix du coeur.
Point de Paix donc dans le coeur de l'homme charnel, de l'homme livré aux choses
extérieures; la Paix est le partage de l'homme fervent et spirituel.
Insensé celui qui met son espérance dans les hommes ou
dans quelque créature que ce soit !
N'ayez point de honte de servir les autres, et de paraître pauvre en ce monde, pour
l'Amour de Jésus-Christ.
Ne vous appuyez point sur vous même et ne vous reposez que sur Dieu
seul !
Faites ce qui est en vous, et Dieu secondera votre
bonne volonté.
Ne vous confiez point en votre science ni dans l'habileté d'aucune créature... mais
plutôt dans la Grâce de Dieu qui aide les humbles et
humilie les présomptueux.
2. Ne vous glorifiez point dans les richesses si vous en
avez, ni dans vos amis parce qu'ils sont puissants... mais en Dieu qui donne tout, et qui
par dessus tout désire encore Se donner Lui-même !
Ne vous élevez point à cause de la force ou de la beauté de votre corps, qu'une
légère infirmité abat et flétrit...
N'ayez point de complaisance en vous même à cause de votre esprit ou de votre
habileté... de peur de déplaire à Dieu, de qui vient tout ce que
vous avez reçu de bon de la nature.
3. Ne vous estimez pas meilleur que les autres, de crainte
que peut-être vous ne soyez pire aux yeux de Dieu, qui sait ce qu'il y a dans l'homme .
Ne vous enorgueillissez pas de vos bonnes oeuvres car les jugements de Dieu sont autres que ceux des hommes, et ce qui plait
aux hommes, souvent Lui déplait...
S'il y a quelque bien en vous, croyez qu'il y en a plus dans les autres, afin de conserver
l'humilité.
Vous ne hasardez rien à vous mettre au-dessous de tous... mais il vous serait très
nuisible de vous préférer à un seul.
L'homme humble jouit d'une paix inaltérable; la colère et l'envie troublent le coeur du
superbe...
N'ouvrez pas votre coeur à tous indistinctement
(Eccli.8,22) mais confiez ce qui vous touche à l'homme sage et craignant Dieu.
Ayez peu de commerce avec les jeunes gens et les personnes du monde.
Ne flattez point les riches et ne désirez point de paraître devant les grands.
Recherchez les humbles, les simples,
les personnes de piété et de bonnes moeurs... et ne vous entretenez que de choses
édifiantes.
N'ayez de familiarité avec aucune femme; mais recommandez à Dieu toutes celles qui sont
vertueuses.
Ne souhaitez d'être familier qu'avec Dieu et les anges et évitez d'être connu des
hommes.
2. Il faut avoir de la Charité pour tout le monde; mais la
familiarité ne convient point.
Il arrive que, sans la connaître, on estime une personne sur sa bonne réputation, et en
se montrant elle détruit l'opinion qu'on avait d'elle.
Nous nous imaginons quelque fois plaire aux autres par nos assiduités; c'est plutôt
alors que nous commençons à leur déplaire, par les défauts qu'ils découvrent en nous.
C'est quelque chose de bien grand que de vivre sous un
supérieur dans l'obéissance et de ne pas dépendre de soi-même.
Il est beaucoup plus sûr d'obéir que de commander.
Quelques-uns obéissent plutôt par nécessité que par amour, et ceux-là, toujours
souffrants, sont portés au murmure.
Jamais ils ne posséderont la liberté d'esprit... à moins qu'ils ne se soumettent de
tout leur coeur, à cause de Dieu.
Allez où vous voudrez, vous ne trouverez de repos que dans une
humble soumission à la conduite d'un supérieur.
Plusieurs, s'imaginant qu'ils seraient meilleurs en d'autres lieux, ont été trompés par
cette idée de changement.
2. Il est vrai que chacun aime suivre son propre sens, et a
plus d'inclination pour ceux qui pensent comme lui.
Mais si Dieu est au milieu de nous, il est quelque fois nécessaire de renoncer à notre
sentiment pour le bien de la Paix.
Quel est l'homme si éclairé, qu'il sache tout parfaitement ?
Ne vous fiez donc pas trop à votre sentiment... mais écoutez aussi volontiers celui des
autres.
Si votre sentiment est bon, et qu'à cause de Dieu vous l'abandonniez pour en suivre un
autre, vous en retirerez plus d'avantage.
3. J'ai souvent ouï dire qu'il est plus sûr d'écouter et de recevoir un conseil
que de le donner.
Car il peut arriver que le sentiment de chacun soit bon ! mais ne vouloir pas céder aux
autres, lorsque l'occasion ou la raison le demande, c'est la marque d'un esprit superbe et
opiniâtre !
Evitez autant que vous le pourrez le tumulte du monde... car
il y a du danger à s'entretenir des choses du siècle, même avec une intention pure.
Bientôt la vanité souille l'âme et la captive..
Je voudrais souvent m'être tu et ne m'être pas trouvé avec les hommes.
D'où vient que nous aimons tant à parler et à converser, lorsque si rarement il arrive
que nous rentrions dans le silence avec une conscience qui ne soit pas blessée ?
C'est que nous cherchons dans ces entretiens une consolation
mutuelle et un soulagement pour notre coeur fatigué de pensées diverses.
Nous nous plaisons à parler, à occuper notre esprit de ce que nous aimons, de ce que
nous souhaitons, de ce qui contrarie nos désirs ...
2. Mais souvent hélas ! bien vainement ... car cette
consolation extérieure n'est pas un médiocre obstacle à la consolation que Dieu donne
intérieurement.
Il faut donc veiller et prier, afin que le temps ne se passe
pas sans fruit.
S'il est permis, s'il convient de parler, parlez de ce qui peut édifier.
La mauvaise habitude et le peut de soin de notre avancement nous empêchent d'observer
notre langue.
Cependant de pieuses conférences sur les choses spirituelles, entre les personnes unies
selon Dieu et animées d'un même esprit, servent beaucoup au progrès dans la perfection.
Nous pourrions jouir d'une grande Paix, si nous voulions ne
nous point occuper de ce que disent et de ce que font les autres, et de ce que nous ne
sommes point chargés.
Comment peut-il être longtemps en Paix, celui qui s'embarrasse de soins étrangers, qui
cherche à se répandre au dehors, et ne se recueille que peu
ou rarement en lui-même ?
Heureux les simples, parce qu'ils posséderont une grande Paix !
2. Comment quelques Saints se sont-ils élevés à un si
haut degré de vertu et de contemplation ?
C'est qu'ils se sont efforcés de mourir à tous les désirs de la
terre, et qu'ils ont pu ainsi s'unir à Dieu par le fonds le plus intime de leur
coeur et s'occuper librement d'eux-mêmes.
Pour nous, nous sommes trop à nos passions... et trop inquiets de ce qui se passe.
Rarement nous surmontons parfaitement un seul vice; nous n'avons point d'ardeur pour faire
chaque jour quelque progrès, et ainsi nous restons tièdes et froids.
3. Si nous étions tout à fait morts à nous même, et
moins préoccupés au dedans de nous, alors nous pourrions aussi goûter les choses de
Dieu, et acquérir quelque expérience de la Céleste Contemplation.
Le plus grand, l'unique obstacle, c'est qu'asservis à nos passions
et à nos convoitises, nous ne faisions aucun effort pour entrer dans la Voie parfaite des
Saints.
Et s'il arrive que nous éprouvions quelque légère adversité,...nous nous laissons
aussitôt abattre, et nous recourons aux consolations humaines.
4. Si tels que des soldats généreux nous demeurions fermes dans le combat, nous verrions certainement le secours de
Dieu descendre sur nous du Ciel.
Car Il est toujours prêt à aider ceux qui résistent et qui espèrent en Sa Grâce; et
c'est Lui qui nous donne des occasions de combattre , afin de nous rendre victorieux.
Si nous plaçons uniquement le progrès de la vie chrétienne dans les observances
extérieures, notre dévotion sera de peu de durée...
Mettons donc la cognée à la racine de l'arbre, afin que dégagé
des passions, nous possédions notre âme en Paix..
5. Si nous déracinions chaque année un seul
vice,...bientôt nous serions parfaits.
Mais nous sentons souvent, au contraire, que nous étions meilleurs, et que notre vie
était plus pure, lorsque nous quittâmes le siècle, qu'après plusieurs années de
profession...
Nous devrions croître chaque jour en ferveur et en vertu, et maintenant on compte pour
beaucoup d'avoir conservé une partie de sa ferveur.
Si nous nous faisions d'abord un peu de violence, nous pourrions ensuite tout faire
aisément et avec joie.
6. Il est dur de renoncer à ses habitudes... mais il est
plus dur encore de courber sa propre volonté.
Cependant, si vous ne savez pas vous vaincre en des choses
légères, comment remporterez vous des victoires plus difficiles ?
Résistez dès le commencement à votre inclination , rompez sans aucun retard toute
habitude mauvaise, de peur que peu à peu elle ne vous engage dans de plus grandes
difficultés.
Oh ! si vous considériez quelle Paix pour vous ! quelle Joie pour les autres ! en vivant
comme vous le devez... vous auriez je crois, plus d'ardeur pour votre avancement spirituel
.
Il nous est bon d'avoir quelquefois des peines et des
traverses, parce que souvent elles rappellent l'homme à son coeur, et lui font sentir qu'il est en exil, et qu'il ne doit mettre son espérance en aucune chose du monde.
Il nous est bon de souffrir quelquefois des contradictions, et que l'on pense mal ou peu
favorablement de nous, quelque bonnes que soient nos actions et nos intentions.
Souvent celà sert à nous rendre humbles et à nous
prémunir contre la vaine gloire.
Car nous avons plus d'empressement à chercher Dieu, qui voit au fond du coeur, quand les
hommes au dehors nous rabaissent et pensent mal de nous.
2. C'est pourquoi l'homme devrait s'affermir tellement en
Dieu, qu'il n'eût pas besoin de chercher tant de consolations humaines.
Lorsque avec une volonté droite l'homme est troublé, tenté, affligé de mauvaises
pensées, il reconnaît alors combien Dieu lui est nécessaire, et qu'il n'est capable
d'aucun bien sans Lui.
Alors, il s'attriste, il gémit, il prie à cause des maux qu'il souffre...
Alors il s'ennuie de vivre plus longtemps, et il souhaite que la mort arrive, afin que,
délivré de ses liens, il soit avec Jésus Christ...
Alors aussi il comprend bien qu'une sécurité parfaite, une pleine Paix, ne sont point de ce monde.
Tant que nous vivons ici-bas, nous ne pouvons être exempts
de tribulations et d'épreuves.
C'est pourquoi il est écrit au livre de Job: La tentation est la vie de l'homme sur
la terre (Job 7,1).
Chacun devrait donc toujours être en garde contre les tentations qui l'assiègent, et veiller et prier pour ne pas laisser lieu aux surprises du démon,
qui ne dort jamais, et qui tourne de tous côtés cherchant quelqu'un pour le dévorer
( I Pierre.5,8).
Il n'est point d'homme si parfait et si Saint qui n'ait quelquefois des tentations, et
nous ne pouvons entièrement en être affranchis.
2. Mais quoique importunes et pénibles, elles ne laissent
pas d'être souvent très utiles à l'homme, parce qu'elles l'humilient,
le purifient et l'instruisent.
Tous les Saints ont passé par beaucoup de tentations et de souffrances, et c'est
par cette Voie qu'ils ont avancé... mais ceux qui n'ont pu soutenir ces épreuves, Dieu
les a réprouvés, et ils ont défailli dans la route du Salut.
Il n'y a point d'ordre si saint ni de lieu si secret où l'on ne trouve des peines et des
tentations.
3. L'homme , tant qu'il vit, n'est jamais entièrement à
l'abri des tentations : car nous en portons le germe en nous, à cause de la concupiscence
dans laquelle nous sommes nés.
L'une succède à l'autre et nous aurons toujours quelque chose à souffrir parce que nous
avons perdu le bien et la félicité primitive.
Plusieurs cherchent à fuir pour n'être point tentés, et ils tombent dans des tentations
plus dangereuses.
Il ne suffit pas de fuir pour vaincre; mais la patience et la
véritable humilité nous rendent plus forts que tous nos ennemis.
4. Celui qui , sans arracher la racine du mal, évite
seulement les occasions extérieures, avancera peu... au contraire, les tentations
reviennent à lui plus promptement et plus violentes.
Vous vaincrez plus sûrement peu à peu et par une longue patience,
aidé du secours de Dieu, que
par une rude et inquiète opiniâtreté.
Prenez souvent conseil dans la tentation, et ne traitez point durement celui qui est
tenté... mais consolez-le comme vous voudriez qu'on vous consolât vous-même.
5. Le commencement de toutes les tentations est
l'inconstance de l'esprit et le peu de confiance
en Dieu.
Car, comme un vaisseau sans gouvernail est poussé çà et là par les flots, ainsi
l'homme faible et changeant qui abandonne ses résolutions est agité par des tentations
diverses.
Le feu éprouve le fer (Eccli. 31,31), et la tentation l'homme juste.
Nous ne savons souvent ce que nous pouvons... mais la tentation montre
ce que nous sommes.
Il faut veiller cependant, surtout au commencement de la tentation; car on triomphe
beaucoup plus facilement de l'ennemi, si on ne le laisse point
pénétrer dans l'âme, et si on le repousse à l'instant même où il se présente
pour entrer.
C'est ce qui fait dire à un ancien: "Arrêtez le mal dès son origine; le
remède vient trop tard, quand le mal s'est accru par de longs délais "
(Ovide).
D'abord une simple pensée s'offre à l'esprit... puis une vive imagination... ensuite le
plaisir et le mouvement déréglé,...et le consentement...
Ainsi peu à peu l'ennemi envahit toute l'âme, lorsqu'on ne lui résiste pas dès le
commencement !
Plus on met de retard et de langueur à le repousser, plus on
s'affaiblit chaque jour, et plus l'ennemi devient fort contre nous .
6. Plusieurs sont affligés de tentations plus violentes au
commencement de leur conversion... d'autres, à la fin... et il y en a qui souffrent
presque toute leur vie.
Quelques-un sont tentés assez légèrement, selon l'ordre de la Sagesse et de la Justice
de Dieu, qui connaît l'état des hommes, pèse leurs mérites, et dispose tout pour le
Salut de ses élus.
7. C'est pourquoi, quand nous sommes tentés, nous ne devons point perdre l'Espérance,
mais prier Dieu avec plus de ferveur afin qu'Il daigne nous secourir dans toutes nos
tribulations...
car selon la parole de l'Apôtre, Il nous fera tirer avantage de la tentation
même, de sorte que nous puissions la surmonter ( I Cor. 10,13).
Humilions donc nos âmes sous la Main de Dieu (I Petr.5,6), dans toutes nos
tentations, dans toutes nos peines, parce qu'Il sauvera et relèvera les humbles d'esprit.
8. Dans les tentations et les traverses , on
reconnaît
combien l'homme a fait de progrès... Le mérite est plus grand, et la vertu parait
davantage.
Il est peu difficile d'être pieux et fervent lorsqu'on n'éprouve rien de pénible; mais
celui qui se soutient avec patience au temps de l'adversité donne l'espoir d'un grand
avancement.
Quelques-uns surmontent les grandes tentations et succombent tous les jours aux petites,
afin qu'humiliés d'être si faibles dans les moindres occasions, ils ne se présument
jamais d'eux-mêmes dans les grandes.
Tournez les yeux sur vous-mêmes et gardez-vous de juger les
actions des autres...
En jugeant les autres, l'homme se fatigue vainement: il se trompe le plus souvent et
commet beaucoup de fautes... mais en s'examinant et se jugeant lui-même, il travaille
toujours avec fruit.
D'ordinaire nous jugeons des choses selon l'inclination de notre coeur; car l'amour propre
altère aisément en nous la droiture du jugement.
Si nous n'avions jamais en vue que Dieu seul, nous serions
moins troublés quand on résiste à notre sentiment.
2. Mais souvent il y a quelque chose hors
de nous, ou de caché en nous qui nous entraîne.
Plusieurs se recherchent secrètement eux-mêmes dans ce qu'ils
font, et ils l'ignorent.
Ils semblent affermis dans la Paix lorsque tout va selon leurs désirs... mais
éprouvent-ils des contradictions... aussitôt ils s'émeuvent et tombent dans la
tristesse.
La diversité des opinions produit souvent des dissensions entre les amis, entre les
citoyens, et même entre les religieux et les personnes dévotes.
3. On quitte difficilement une vieille habitude, et nul ne
se laisse volontiers conduire au delà de
ce qu'il voit.
Si vous vous appuyez sur votre esprit et sur votre pénétration, plus que sur la soumission dont Jésus-Christ nous a donné l'exemple, vous serez
très peu et très tard éclairé dans la Vie Spirituelle... car Dieu veut que nous lui
soyons parfaitement soumis, et que nous nous élevions au dessus de toute raison par un
ardent amour.
Pour nulle chose au monde, ni pour l'amour d'aucun homme, on
ne doit faire le moindre mal; on peut quelque fois cependant, pour rendre un service dans
un besoin, différer une bonne oeuvre, ou lui en substituer une meilleure; car alors le
bien n'est pas détruit, mais il se change en un plus grand.
Aucune oeuvre extérieure ne sert sans la Charité; mais tout ce qui se fait par la
Charité, quelque petit et quelque vil qu'il soit, produit des fruits abondants.
Car Dieu regarde moins à l'action qu'au motif qui fait agir.
2. Celui-là fait beaucoup, qui aime beaucoup.
Celui-là fait beaucoup, qui fait bien ce qu'il fait; et il fait bien lorsqu'il subordonne
sa volonté à l'utilité publique.
Ce qu'on prend pour la Charité, souvent n'est que la convoitise;
car il est rare que l'inclination, la volonté propre, l'espoir de la récompense,
ou la vue de quelque avantage particulier n'influe pas sur nos actions.
3. Celui qui possède la Charité véritable et parfaite ne
se recherche en rien... mais son unique désir est que la Gloire de
Dieu s'opère en toute chose.
Il ne porte envie à personne, parce qu'il souhaite aucune faveur particulière, ne met
point sa joie en lui même, et dédaignant tous les autres biens, il ne cherche qu'en Dieu
son bonheur.
Il n'attribue jamais aucun bien à la créature; il les rapporte tous à Dieu, de qui ils découlent comme de leur
source, et dans la jouissance duquel tous les Saints se reposent à jamais comme dans leur
fin dernière.
Oh ! qui aurait une étincelle de la Vraie Charité, que
toutes les choses de la terre lui paraîtraient vaines !
Ce que l'homme ne peut corriger en soi ou dans les autres ,
il doit le supporter avec patience, jusqu'à ce que Dieu en ordonne autrement.
Songez qu'il est peut-être mieux qu'il en soit ainsi pour vous éprouver par la Patience, sans laquelle nos mérites sont peu de choses.
Vous devez cependant prier Dieu de vous aider à vaincre ces obstacles ou à les supporter
avec douceur.
2. Si quelqu'un, averti une ou deux fois, ne se rend
point, ne contestez point avec lui... mais confiez tout à Dieu, qui sait tirer le bien du
mal, afin que Sa Volonté s'accomplisse, et qu'Il soit glorifié dans tous ses serviteurs.
Appliquez-vous à supporter patiemment les défauts et les infirmités des autres, quelles
qu'elles soient, parce qu'il y a aussi bien des choses en vous que les autres ont à
supporter.
Si vous ne pouvez vous rendre tel que vous voudriez, comment pourrez-vous faire que les
autres soient selon votre gré ?
Nous aimons que les autres soient exempts de défauts, et nous ne corrigeons point les
nôtres....
3. Nous voulons qu'on reprenne les autres sévèrement, et
nous ne voulons pas être repris nous-mêmes.
Nous sommes choqués qu'on leur laisse une trop grande liberté, et nous ne voulons pas
qu'on nous refuse rien.
Nous voulons qu'on les retienne par des règlements, et nous ne souffrons pas qu'on nous
contraigne en la moindre chose.
Par là on voit clairement comment il est rare que nous usions de la même mesure pour
nous et pour les autres.
Si tous étaient parfaits, qu'aurions nous de leur part à souffrir pour Dieu ?
4. Or Dieu l'a ainsi ordonné, afin que nous apprenions à
porter le fardeau les uns des autres... car chacun a son fardeau ... personne est sans
défauts... nul ne se suffit à soi-même... nul n'est assez sage pour se conduire seul...
mais il faut nous supporter... nous consoler...
nous aider... nous instruire... nous avertir mutuellement.
C'est dans l'adversité qu'on voit le mieux ce que chacun a de vertus.
Car les occasions ne rendent pas l'homme fragile; mais elles
montrent ce qu'il est.
Il faut que vous appreniez à vous
briser en beaucoup de choses, si vous voulez conserver la Paix et la concorde avec
les autres.
Ce n'est pas peu de chose de vivre dans un monastère ou dans une congrégation, de n'y
être jamais une occasion de plainte, et d'y persévérer
fidèlement jusqu'à la mort !
Heureux celui qui, après une vie sainte, y a heureusement consommé sa course !
Si vous voulez être affermi et croître dans la vertu... regardez-vous comme exilé et comme étranger sur la terre.
Il faut, pour l'amour de Jésus-Christ, devenir insensé
selon le monde, si vous voulez vivre en religieux.
2. L'habit et la tonsure servent peu; c'est le changement
des moeurs et la mortification entière des passions qui font
le vrai religieux.
Celui qui cherche autre chose que Dieu seul et le Salut de
son âme ne trouvera que tribulation et douleur.
Celui-là ne saurait non plus demeurer longtemps en Paix, qui ne s'efforce point d'être le dernier de tous ...et soumis à tous.
3. Vous êtes venu pour servir, et non pour dominer... sachez
que vous êtes appelé pour souffrir et pour travailler... et non pour discourir dans une
vaine oisiveté.
Ici donc les hommes sont éprouvés comme l'or dans la
fournaise !
Ici nul ne peut vivre, s'il ne veut s'humilier de tout son coeur à cause de Dieu !
Contemplez les exemples des Saints Pères, en qui reluisait
la Vraie perfection de la vie religieuse, et vous verrez combien peu est ce que nous
faisons, et presque rien.
Hélas ! qu'est-ce que notre vie comparée à la leur ?
Les Saints et les amis de Jésus Christ ont servi Dieu dans la faim et dans la soif, dans
le froid et dans la nudité, dans le travail et dans la fatigue, dans les veilles et dans
les jeûnes, dans les prières et dans les saintes méditations, dans une infinité de
persécutions et d'opprobres.
2. Oh ! que de pesantes tribulations ont souffertes les
Apôtres, les Martyrs, les Confesseurs, les Vierges et tous ceux qui ont voulu suivre les
traces de Jésus-Christ ! Ils ont haï leur âme en ce monde pour la posséder
dans l'éternité (Joan.12,25).
Oh ! quelle vie de renoncement et d'austérité que celle des Saints dans le désert !
Quelles longues et dures tentations ils ont essuyées !
Que de fois ils ont été tourmentés par l'ennemi !
Que de fréquentes et ferventes prières ils ont offertes à Dieu !
Quelles rigoureuses abstinences ils ont pratiquées !
Quel zèle, quelle ardeur pour leur avancement spirituel !
Quelle forte guerre contre leurs passions !
Quelle intention pure et droite toujours dirigée vers Dieu !
Ils travaillaient pendant le jour, et passaient la nuit en prière... et même durant le
travail ils ne cessaient point de prier en Esprit.
3. Tout leur temps avait un emploi utile.
Les heures qu'ils donnaient à Dieu leur semblaient courtes, et ils trouvaient tant de
douceur dans la contemplation, qu'ils en oubliaient les besoins du corps.
Ils renonçaient aux richesses, aux dignités, aux honneurs, à leurs amis, à leurs
parents ; ils ne voulaient rien du monde; ils prenaient à peine ce qui était nécessaire
pour la vie; s'occuper du corps, même dans la nécessité, leur était affliction !
Ils étaient pauvres des choses de la terre... mais ils étaient riches en grâces et en
vertus !
Au dehors tout leur manquait... mais Dieu les fortifiait au dedans par sa Grâce et par
ses Consolations.
4. Ils étaient étrangers au monde, mais unis à Dieu et
ses amis familiers.
Ils se regardaient comme un pur néant, et le monde les méprisait; mais ils étaient chéris de Dieu, et précieux devant Lui.
Ils vivaient dans une sincère humilité, dans une obéissance simple, dans la charité,
dans la patience... et devenaient ainsi chaque jour plus
parfaits et plus agréables à Dieu.
Ils ont été donnés en exemple à tous ceux qui professent la Vraie religion, et ils
doivent nous exciter plus à avancer dans la perfection que la multitude des tièdes ne
nous porte au relâchement.
5. Oh ! quelle ferveur en tous les religieux au commencement
de leur sainte institution ! Quelle ardeur pour la prière ! Quelle émulation de vertu !
Quelle sévère discipline ! que de soumission, que de respect ils montraient tous pour la
règle de leur fondateur !
Ce qui nous reste d'eux atteste encore la Sainteté et la perfection de ces hommes qui en
combattant généreusement, foulèrent aux pieds le monde.
Aujourd'hui on compte pour beaucoup qu'un religieux ne viole point sa règle, et qu'il
porte patiemment le joug dont il s'est chargé.
O tiédeur ! ô négligence de notre état qui a si vite éteint parmi nous l'ancienne
ferveur ! Maintenant tout fatigue notre lâcheté, jusqu'à nous rendre la vie ennuyeuse.
Plût à Dieu qu'après avoir vu tant d'exemples d'hommes vraiment pieux, vous ne laissiez pas entièrement s'assoupir en vous le désir d'avancer dans la
vertu !
La vie d'un vrai religieux doit être pleine de toutes les
vertus, de sorte qu'il soit tel intérieurement qu'il parait devant les hommes.
Et certes il doit être encore bien plus parfait au dedans qu'il ne le semble au dehors,
parce que Dieu nous regarde, et que nous devrons, partout où nous sommes, Le révérer
profondément, et marcher en SA Présence purs comme des anges.
Nous devons chaque jour renouveler notre résolution, nous exciter à la ferveur, comme si
notre conversion commençait aujourd'hui seulement, et dire :
"Aidez-moi, Seigneur, dans mes saintes résolutions et dans votre service !
Donnez-moi de bien commencer maintenant, car ce que j'ai fait jusqu'ici n'est rien !"
2. La fermeté de notre résolution est
la mesure de notre progrès, et une grande diligence est nécessaire à celui qui veut
avancer. Si celui qui forme les résolutions les plus fortes se relâche souvent, que
sera-ce de celui qui n'en prend que rarement, ou qui n'en prend que de faibles ?
Toutefois nous abandonnons nos résolutions de diverses manières, et la moindre
omission dans nos exercices a presque toujours quelque suite fâcheuse...
Les justes, dans leurs résolutions, comptent bien plus sur la Grâce de Dieu que sur leur
propre sagesse... et en quelque chose qu'ils entreprennent, c'est en Lui
seul qu'ils mettent leur confiance.
Car l'homme propose, mais Dieu dispose (Prov.16,9); et la voie de l'homme
n'est pas en lui (Jer.10,23).
3. Si nous omettons quelquefois nos exercices ordinaires
pour quelque motif pieux ou pour l'utilité de nos frères, il nous sera facile ensuite de
réparer cette omission.
Mais si nous les abandonnons sans sujet, par ennui ou par
négligence, c'est une faute grave et qui nous sera funeste.
Faisons tous nos efforts, et nous tomberons encore aisément en beaucoup de fautes.
On doit cependant toujours se proposer quelque chose de fixe,
surtout à l'égard de ce qui forme le plus grand obstacle à notre avancement.
Il faut examiner et régler également notre intérieur et notre extérieur, parce que
l'un et l'autre sert à notre progrès.
4. Ne pouvez-vous continuellement vous recueillir ?
recueillez-vous au moins de temps en temps... au moins une fois le jour, le matin ou le
soir .
Le matin, formez vos résolutions... le soir, examinez votre conduite, ce que vous avez
été dans vos paroles, vos actions, vos pensées: car peut-être en celà avez-vous
souvent offensé Dieu et le prochain.
Tel qu'un soldat plein de courage, armez-vous contre les attaques du démon.
Réprimez l'intempérance, et vous réprimerez plus aisément tous les autres désirs de
la chair.
Ne soyez jamais tout à fait oisif; mais lisez... ou écrivez... ou priez... ou
méditez... ou travaillez à quelque chose d'utile à la communauté.
Il ne faut cependant s'appliquer qu'avec discrétion aux exercices du corps, et ils ne
conviennent pas également à tous.
5. Ce qui sort des pratiques communes ne doit point paraître au dehors: il est plus sûr de remplir en secret
ses exercices particuliers ; prenez garde cependant de négliger les exercices communs
pour ceux de votre choix. Mais après avoir accompli fidèlement et pleinement les devoirs
prescrits, s'il vous reste du temps, rendez-vous à vous même, selon le mouvement de
votre dévotion.
Tous ne sauraient suivre les mêmes exercices : l'un convient mieux à celui-ci, l'autre
à celui-là.
On aime même à les diversifier selon les temps; il y en a qu'on goûte plus aux jours de
fête, d'autres aux jours ordinaires.
Les uns nous sont nécessaires aux temps de la tentation, les autres au temps de la paix
et du repos.
Autres sont des pensées qui nous plaisent dans la tristesse, ou quand nous éprouvons de
la joie en Dieu.
6. Il faut, vers l'époque des grandes fêtes, renouveler nos pieux exercices, et implorer avec plus de ferveur
les suffrages des Saints.
Proposons-nous de vivre d'une fête à l'autre comme si nous devions alors sortir de ce
monde et entrer dans l'Eternelle Fête.
Et pour celà, préparons-nous avec soin dans ces saints temps par une vie plus fervente,
par une plus sévère observance des règles, comme devant bientôt recevoir de Dieu le
prix de notre travail.
7. Et si ce moment est différé, croyons que nous ne sommes
pas encore bien préparés, ni digne de cette Gloire immense qui nous sera découverte en
son temps, et redoublons d'efforts pour nous mieux disposer à ce passage.
Heureux le serviteur, dit St Luc, que le Seigneur, quand il viendra, trouvera
veillant. Je vous dit, en vérité, qu'il l'établira sur tous ses biens
(Luc 12,37).
Cherchez un temps propre à vous occuper de vous- même, et
pensez souvent aux bienfaits de Dieu.
Laissez là ce qui ne sert qu'à nourrir la curiosité.
Lisez plutôt ce qui touche le coeur que ce qui amuse l'esprit.
Retranchez les discours superflus, les courses inutiles; fermez
l'oreille aux vains bruits du monde... et vous
trouverez assez de loisirs pour les Saintes méditations.
Les plus grands Saints évitaient autant qu'il leur était possible le commerce des
hommes, et préféraient vivre en secret avec Dieu.
2. Un ancien a dit: " Toutes les fois que j'ai été
dans la compagnie des hommes, j'en suis revenu moins homme que je n'étais".
(Senec.ep.7).
C'est ce que nous éprouvons souvent lorsque nous nous livrons à de longs entretiens.
Il est plus aisé de se taire que de ne point excéder dans
ses paroles.
Il est plus aisé de se tenir chez soi que de se garder de
soi-même suffisamment au dehors.
Celui donc qui aspire à la vie intérieure et spirituelle doit se
retirer de la foule avec Jésus.
Nul ne se montre sans péril, s'il n'aime à demeurer caché...
Nul ne parle avec mesure, s'il ne se tait volontiers....
Nul n'est en sûreté dans les premières places, s'il n'aime les dernières...
Nul ne commande sans danger, s'il n'a pas appris à bien obéir....
3. Nul ne se réjouit avec sécurité, s'il ne possède en
lui-même le témoignage d'une bonne conscience.
Cependant la confiance des Saints a toujours été pleine de la
crainte de Dieu: quel que fût l'éclat de leurs vertus, quelque abondantes que
fussent leurs grâces, ils n'en étaient ni moins humbles ni moins vigilants.
L'assurance des méchants naît, au contraire, de l'orgueil et de la
présomption, et finit par l'aveuglement.
Ne vous promettez point de sûreté en cette vie, quoique
vous paraissiez être un saint religieux ou un pieux solitaire.
4. Souvent les meilleurs dans l'estime des hommes ont couru
les plus grands dangers, à cause de leur trop de confiance.
Il est donc utile à plusieurs de n'être pas entièrement délivrés des tentations et de
souffrir des attaques fréquentes... de peur que, tranquilles sur eux-mêmes, ils ne s'élèvent avec orgueil, ou qu'ils ne se livrent trop aux
consolations du dehors.
Oh ! si l'on ne recherchait jamais les joies qui passent... si jamais l'on ne
s'occupait du monde... qu'on posséderait une conscience pure !
Oh ! qui retrancherait toute sollicitude vaine... ne pensant qu'au Salut et à Dieu... et
plaçant en Lui toute son espérance..., de quelle Paix et de quel repos il jouirait !
5. Nul n'est digne des consolations célestes, s'il ne s'est
exercé longtemps dans la Sainte componction...
Si vous désirez la Vraie componction du coeur, entrez dans votre cellule, et bannissez le
bruit du monde !... selon qu'il est écrit: Même sur votre couche, que votre coeur
soit plein de componction .(Ps 4,5).
Vous trouverez dans votre cellule ce que souvent vous perdez au dehors.
La cellule qu'on quitte peu devient douce... fréquemment délaissée elle engendre
l'ennui.
Si, dès le premier moment où vous sortez du siècle, vous êtes fidèle à la garder,
elle vous deviendra comme une amie chère... et sera votre
consolation la plus douce.
6. Dans le silence et le repos, l'âme pieuse fait de grands
progrès, et pénètre ce qu'il y a de caché dans l'Ecriture.
Là, elle trouve la Source des larmes dont elle se lave et se purifie toutes
les nuits, et elle s'unit d'autant plus familièrement à son Créateur qu'elle vit plus
éloignée du tumulte du monde...
Celui donc qui se sépare de ses connaissances et de ses amis, Dieu
s'approchera de lui avec ses Saints anges.
Il vaut mieux être caché et prendre soin de son âme, que de faire des miracles et de
s'oublier soi-même.
Il est louable pour un religieux de sortir rarement, et de n'aimer ni à voir les hommes
ni à être vu d'eux.
7. Pourquoi voulez-vous voir ce qu'il ne vous est pas permis
d'avoir ?
Le monde passe et sa concupiscence...
Les désirs des sens entraînent çà et là... mais l'heure passée, que rapportez-vous ?
qu'une conscience pesante et un coeur dissipé ?
Parce qu'on est sorti dans la joie, souvent on revient dans la tristesse... et la veille
joyeuse du soir attriste le matin...
Ainsi toute la joie des sens s'insinue avec douceur... mais à la fin elle blesse et..
tue.
8. Que pouvez-vous voir ailleurs que vous ne voyiez où vous
êtes ?
Voilà le ciel, la terre, les éléments: or c'est d'eux que tout est fait...
Où que vous alliez, que verrez-vous qui soit stable sous le soleil ?
Vous croyez peut-être vous rassasier... mais vous n'y parviendrez jamais !
Quand vous verriez toutes choses à la fois, que serait-ce qu'une vision vaine ?
Levez les yeux en haut vers Dieu... et priez pour vos péchés et vos négligences !
Laissez aux hommes vains les choses vaines... pour vous, ne vous occupez que de ce que
Dieu vous commande.
Fermez sur vous votre porte et appelez à vous Jésus Votre bien-aimé !
Demeurez avec Lui dans votre cellule... car vous ne trouverez nulle part autant de Paix.
Si vous n'étiez pas sorti et que vous n'eussiez pas entendu quelque bruit du monde, vous
seriez demeuré dans cette douce Paix... mais parce que vous aimez à entendre des choses
nouvelles, il vous faut supporter ensuite le trouble du coeur...
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