LIVRE TROISIEME :

La crucifixion

ou de la vie intérieure

 

De l'entretien intérieur de Jésus-Christ avec l'âme fidèle

J'écouterai ce que le Seigneur Dieu dit en moi (Ps 84, 8) .
Heureuse l'âme qui entend le Seigneur lui parler intérieurement, et qui reçoit de Sa bouche la Parole de consolation !
Heureuses les oreilles toujours attentives à recueillir ce souffle divin, et sourdes aux bruits du monde !
Heureuses encore une fois, les oreilles qui écoutent non la voix qui retentit au dehors, mais la Vérité qui enseigne au dedans !
Heureux les yeux qui , fermés aux choses extérieures, ne contemplent que les intérieures !
Heureux ceux qui pénètrent les mystères que le coeur recèle, et qui par des exercices de chaque jour, tâchent de se préparer de plus en plus à comprendre les secrets du Ciel !
Heureux ceux dont la joie est de s'occuper de Dieu, et qui se dégagent de tous les embarras du siècle !
Considère ces choses, ô mon âme ! et ferme la porte de tes sens, afin que tu puisses entendre ce que le Seigneur Ton Dieu dit en toi .

2. Voici ce que dit ton Bien aimé:  Je suis votre Salut, votre Paix et votre Vie .
Demeurez près de Moi, et vous trouverez la Paix.
Laissez là tout ce qui passe; ne cherchez que ce qui est éternel..
Que sont toutes les choses du temps... que des séductions vaines ?... et de quoi vous serviront toutes les créatures, si vous êtes abandonné du Créateur ?
Renoncez donc à tout, et occupez-vous de plaire à votre Créateur et de Lui être fidèle, afin de parvenir à la Vraie Béatitude.

 

La Vérité nous parle intérieurement sans bruit de paroles

( Ce paragraphe constitue aussi une prière en lui-même )

Parlez, Seigneur, parce que Votre serviteur écoute ( I Roi. 3,9)
Je suis Votre serviteur, donnez-moi l'intelligence, afin que je sache Vos témoignages (Ps 118, 125 ).
Inclinez mon coeur aux paroles de Votre bouche; qu'elles tombent sur lui comme une douce rosée ( Ps 118, 36; Deuter. 32,12 ).
Les enfants d'Israël disaient autrefois à Moïse: Parlez-nous, et nous vous écouterons; mais que le Seigneur ne nous parle point, de peur que nous ne mourions ( Exod. 20, 19 ).
Ce n'est pas là, Seigneur, ce n'est pas là ma prière... mais au contraire je Vous implore comme le prophète Samuel, avec un humble désir, disant: Parlez, Seigneur, parce que Ton serviteur écoute ( I Roi. 3,9 ).
Que Moïse ne me parle point, ni aucun des prophètes; mais
Vous plutôt ! Parlez !... Seigneur mon Dieu, Vous... la Lumière de tous les Prophètes, et l'Esprit qui les inspirait....Sans eux, Vous pouvez seul pénétrer toute mon âme de votre Vérité... et sans Vous ils ne pourraient rien !

2. Ils peuvent prononcer des paroles, mais non les rendre efficaces.
Leur langage est sublime... mais si Vous vous taisez, il n'échauffe point le coeur.
Ils exposent la lettre... mais Vous en découvrez le sens.
Ils proposent les mystères... mais Vous rompez le sceau qui en dérobait l'intelligence.
Ils publient Vos commandements... mais vous aidez à les accomplir.
Ils montrent la Voie... mais Vous donnez des forces pour marcher.
Ils n'agissent qu'au dehors... mais Vous éclairez et instruisez les coeurs.
Ils arrosent extérieurement... mais Vous donnez la fécondité.
Leurs paroles frappent l'oreille... mais Vous ouvrez l'intelligence.

3. Que Moïse donc ne me parle point... mais Vous, Seigneur , mon Dieu, éternelle Vérité... Parlez-moi de peur que je ne meure, et que je n'écoute sans fruit, si, averti seulement au dehors, je ne suis pas intérieurement embrasé... de peur que je ne trouve ma condamnation dans Votre Parole...
entendue sans être accomplie...
connue sans être aimée...
crue sans être observée...

Parlez-moi donc, Seigneur, parce que Votre serviteur écoute... Vous avez les paroles de la Vie Eternelle ( I Roi. 3,9 ; Jean. 6, 69 ).
Parlez-moi pour consoler un peu mon âme... pour m'apprendre à réformer un peu ma vie...
Parlez-moi pour la louange, la gloire, l'honneur éternel de Votre Nom  !

 

Il faut écouter les paroles de Dieu avec humilité, et plusieurs ne s'y arrêtent pas assez

J.C.

Mon fils, écoutez Mes paroles, paroles pleines de douceur, et qui surpassent toute la science des philosophes et des sages du monde.
Mes paroles sont Esprit et Vie ( Jean 6,64 )... et l'on n'en doit pas juger selon le sens humain.
Il ne faut pas en tirer une vaine complaisance... mais les écouter en silence... et les recevoir avec humilité profonde et un ardent amour.

2.

Le F.

Et j'ai dit: Heureux celui que Vous instruisez, Seigneur, et à qui Vous enseignez Votre Loi, afin de lui adoucir les jours mauvais, et de ne le point laisser sans consolation sur la terre ( Ps 93).

3.

J.C.

C'est Moi qui ai, dès le commencement, instruit les prophètes, dit le Seigneur... et jusqu'à présent même Je ne cesse point de parler à tous, mais plusieurs sont endurcis et sourds à Ma Voix.
Le plus grand nombre écoute le monde de préférence à Dieu... ils aiment mieux suivre les désirs de la chair que d'obéir à la Volonté divine.
Le monde promet peu de chose, et des choses qui passent... et on le sert avec une grande ardeur...
Moi, Je promets des biens immenses, éternels... et le coeur de l'homme reste froid !
Qui Me sert et M'obéit en toutes choses avec autant de soin qu'on sert le monde et les maîtres du monde ?
Rougis, Sidon, dit la mer ( Is.23,4 )... et si tu en demandes la cause, Ecoute ! voici pourquoi:
Pour un petit avantage, on entreprend une longue route... et pour la Vie éternelle en trouve-t-on un qui veuille faire un pas ?...
On recherche le plus vil gain ; on plaide honteusement quelquefois pour une pièce de monnaie... sur une légère promesse et pour une chose de rien on ne craint pas de se fatiguer le jour et la nuit !
Mais, ô honte ! Pour un bien immuable... pour une récompense infinie... pour un honneur suprême et une gloire sans fin... on ne saurai se résoudre à la moindre fatigue !

4. Serviteur paresseux et toujours murmurant, Rougis donc de ce qu'il y ait des hommes plus ardents à leur perte que tu ne l'es à te sauver, !...et pour qui la vanité a plus d'attrait que n'en a pour toi la Vérité !
Et cependant ils sont souvent abusés par leurs espérances... tandis que Ma Promesse ne trompe point, et que
jamais Je ne me refuse à celui qui se confie en Moi !
Ce que J'ai promis, Je le donnerai ... ce que J'ai dit, Je l'accomplirai... si toutefois on demeure avec Moi dans Mon Amour jusqu'à la fin !
C'est Moi qui récompense les bons, et qui éprouve fortement les justes !

5. Gravez Mes Paroles dans votre coeur, et méditez les profondément... car à l'heure de la tentation, elles vous seront très nécessaires.
Ce que vous n'entendez pas en le lisant, vous le comprendrez au jour de Ma visite.
J'ai coutume de visiter mes élus de deux manières:
par la tentation et par la consolation.
Et tous les jours Je leur donne deux leçons: l'une en les reprenant de leurs défauts, l'autre en les exhortant à avancer dans la Vertu.
Celui qui reçoit Ma Parole et la méprise sera jugé par elle au dernier jour ( Jean 12,48 ).

Prière pour demander la Grâce de la dévotion

6.

Le F.

Seigneur mon Dieu, vous êtes tout mon bien: et qui suis-je pour oser Vous parler ?
Je suis le plus pauvre de Vos serviteurs, et un abject ver de terre, beaucoup plus pauvre et plus méprisable que je ne sais et que je n'ose dire.
Souvenez-vous cependant Seigneur, que je ne suis rien, que je n'ai rien, que je ne puis rien .
Vous êtes seul Bon, Juste et Saint; Vous pouvez tout, Vous donnez tout, Vous remplissez tout, hors le pécheur que Vous laissez vide.
Souvenez-Vous de Vos miséricordes ( Ps 24) et remplissez mon coeur de Votre Grâce, Vous qui ne voulez point qu'aucun de Vos ouvrages demeure vide.

7. Comment puis-je en cette misérable vie, porter le poids de moi-même, si Votre miséricorde et Votre Grâce ne me fortifient ?
Ne détournez pas de moi Votre Visage... ne différez pas à me visiter... ne me retirez point Votre consolation, de peur que, privée de Vous, mon âme ne devienne comme une terre sans eau ( Ps 142 ).
Seigneur, apprenez-moi à faire Votre Volonté ( Ps 142 )... Apprenez-moi à vivre d'une vie humble et digne de Vous.
Car Vous êtes ma Sagesse, Vous me connaissez dans la Vérité, et Vous m'avez connu avant que je fusse au monde, et avant même que le monde fût.

 

Il faut vivre devant Dieu dans la Vérité et l'Humilité

J.C.

Mon fils, marchez devant Moi dans la Vérité et cherchez-Moi toujours dans la simplicité de votre coeur.
Celui qui marche devant Moi dans la Vérité ne craindra nulle attaque; la Vérité le délivrera des calomnies et des séductions des méchants.
Si la Vérité vous délivre, vous serez vraiment libre, et
peu vous importeront les vains discours des hommes.

2.

Le F.

Seigneur, celà est vrai: qu'il me soit fait, de grâce , selon Votre Parole.
Que Votre Vérité m'instruise, qu'elle me défende, qu'elle me conserve jusqu'à la fin dans la
Voie du Salut.
Qu'elle me délivre de tout désir mauvais, de toute affection déréglée... et je marcherai devant Vous dans une grande liberté de coeur.

3.

J.C.

La Vérité , c'est Moi !
Je vous enseignerai ce qui est bon, ce qui M'est agréable.
Rappelez-vous vos péchés avec une
grande douleur et un profond regret... et ne pensez jamais être quelque chose, à cause du bien que vous faites.
Car, sans la Vérité, vous n'êtes qu'un pécheur, sujet à beaucoup de passions, et engagé dans leurs liens.
De vous même vous
tendez toujours au néant... un rien vous ébranle, un rien vous abat, un rien vous trouble et vous décourage.
Qu'avez-vous dont vous puissiez vous glorifier ?  et que de motifs au contraire pour vous mépriser vous-même !  car vous êtes beaucoup plus infirme que vous ne sauriez le comprendre.

4. Que rien de ce que vous faites ne vous paraisse donc quelque chose de grand...
Mais plutôt, à vos yeux que rien ne soit grand, précieux, admirable, élevé, digne d'être estimé, loué, recherché,
que ce qui est Eternel.
Aimez par dessus toute chose l'Eternelle Vérité, et n'ayez jamais que du mépris pour votre extrême bassesse.
N'appréhendez rien tant, ne blâmez et ne fuyez rien tant, que
vos péchés et vos vices... ils doivent vous affliger plus que toutes les pertes du monde !
Il y en a qui ne marchent pas devant Moi avec un coeur sincère... mais, guidés par une certaine curiosité présomptueuse, ils veulent découvrir les secrets ...et pénétrer les profondeurs de Dieu, tandis qu'ils négligent de s'occuper d'eux-mêmes et de leur Salut...
Ceux-là tombent souvent, à cause de
leur orgueil et de leur curiosité, en de grandes tentations et de grandes fautes, parce que Je me sépare d'eux !

5. Craignez les Jugements de Dieu... redoutez la colère du Tout-puissant... ne scrutez point les oeuvres du Très-Haut, mais sondez vos iniquités, le mal que tant de fois vous avez commis, le bien que vous avez négligé...
Plusieurs mettent toute leur dévotion en des livres, d'autres en des images, d'autres en des signes et des marques extérieures.
Quelques-uns M'ont souvent dans la bouche, mais peu dans le coeur !
Il en est d'autre qui, éclairés et purifiés intérieurement, ne cessent d'aspirer aux biens éternels, ont à dégoût les entretiens de la terre et ne s'assujettissent qu'à regret aux nécessités de la nature.
Ceux-là entendent ce que l'Esprit de Vérité dit en eux.
Il leur apprend à mépriser ce qui passe, à aimer ce qui dure éternellement, à oublier le monde, et à désirer le Ciel, le jour et la nuit.

 

Des merveilleux effets de l'Amour Divin

( les paragraphes 1 et 2 sont prières )

Le F.

Je vous bénis, Père céleste, Père de Jésus-Christ mon Seigneur, parce que Vous avez daigné Vous souvenir de moi,...pauvre créature.
O Père de miséricorde et Dieu de toute consolation ( II Cor. 1,3 ) je Vous rends grâces de ce que, tout indigne que j'en suis, Vous voulez bien cependant quelquefois me consoler.
Je Vous bénis à jamais, et je Vous glorifie avec Votre Fils unique et Votre Esprit consolateur, dans les siècles des siècles.
O Seigneur mon Dieu, Saint objet de mon amour ! Quand Vous descendrez dans mon coeur, toutes mes entrailles tressailliront de Joie !
Vous êtes ma Gloire et la Joie de mon coeur !
Vous êtes mon Espérance et mon Refuge au jour de la tribulation.

2. Mais parce que mon amour est encore faible et ma vertu chancelante, j'ai besoin d'être fortifié et consolé par Vous: Visitez- moi donc souvent, et Dirigez-moi par Vos divines instructions.
Délivrez-moi des passions mauvaises, et retranchez de mon coeur toute ses affections déréglées, afin que guéri et purifié intérieurement, je devienne propre à Vous aimer, fort pour souffrir, ferme pour persévérer.

3. C'est quelque chose de grand que l'Amour, et un bien au dessus de tous les biens ! Seul, il rend léger ce qui est pesant, et fait que l'on supporte avec une âme égale toutes les vicissitudes de la vie.
Il porte son fardeau sans en sentir le poids, et rend doux ce qu'il y a de plus amer.
L'Amour de Jésus est généreux: Il fait entreprendre de grandes choses, et Il excite toujours à ce qu'il y a de plus parfait.
L'Amour aspire à s'élever et ne se laisse arrêter par rien de terrestre.
L'Amour veut être libre et dégagé de toute affection du monde, afin que ses regards pénètrent jusqu'à Dieu sans obstacle, afin qu'Il ne soit ni retardé par les biens, ni abattu par les maux du temps.
Rien n'et plus doux que l'Amour, rien est plus fort, plus élevé, plus étendu, plus délicieux; il n'est rien de plus parfait ni de meilleur au Ciel et sur la terre, parce que l'Amour est né de Dieu, et qu'Il ne peut se reposer qu'en Dieu, au dessus de toutes les créatures.

4. Celui qui aime court, vole; il est dans la Joie, il est Libre et rien ne l'arrête !
Il donne tout pour posséder Tout... et il possède Tout en toutes choses, parce qu'au-dessus de toutes choses il se repose dans le seul Etre Souverain, de qui tout bien procède et découle...
Il ne regarde pas aux dons... mais  s'élève au dessus de tous les biens, jusqu'à Celui qui donne.
L'Amour souvent ne connaît point de mesure... mais comme l'eau qui bouillonne, il déborde de toutes parts.
Rien ne lui pèse, rien ne lui coûte... il tente plus qu'il ne peut... jamais il ne prétexte l'impossibilité, parce qu'il se croit tout possible et tout permis.
Et à cause de celà il peut tout, et il accomplit beaucoup de choses qui fatiguent et qui épuisent vainement celui qui n'aime point.

5. L'Amour veille sans cesse, dans le sommeil même il ne dort point !
Aucune fatigue ne le lasse, aucun lien ne l'appesantit, aucune frayeur ne le trouble... mais telle qu'une flamme vive et pénétrante, il s'élance vers le ciel, et s'ouvre un sûr passage à travers tous les obstacles.
Si quelqu'un m'aime , il entend ce que dit cette Voix !
L'ardeur même d'une âme embrasée s'élève jusqu'à Dieu comme un grand cri: Mon Dieu ! mon Amour ! 
Vous êtes tout à moi ...et je suis tout à Vous !

6. Dilatez-moi dans l'Amour ! afin que j'apprenne à goûter au fond de mon coeur combien il est doux d'aimer, et de se fondre et de se perdre dans l'Amour...
Que l'Amour me ravisse et m'élève
au-dessus de moi-même par la vivacité de ses transports.
Que je chante le cantique de l'Amour, que je vous suive, ô mon Bien-Aimé, jusque dans les hauteurs de Votre Gloire... que toutes les forces de mon âme s'épuisent à Vous louer, et qu'elle défaille de Joie et d'Amour !
Que je Vous aime plus que moi ! Que je ne m'aime moi-même que pour Vous !... et que j'aime en Vous tous ceux qui vous aiment véritablement, ainsi que l'ordonne la loi de l'Amour que nous découvrons dans Votre Lumière.

7. L'Amour est prompt, sincère et pieux, doux, prudent, fort, patient,fidèle, constant, magnanime, et il ne se recherche jamais... car dès que l'on commence à se rechercher soi-même, à l'instant on cesse d'aimer.
L'Amour est circonspect, humble et droit, sans mollesse, sans légèreté... il ne s'occupe point de choses vaines; il est sobre, chaste, ferme, tranquille et toujours attentif à veiller sur les sens.
L'Amour est obéissant et soumis aux supérieurs... il est vil et méprisable à ses yeux. Dévoué à Dieu sans réserve, et toujours plein de reconnaissance, il ne cesse point de se confier en Lui, d'espérer en Lui, lors même qu'il semble en être délaissé, parce qu'on
ne vit point sans douleur dans l'Amour...

8. Qui n'est pas prêt à tout souffrir et à s'abandonner entièrement à la Volonté de son Bien-Aimé, ne sait pas ce que c'est que d'aimer !
Il faut que celui qui aime embrasse avec Joie tout ce qu'il y a de plus dur et de plus amer pour son Bien-Aimé... et qu'aucune traverse ne le détache de Lui !

 

De l'épreuve du véritable Amour

J.C.

Mon fils, votre amour n'est encore ni assez fort ni assez éclairé.

Le F.

Pourquoi, Seigneur ?

J.C.

Parce qu'à la moindre contrariété vous laissez là l'oeuvre commencée... et que vous recherchez trop avidement les consolations.
Celui qui aime fortement demeure ferme dans la tentation et ne cède point aux suggestions artificieuses de l'ennemi. Dans le mauvais comme dans le bon succès, son coeur est également à Moi.

2. Celui dont l'Amour est éclairé considère moins le don de Celui qu'il aime que l'Amour de Celui à qui il donne.
L'affection le touche plus que le bienfait, et il préfère son Bien-Aimé à tout ce qu'il reçoit de lui.
Celui qui M'aime d'un Amour généreux ne se repose pas dans Mes dons,
mais en Moi, par dessus tous Mes dons.
Ne croyez pas tout perdu cependant s'il vous arrive de sentir, pour Moi ou pour Mes Saints, moins d'amour que vous ne voudriez.
Cet Amour tendre et doux que vous éprouvez quelquefois est l'effet de la Présence de la Grâce, et une sorte d'avant-goût de la Patrie Céleste... il n'y faut pas chercher trop d'appui, parce qu'il passe comme il est venu.

3. Ne vous troublez donc point des fantômes, quels qu'ils soient, qui obsèdent votre imagination.
Conservez une
résolution ferme, et une intention droite devant Dieu.
Ce n'est point une illusion, si quelquefois vous êtes soudain ravi en extase, et qu'aussitôt vous retombiez dans les pensées misérables qui occupent d'ordinaire votre coeur.
Car vous souffrez alors plus que vous n'agissez... et tant qu'elles vous déplaisent et que vous résistez, c'est
un mérite et non point une chute.

4. Sachez que l'antique ennemi s'efforce d'étouffer vos bons désirs et de vous éloigner de tout pieux exercice, du culte des Saints, de la méditation de Mes Douleurs et de Ma Mort, du souvenir si utile de vos péchés, de l'attention à veiller sur votre coeur, et du ferme propos d'avancer dans la Vertu.
Il vous suggère mille pensées mauvaises, pour vous causer du trouble et de l'ennui, pour vous détourner de la Prière et des lectures Saintes.
Une humble confession lui déplaît, et, s'il pouvait il vous éloignerait tout à fait de la communion.
Ne le croyez point et n'ayez de lui aucune appréhension, quoiqu'il vous tende souvent des pièges pour vous surprendre.
Rejetez sur lui seul les pensées criminelles et honteuses qu'il vous inspire, dites-lui:
"Va, esprit immonde; rougis malheureux ! Il faut que tu sois étrangement pervers pour me tenir un pareil langage ! "
"Retire-toi de moi, détestable séducteur ! tu n'auras jamais en moi aucune part; mais Jésus sera près de moi comme un guerrier formidable, et tu demeureras confondu".
"J'aime mieux mourir et souffrir tous les tourments que de consentir à ce que tu me proposes."
Tais-toi, ne me parle plus (Marc. 4,39) ; je ne t'écouterai pas davantage, quoique tu fasses pour m'inquiéter. Le Seigneur est ma Lumière et mon Salut: que craindrais-je ? ( Ps.36) .
Quand une armée se rangerait en bataille contre moi, mon coeur ne craindrait pas ( Ps 36). Le Seigneur est mon aide et mon Rédempteur ( Ps 18 ) !

5. Combattez comme un généreux soldat... et si quelquefois vous succombez par fragilité, reprenez un courage plus grand, dans l'Espérance d'être soutenu par une Grâce plus forte... et gardez-vous surtout de la vaine complaisance et de l'orgueil !
C'est ainsi que plusieurs s'égarent et tombent dans un aveuglement presque incurable.
Que la chute de ces superbes qui présumaient follement d'eux-mêmes vous soit une leçon continuelle de
vigilance et d'humilité.

 

Il faut cacher humblement les grâces que Dieu nous fait

J.C.

Mon fils, lorsque la Grâce vous inspire des mouvements de piété, il est meilleur pour vous et plus sûr de tenir cette Grâce cachée, de ne vous en point élever, d'en parler peu et de ne pas vous exagérer sa grandeur... mais plutôt de vous mépriser vous-même, et de craindre une faveur dont vous étiez indigne.
Il ne faut pas s'attacher trop à un sentiment qui bientôt peut se changer en sentiment contraire.
Quand la Grâce vous est donnée, songez combien vous êtes
pauvre et misérable sans la Grâce....
Le progrès de la vie spirituelle ne consiste pas seulement à jouir des consolations de la Grâce, mais à en
supporter la privation avec humilité, avec abnégation, avec patience; de sorte qu'alors on ne se relâche point dans l'exercice de la prière et qu'on abandonne aucune de ses pratiques accoutumées.
Faites, au contraire, tout ce qui est en vous le mieux que vous pourrez, selon vos lumières... et ne vous négligez pas entièrement vous-même, à cause de la sécheresse et de l'angoisse que vous sentez en votre âme.

2. Car il y en a beaucoup qui, au temps de l'épreuve, tombent aussitôt dans l'impatience ou le découragement...
Cependant la Voie de l'homme n'est pas toujours en son pouvoir ( Jer.10,23) !
C'est à
Dieu de consoler et de donner quand Il veut, autant qu'Il veut, et à qui Il veut, comme Il lui plaît et non davantage !
Des indiscrets se sont perdus par la Grâce même de la dévotion, parce qu'ils ont voulu faire plus qu'ils ne le pouvaient... ne mesurant point leur faiblesse... mais suivant plutôt l'impétuosité de leur coeur que le jugement de la raison....
Et parce qu'ils ont aspiré, dans leur présomption, à un état plus élevé que celui où Dieu
les voulait, ils ont promptement perdu la Grâce....
Ils avaient placé leur demeure dans le Ciel, et tout à coup on les a vu pauvres et délaissés dans leur misère, afin que, par l'humiliation et le dénuement, ils apprissent à ne plus tenter de s'élever
sur leurs propres ailes... mais à se réfugier sous les Miennes.
Ceux qui sont encore nouveaux et sans expérience dans les Voies de Dieu peuvent aisément s'égarer et se briser sur les écueils... s'ils ne se laissent conduire par des personnes prudentes.

3. Que s'ils veulent suivre leur sentiment plutôt que de croire à l'expérience des autres, le résultat leur en sera funeste, si toutefois ils s'obstinent dans leur propre sens.
Rarement ceux qui sont sages à leurs yeux se laissent humblement conduire par les autres.
Il vaut mieux être humble avec un esprit et des lumières bornés... que de posséder des trésors de sciences et de se complaire en soi-même.
Il vaut mieux pour vous, avoir peu, que beaucoup ,dont vous pourriez vous enorgueillir.
Celui-là manque de prudence qui se livre tout entier à la Joie... oubliant son indigence passée... et cette
chaste crainte du Seigneur, qui appréhende de perdre la Grâce reçue.
C'est aussi manquer de vertu que de se laisser aller à un
découragement excessif au temps de l'adversité et de l'épreuve, et d'avoir des pensées et des sentiments indignes de la confiance qu'on Me doit !

4. Celui qui, durant la Paix, a trop de sécurité, se trouve souvent, pendant la guerre, le plus timide et le plus lâche.
Si, ne présumant jamais de vous-même, vous saviez toujours demeurer humble, modérer et régler les mouvements de votre esprit, vous ne tomberiez pas si vite dans le péril et dans le péché.
C'est une pratique sage que de penser, durant la ferveur, à ce qu'on sera dans la privation de la Lumière.
Et quand vous en êtes en effet privé... songez qu'elle peut revenir, et que Je ne vous l'ai retirée pour un temps qu'en vue de Ma gloire, et pour
exciter votre vigilance .

5. Souvent une telle épreuve vous est plus utile que si tout vous succédait constamment selon vos désirs.
Car, pour juger du mérite, on ne doit pas regarder si quelqu'un a beaucoup de visions ou de consolations,...ou s'il est habile dans l'Ecriture Sainte... ou s'il occupe un rang élevé.
Mais s'il est affermi dans la
Véritable Humilité, et rempli de la Charité divine... s'il cherche en tout et toujours uniquement la Gloire de Dieu... s'il est bien convaincu de son néant... s'il a pour lui-même un mépris sincère, et s'il se réjouit plus d'être méprisé des autres et humilié par eux que d'en être honoré !

 

Il faut s'anéantir soi-même devant Dieu

(Prière)

Le F.

Je parlerai au Seigneur mon Dieu, bien que je ne sois que cendre et poussière (Gen. 18, 27 ). Si je me crois quelque chose de plus, voilà que Vous Vous élevez contre moi; et mes iniquités rendent un témoignage Vrai et que je ne puis contredire.
Mais si je m'abaisse, si je m'anéantis, si je me dépouille de toute estime pour moi-même, et que je rentre dans la poussière dont j'ai été formé, Votre Grâce s'approchera de moi, et Votre Lumière sera près de mon coeur;...alors tout sentiment d'estime, même le plus léger, que je pourrais concevoir de moi, disparaîtra pour jamais dans l'abîme de mon néant .
Là ,Vous me montrerez à moi-même...
Vous me faites voir ce que je suis, ce que j'ai été, jusqu'où je suis descendu: car je ne suis rien, et je ne le savais pas ( Ps 82).
Si Vous me laissez à moi-même, que suis-je ? Rien qu'infirmité...
mais dès que Vous jetez un regard sur moi, à l'instant je deviens fort, et je suis rempli d'une Joie nouvelle !
Cela me confond d'étonnement que Vous me releviez ainsi tout d'un coup, et me preniez avec tant de bonté entre Vos bras,...moi toujours entraîné par mon propre poids vers la terre....

2. C'est Votre amour qui opère cette merveille, qui me prévient gratuitement, qui ne se lasse point de me secourir dans mes nécessités, qui me préserve des plus grands périls, et , à vrai dire me délivre de maux innombrables.
Car je me suis perdu en m'aimant... d'un amour déréglé...
mais en ne cherchant que Vous, en n'aimant que Vous, je Vous ai trouvé ...et je me suis retrouvé moi-même...
l'Amour m'a fait rentrer plus avant dans mon néant!
O Dieu plein de tendresse, Vous faites pour moi beaucoup plus que je ne mérite, ou plus que je n'oserais espérer et demander !

3. Soyez béni, mon Dieu, de ce que tout indigne que je suis de recevoir de Vous aucune grâce , cependant Votre bonté généreuse et infinie ne cesse de faire du bien même aux ingrats, et à ceux qui se sont le plus éloignés de Vous.
Ramenez-nous à Vous, afin que nous soyons reconnaissants, humbles, fervents, parce que Vous êtes notre Salut, notre Vertu et notre Force.
AMEN !

 

Il faut rapporter tout à Dieu comme à notre dernière  fin

J.C.

Mon fils, Je dois être votre fin suprême et dernière, si véritablement vous désirez être heureux.
Cette vue purifiera vos affections, qui s'abaissent trop souvent jusqu'à vous et aux créatures.
Car si vous vous recherchez en quelque chose, aussitôt vous tombez dans la langueur et la sécheresse.
Rapportez donc principalement tout à Moi, parce que c'est Moi qui
vous ai tout donné.
Considérez chaque bien comme découlant du souverain bien, et songez que dès lors ils doivent tous remonter à Moi comme à leur origine.

2. En Moi, comme dans une Source intarissable, le petit et le grand, le pauvre et le riche, puisent l'Eau Vive, et ceux qui me servent volontairement et de coeur recevront grâces sur grâces.
Mais celui qui cherchera sa gloire hors de Moi, ou sa jouissance dans un autre bien que Moi, n'aura pas une Joie Vraie ni solide, et son coeur toujours à la gêne, toujours à l'étroit, ne trouvera que des angoisses.
Ne vous attribuez donc aucun bien, et n'attribuez à nul homme sa vertu; mais rendez tout à Dieu, sans qui l'homme n'a rien.
C'est Moi qui vous ai tout donné, et Je veux que vous vous donniez à Moi tout entier: J'exige avec une extrême rigueur les actions de grâces qui me sont dues.

3. Ceci est la Vérité qui dissipe la vanité de la gloire.
Là où pénètrent la Grâce Céleste et la Vraie Charité, il n'y a plus de place pour l'amour-propre ni pour l'envie qui torture le coeur.
Car l'Amour Divin subjugue tout et agrandit toutes les forces de l'âme.
Si vous écoutez la Sagesse, vous ne vous réjouirez qu'en Moi, vous n'espérerez qu'en Moi, parce que nul n'est bon que Dieu seul, à qui en tout et par dessus tout, est due à jamais la louange et la bénédiction.

 

Ayant renoncé au monde il est doux de servir Dieu

( Prière)

Le F.

Je vous parlerai encore Seigneur, et je ne me tairai point. Je dirai à mon Dieu, mon Seigneur et mon Roi, assis dans les hauteurs des Cieux: Oh! quelle abondance de douceur Vous avez réservée pour ceux qui vous craignent ( Ps 30 ) !  et qu'est-ce donc pour ceux qui Vous aiment, pour ceux qui Vous servent de tout leur coeur ?
Elles sont vraiment ineffables, les délices dont Vous inondez ceux qui vous aiment, quand leur âme Vous contemple.
Vous m'avez montré principalement en ceci toute la tendresse de Votre Amour; je n'étais pas , et Vous m'avez créé; j'errai loin de Vous, Vous m'avez ramené pour Vous servir, et Vous m'avez commandé de Vous aimer.

2. O Source d'Amour éternel, que dirai-je de Vous ?
Comment pourrais-je Vous oublier, Vous qui avez daigné Vous souvenir de moi lorsque, déjà épuisé, consumé, je penchais vers la mort ?
Votre miséricorde envers votre serviteur a passé toute espérance; et Vous avez répandu sur lui Votre Grâce et Votre Amour bien au delà de tout ce qu'il pouvait mériter.
Que Vous rendrai-je pour une telle faveur ? car il n'est pas donné à tous de tout quitter, de renoncer au siècle pour embrasser la vie religieuse ?
Est-ce faire beaucoup, que de Vous servir, Vous que doivent servir toutes les créatures ?
Cela doit me sembler peu de chose; mais ce qui me paraît grand et merveilleux, c'est que Vous daigniez agréer le service d'une créature si pauvre et si misérable, et l'admettre parmi les serviteurs que Vous aimez.

3. Tout ce que j'ai, tout ce que je puis consacrer à Votre service est à Vous.
Et néanmoins, prenant, pour ainsi dire ma place, Vous me servez plus que moi-même   je ne Vous sers.
Voilà que le ciel et la terre que Vous avez créé pour le service de l'homme, sont devant Vous, et chaque jour ils exécutent tout ce que Vous leur avez commandé.
C'est peu encore: Vous avez préparé pour l'homme le ministère même des anges.
Mais ce qui surpasse tout, Vous avez daigné le servir Vous-même, et Vous avez promis de Vous donner à lui !

4. Que Vous rendrai-je pour tant de biens ? Ah! si je pouvais Vous servir tous les jours de ma vie ! si je pouvais même un seul jour Vous servir dignement !
Il est bien vrai que Vous êtes digne d'être servi universellement, digne de tout honneur et d'une louange éternelle.
Vous êtes vraiment mon Seigneur!... et je suis Votre pauvre serviteur, qui doit Vous servir de toutes mes forces, et ne me lasser jamais de Vous louer.
Je le veux ainsi, je le désire ainsi: daignez suppléer Vous-même à tout ce qui me manque.

5. C'est un grand honneur, une grande gloire de Vous servir et de mépriser tout à cause de Vous.
Car ils recevront des grâces abondantes, ceux qui se courbent volontairement sous Votre joug très Saint.
Ils seront abreuvés de la délectable consolation de l'Esprit Saint, ceux qui pour Votre Amour auront rejeté tous les plaisirs des sens.
Ils jouiront d'une grande liberté d'esprit, ceux qui, pour la gloire de Votre Nom, seront entrés dans la Voie étroite, et auront renoncé à toutes les sollicitudes du monde.

6. O aimable et douce servitude de Dieu, dans laquelle l'homme retrouve la Vraie Liberté et la Sainteté !
O Saint assujettissement de la vie religieuse, qui rend l'homme agréable à Dieu, égal aux anges, terrible aux démons, respectable à tous les fidèles !
O esclavage digne à jamais d'être désiré, embrassé, puisqu'il nous mérite le souverain bien, et nous assure une Joie éternelle !

 

Il faut examiner et modérer les désirs du coeur

J.C.

Mon fils, il faut que vous appreniez beaucoup de choses que vous ne savez pas encore assez.

2.

Le F.

Quoi, Seigneur ?

3.

J.C.

Vous devez soumettre entièrement vos désirs à Ma Volonté, ne point vous aimer vous-même, et ne rechercher en tout que ce qui Me plaît.
Souvent vos désirs s'enflamment et vous emportent impétueusement; mais considérez si cette ardeur a Ma gloire pour motif, ou votre intérêt propre.
Si c'est Moi que vous avez en vue, vous serez content, quoique j'ordonne... mais si quelque secrète recherche de vous-même se cache au fond de votre coeur, voilà ce qui vous abat et vous trouble.

4. Prenez donc garde à ne vous pas trop attacher à des désirs sur lesquels vous ne m'avez point consulté, de peur qu'ensuite vous ne veniez à vous repentir, ou que vous éprouviez du dégoût pour ce qui vous avait plu d'abord, et que vous aviez cru le meilleur.
Car tout mouvement qui parait bon ne doit pas être aussitôt suivi: de même qu'on ne doit pas céder sur le champ à ses répugnances.
Quelquefois il est à propos de modérer le zèle le plus saint et les meilleurs désirs, de peur qu'ils ne préoccupent et ne distraient votre esprit: ou qu'en les suivant indiscrètement vous ne causiez du scandale aux autres; ou qu'enfin l'opposition que vous y trouverez ne vous jette vous-même dans le trouble et dans l'abattement.

5. Il faut aussi quelquefois user de violence, et résister aux convoitises des sens avec une grande force, sans prendre garde à ce que veut la chair et à ce qu'elle ne veut pas, et travailler surtout à la soumettre à l'esprit malgré elle.
Il faut la châtier et l'asservir, jusqu'à ce que, prête à tout, elle ait appris à se contenter de peu, à aimer les choses les plus simples, et à ne jamais se plaindre de rien.

 

Il faut acquérir de la patience et lutter contre ses passions

Le F.

Seigneur mon Dieu, je vois combien la patience m'est nécessaire; car cette vie est pleine de contradictions.
Elle ne peut jamais être exempte de douleur et de guerre, quoique je fasse pour avoir la Paix.

2.

J.C.

Il en est ainsi mon fils; mais je ne veux pas que vous cherchiez une paix telle que vous n'ayez ni tentation à vaincre ni contrariétés à souffrir.
Croyez, au contraire, avoir trouvé la Paix, lorsque vous serez exercé par beaucoup de tribulations, et éprouvé par beaucoup de traverses.
Si vous dites que vous ne pouvez supporter tant de souffrances, comment supporterez- vous le feu du purgatoire ?
Afin donc d'éviter les supplices éternels, efforcez-vous d'endurer pour Dieu, avec patience, les maux présents.
Pensez-vous que les hommes du siècle n'aient rien ou que peu à souffrir ?
C'est ce que vous ne trouverez pas, même en ceux qui semblent environnés de plus de délices.

3. Mais ils ont, dites-vous des plaisirs en abondance; ils suivent toutes leurs volontés; et ainsi ils sentent peu le poids de leurs maux ?
Soit, je veux qu'ils aient tout ce qu'ils désirent: combien cela durera-t-il ?
Voilà que les riches du siècle
s'évanouiront comme la fumée, et il ne restera pas même un souvenir de leurs joies passées.
Et, durant leur vie même, ils ne s'y reposent pas sans amertume, sans ennui et sans crainte.
Car, souvent, là même où ils se promettaient la joie, ils rencontrent
le châtiment et la douleur: et avec justice , puisqu'il est juste que l'amertume et l'ignominie accompagnent les plaisirs qu'ils cherchent dans le désordre.

4. Oh !  Que tous ces plaisirs sont courts ! Qu'ils sont faux, criminels, honteux !
Et cependant ces malheureux, enivrés et aveuglés, ne le comprennent point; mais semblables à des animaux sans raison, ils exposent leur âme à la mort pour quelques jouissances misérables dans une vie qui va finir.
Pour vous, mon fils,
ne suivez pas vos convoitises, et détachez-vous de votre volonté. Mettez vos délices dans le Seigneur, et Il vous accordera ce que votre coeur demande ( Eccli.28,30; Ps.36 ).

5. Si vous voulez goûter une véritable Joie et des consolations abondantes, méprisez toutes les choses du monde, repoussez toutes les joies terrestres; et Je vous bénirai, et Je verserai sur vous Mes inépuisables consolations.
Plus vous renoncerez à celles que donnent les créatures, plus les Miennes seront douces et puissantes.
Mais vous ne les goûterez point sans avoir auparavant ressenti quelques tristesses, sans avoir travaillé et combattu.
Une mauvaise habitude vous arrêtera... mais vous la vaincrez par une meilleure.
La chair murmurera... mais elle sera contenue par la ferveur de l'esprit.
L'antique serpent vous sollicitera, vous exercera... mais vous le mettrez en fuite par la prière, et en vous occupant surtout d'un travail utile, vous lui fermerez l'entrée de votre âme.

 

De l'obéissance humble à l'exemple de Jésus Christ

J.C.

Mon fils, celui qui cherche à se soustraire à l'obéissance se soustrait à la Grâce; et celui qui veut posséder quelque chose perd ce qui est à tous.
Quand on ne se soumet pas volontairement et de bon coeur à son supérieur, c'est une marque que la chair n'est pas encore
pleinement assujettie, mais que souvent elle murmure et se révolte.
Apprenez donc à obéir avec promptitude à vos supérieurs, si vous désirez dompter votre chair.
Car l'ennemi du dehors est bien plus vite vaincu quand l'homme n'a pas la guerre au dedans de soi.
L'ennemi le plus terrible et le plus dangereux pour votre âme,
c'est vous, lorsque vous êtes divisé en vous-même.
Il faut que vous appreniez à
vous mépriser sincèrement, si vous voulez triompher de la chair et du sang.
L'amour désordonné que vous avez encore pour vous-même, voilà ce qui vous fait craindre de vous abandonner sans réserve à la volonté des autres.

2. Est-ce donc cependant un si grand effort, que toi, poussière et néant, tu te soumettes à l'homme à cause de Dieu, lorsque Moi, le Tout-Puissant, Moi, le Très-Haut, qui ai tout fait de rien, Je me suis soumis humblement à l'homme à cause de toi !
Je me suis fait le plus humble et le dernier de tous, afin que Mon humilité t'apprît à vaincre ton orgueil.
Poussière, apprends à obéir; apprends à t'humilier, terre et limon, à t'abaisser sous les pieds de tout le monde !
Apprends à briser ta volonté, et à ne refuser aucune dépendance.

3. Enflamme-toi de zèle contre toi-même, et ne souffre pas que le moindre orgueil vive en toi; mais fais-toi si petit, et mets-toi si bas, que tout le monde puisse marcher sur toi et te fouler aux pieds comme la boue des places publiques.
Fils du néant, qu'as-tu à te plaindre? Pécheur couvert d'ignominie, qu'as-tu à répondre,  quelque reproche qu'on t'adresse, toi qui as tant de fois offensé Dieu, tant de fois mérité l'enfer ?
Mais Ma bonté t'a épargné, parce que ton âme a été précieuse devant Moi: Je ne t'ai point délaissé, afin que tu connusses Mon Amour et que Mes bienfaits ne cessassent jamais d'être présent à ton coeur; que tu fusses toujours prêt à te soumettre, à t'humilier et à souffrir les mépris avec patience.

 

Il faut considérer les secrets jugements de Dieu pour ne pas s'enorgueillir du bien qu'on fait

(Prière)

Le F.

Vous faites tourner sur moi Vos jugements, Seigneur, et tous mes os ont tremblé d'épouvante, et mon âme est dans une profonde terreur.
Interdit, effrayé, je considère que les cieux ne sont pas purs à vos yeux ( Job. 15,15).
Si Vous avez trouvé le mal dans Vos anges (Job 4,18) , et si vous ne les avez pas épargnés, que sera-ce de moi ?
Les étoiles tombent du ciel ( Apoc.6,13) : moi, poussière, que dois-je attendre ?
Des hommes dont les oeuvres paraissent louables sont tombés aussi bas qu'on puisse tomber, et j'ai vu ceux qui se nourrissaient du pain des anges faire leurs délices de la pâture des pourceaux.

2. Il n'est donc point de sainteté, Seigneur, si vous retirez Votre Main.
Point de Sagesse qui soit utile, si Vous ne la dirigez plus.
Point de Force qui soit de secours, si Vous cessez de la soutenir.
Point de Chasteté assurée, si Vous n'en prenez la défense.
Point de Vigilance qui nous serve, si Vous ne veillez Vous-même pour nous.
Laissés à nous même nous enfonçons dans les flots et nous périssons: venez-Vous à nous, nous nous relevons et nous vivons.
Car nous sommes chancelants, mais Vous nous affermissez; nous sommes tièdes , mais Vous nous enflammez.

3. Oh ! Que je dois avoir d'humbles et basses pensées de moi-même ! Que je dois estimer peu ce qui paraît de bien en moi !
Oh ! Que je dois m'abaisser profondément, Seigneur, devant Vos jugements impénétrables, où je me perds comme dans un abîme, et je vois que je ne suis que néant, et un pur néant !
O poids immense ! ô mer sans rivages, où je ne trouve rien de moi, où je disparais comme le rien au milieu de tout !
Où donc l'orgueil se cachera-t-il ? où la confiance en sa propre vertu ?
Toute vanité s'éteint dans la profondeur de Vos jugements sur moi.

4. Qu'est-ce que toute chair devant vous ?
L'argile s'élèvera-t-elle contre Celui qui l'a formée ( Is.29,16; 45,9 ) ?
Comment celui dont le coeur est vraiment soumis à Dieu pourrait-il s'enfler d'une louange vaine ?
Le monde entier ne saurait inspirer d'orgueil à celui que la Vérité a soumis a son empire; et jamais il ne sera ému des applaudissements des hommes, celui dont toute l'espérance est affermie en Dieu.
Car ceux qui parlent ne sont rien: ils s'évanouiront avec le bruit de leurs paroles; mais la Vérité du Seigneur demeure éternellement ( Ps 116,2).

 

Ce que nous devons dire et faire quand il s'élève quelque désir en nous

(Prière)

J.C.

Mon fils, dites en toutes choses: Seigneur, qu'il en soit ainsi, si c'est Votre volonté. Seigneur, que celà se fasse en Votre Nom, si Vous devez en être honoré.
Si Vous voyez que celà me soit bon, si Vous jugez que celà me soit utile, alors Donnez-le moi afin que j'en use pour Votre Gloire.
Mais si Vous savez que celà me nuira, ou ne servira point au Salut de mon âme, éloignez de moi ce désir.
Car tout désir n'est pas de l'Esprit Saint, même lorsqu'il paraît bon et juste à l'homme.
Il est difficile de
discerner avec certitude si c'est l'esprit bon ou mauvais qui vous porte à désirer ceci ou cela, ou même votre esprit propre.
Il s'est trouvé à la fin que plusieurs étaient dans l'illusion, qui semblaient d'abord être conduit par le bon esprit.

2. Ainsi tout ce qui se présente de désirable à votre esprit, vous devez le désirer toujours et le demander avec une grande humilité de coeur, et surtout avec une pleine résignation, vous abandonnant à Moi sans réserve, et disant:
Seigneur, vous savez ce qui est le mieux, que ceci ou celà se fasse comme
VOUS LE VOULEZ.
Donnez ce que Vous voulez, autant que Vous le voulez et quand Vous le voulez !
Faites de moi ce qu'il Vous plaira, selon ce que Vous savez être bon, et pour Votre plus grande Gloire.
Placez-moi où Vous voudrez, et disposez absolument de moi en toutes choses.
Je suis dans Votre main, Tournez-moi et Retournez-moi en tous sens à Votre gré.
Voilà que je suis prêt à Vous servir en tout: car je ne désire point vivre pour moi, mais pour Vous seul: heureux si je le pouvais dignement et parfaitement !

3.

Le F.

Accordez-moi, ô bon Jésus, votre Grâce ! Qu'elle soit en moi, qu'elle agisse avec moi (Sap.9,10), et qu'elle demeure avec moi jusqu'à la fin.
Faites que je désire et veuille toujours ce qui Vous est le plus agréable, et ce que Vous aimez le plus.
Que Votre Volonté soit la mienne; et que ma volonté suive toujours la Vôtre, et jamais ne s'en écarte en rien.
Qu'uni à Vous, je ne veuille ni ne puisse vouloir que ce que Vous voulez, et qu'il en soit ainsi de ce que Vous ne voulez pas.
Donnez moi de mourir à tout ce qui est du monde, et d'aimer à être oublié et méprisé du siècle à cause de Vous.
Faites que je me repose en Vous par dessus tout ce qu'on peut désirer, et que mon coeur ne cherche sa paix qu'en Vous.
Vous êtes la véritable Paix du coeur, son unique repos; hors de Vous tout pèse et inquiète. Dans cette Paix, c'est à dire en Vous seul, éternel et souverain Dieu, je dormirai et je me reposerai ( Ps 4,9). Ainsi soit-il.

 

On ne doit chercher qu'en Dieu seul, la Vraie consolation

Le F.

Tout ce que je puis désirer ou imaginer pour ma consolation, je ne l'attends point içi, mais dans l'avenir.
Quand je posséderais seul tous les biens du monde, quand je jouirais seul de tous ses délices, il est certain que tout cela ne durerai pas longtemps.
Ainsi, mon âme, tu ne peux trouver de soulagement véritable et de joie sans mélange qu'en Dieu, qui console les pauvres et relève les humbles.
Attends un peu mon âme, attends la divine promesse, et tu posséderas dans le ciel tous les biens en abondance.
Si tu recherches trop avidement les biens présents, tu perdras les biens éternels et célestes.
Use des uns et désire les autres.
Aucun bien temporel ne saurait te rassasier,
parce que tu n'as point été créé pour en jouir.

2. Quand tu posséderais tous les biens créés, ils ne pourraient te rendre ni heureuse, ni contente: en Dieu qui a tout créé, en LUI SEUL est ta félicité et tout ton bonheur.
Bonheur non pas tel que se le figurent et que le souhaitent les amis insensés du monde, mais tel que l'attendent les Vrais serviteurs de Jésus-Christ, et tel que le goûtent quelquefois par avance les âmes pieuses et les coeurs purs, dont l'entretien est dans le ciel (Philip.2,20).
Toute consolation humaine est vide et dure peu.
La Vraie, la douce consolation est celle que la Vérité fait sentir
intérieurement.
L'homme pieux porte avec lui partout Jésus, son consolateur, et lui dit: Seigneur Jésus soyez près de moi en tout temps et en tout lieu.
Que ma consolation soit d'être volontiers privé de toute consolation humaine.
Et si la Vôtre me manque aussi, que Votre Volonté et cette juste épreuve me soient une consolation au dessus de toutes les autres.
Car Vous ne serez pas toujours irrité et Vos menaces ne seront point éternelles. (Ps. 102,9).

 

Il faut nous confier à Dieu dans tous nos besoins

J.C.

Mon fils, laissez-moi agir avec vous comme il Me plaît; car Je sais ce qui vous est bon.
Vos pensées son celles de l'homme, et vos sentiments sont en beaucoup de choses, conformes aux penchants de son coeur.

2.

Le F.

Il est vrai Seigneur; Vous prenez de moi beaucoup plus de soin que je n'en puis prendre moi même.
Il est menacé d'une prompte chute, celui qui ne s'appuie pas uniquement sur Vous.
Pourvu, Seigneur, que ma volonté demeure droite et qu'elle soit affermie en Vous, faites de moi tout ce qu'il Vous plaira; car tout ce que Vous ferez de moi ne peut être que bon.
Si Vous voulez que je sois dans les ténèbres, Soyez béni; et si Vous voulez que je sois dans la lumière, Soyez encore béni.

3.

J.C.

Mon fils, c'est ainsi que vous devrez être, si vous ne voulez pas vous séparer de Moi.
Il faut que vous soyez préparé à la souffrance autant qu'à la joie, au dénuement et à la pauvreté autant qu'aux richesses et à l'abondance.

4.

Le F.

Seigneur, je souffrirai volontiers pour Vous tout ce que Vous voudrez qui vienne sur moi.
Je veux recevoir indifféremment , de Votre Main, le bien et le mal, les douceurs et les amertumes, la joie et la tristesse, et Vous rendre grâces de tout ce qui m'arrivera.
Préservez-moi à jamais de tout péché, et je ne craindrai ni la mort , ni l'enfer.
Pourvu que Vous ne me rejetiez pas, et que Vous ne m'effaciez pas du Livre de Vie, aucune tribulation ne peut me nuire.

 

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