S'il arrive qu'un notable offre son fils à Dieu dans le monastère et que l'enfant soit
jeune, ses parents dresseront l'acte écrit dont nous avons parlé ci-dessus, 'ils envelopperont
le document et la main de l'enfant avec l'offrande dans la nappe de l'autel. C'est ainsi qu'ils
l'offriront. Quant à leurs biens, ils promettront sous serment dans l'acte en question que jamais
par eux-mêmes, ni par un subrogé tuteur, ni d'aucune manière, ils ne lui donneront ou ne lui
il
fourniront l'occasion d'en posséder quelque chose ou du moins, s'ils ne veulent pas faire
cela et qu'ils tiennent à offrir quelque chose en aumône au monastère comme gratification, 'ils
feront cette donation au monastère, s'en réservant même l'usufruit, s'ils le désirent.
Ainsi
toute issue sera fermée pour qu'il ne reste à
l'enfant aucune arrière-pensée qui puisse le
séduire et le perdre - Dieu l'en préserve! -comme l'expérience nous en a instruits.
Les pauvres feront de même, quant à ceux
qui n'ont rien du tout, ils dresseront simplement
l'acte et offriront leur fils avec l'offrande devant
témoins.
LES PRÊTRES QUI VOUDRAIENT HABITER AU MONASTÈRE
Si un prêtre demande à être reçu au monastère, on ne se pressera pas d'y
consentir. Si toutefois il persiste
dans sa requête, qu'il sache qu'il lui faudra
observer la Règle dans toute sa rigueur et qu'on
n'en relâchera rien pour lui, afin de réaliser ce
qui est écrit: « Ami, pourquoi es-tu venu ? ».
On lui accordera néanmoins de prendre
rang après l'abbé, de bénir et de célébrer la
messe si du moins l'abbé le lui ordonne sinon, il ne se permettra rien du tout, sachant
qu'il est assujetti à la rigueur de la Règle, et il donnera à tous plus que les autres l'exemple de
l'humilité. Et Si jamais il est question dans le monastère d'une nomination ou d'autre chose
il considérera comme sien le rang de son
entrée au monastère et non celui qui lui a été
concédé par déférence pour son sacerdoce.
Si un clerc exprime le même désir d'être
agrégé au monastère, on le placera à un rang
moyen, à condition toutefois qu'il promette, lui
aussi, l'observance de la Règle et sa propre
stabilité.
LA MANIÈRE DE RECEVOIR LES MOINES ÉTRANGERS
Si un moine étranger, arrivant de contrées lointaines, veut habiter comme hôte au
monastère 'et s'il s'accommode des conditions de vie qu'il y trouve sans troubler le monastère
par ses exigences 'mais en se contentant simplement de ce qu'il trouve, il sera reçu aussi
longtemps qu'il le désire. 'Si tout à fait raisonnablement et avec l'humilité de la charité
il fait une critique ou une remarque, l'abbé se
demandera prudemment si le Seigneur ne
l'aurait pas envoyé précisément pour cela. 'Si,
par la suite, il voulait fixer sa stabilité, on ne
repoussera pas un tel vouloir d'autant que, pendant son séjour comme hôte, on a pu juger
de sa vie.
'Si, au contraire, au cours de son séjour, on l'a trouvé exigeant ou dépravé, non seulement il
.
ne doit pas être incorporé au monastère, 'mais
encore on lui dira poliment de s'en aller, pour
que les autres ne soient pas contaminés par sa
misère. Dans le cas où il n'est pas tel qu'on
doive le chasser, s'il le demande, on le recevra
comme membre de la communauté "et on
l'encouragera même à rester, pour que les autres soient édifiés par son exemple "et parce
qu' en tout lieu on sert un seul Seigneur et on
combat pour un même roi. "De plus, celui que
l'abbé aura reconnu digne, il pourra l'élever à
un rang un peu supérieur. "D'ailleurs ce n'est pas seulement un moine, mais aussi l'un des
prêtres ou des clercs dont nous avons parlé que
l'abbé peut établir à un rang plus élevé que
celui de son entrée, s'il a constaté que sa vie le
mérite. Cependant que l'abbé se garde de
jamais recevoir à demeure un moine d'un
monastère connu, sans le consentement de son
abbé ou sans lettre de recommandation, "car il
est écrit: « Ne fais pas à autrui ce que tu ne
veux pas qu'on te fasse. »
LES PRÊTRES DU MONASTÈRE
Si un abbé demande qu'on lui ordonne un prêtre ou un diacre, il choisira parmi les
siens quelqu'un qui soit digne du sacerdoce.
Mais celui qui a reçu l'ordination se gardera de la prétention et de l'orgueil 'et il ne se
permettra rien qui ne lui ait été prescrit par l'abbé, sachant qu'il est bien plus strictement
assujetti aux exigences de la Règle. 'Son sacerdoce ne lui servira pas de prétexte pour
oublier l'obéissance à la Règle et la discipline, mais il progressera de plus en plus en Dieu.
'Il s'en tiendra toujours à son rang d'entrée au monastère, 'en dehors du service de l'autel, et
du cas où le choix de la communauté et la décision de l'abbé l'auraient délibérément
élevé à un rang supérieur en raison du mérite
de sa vie. 'Toutefois il doit savoir qu'il est tenu d'observer lui-même la règle établie pour
le doyens et les prieurs. 'S'il ose agir autrement, il sera traité non en prêtre mais en rebelle ; 'et si
après de fréquents avertissements, il ne se corrige pas, on en appellera à l'évêque. "Et si
même alors il ne s'amendait pas, ses fautes devenant notoires, il sera chassé du monastère
pourvu cependant qu'il soit rebelle au point de refuser de se soumettre et d'obéir à la Règle
Que l'on garde son rang dans le monastère suivant les critères de la date d'entrée et
du mérite de la vie, et selon ce que l'abbé aura décidé. 'L'abbé ne mettra pas le trouble dans le
troupeau qui lui est confié en prenant des
,dispositions injustes, comme s'il jouissait d'un
,pouvoir arbitraire ; 'mais il pensera toujours au ,compte qu'il devra rendre à Dieu de toutes ses
décisions et de tous ses actes.
'C'est donc selon le rang qu'il aura fixé ou qui leur revient que les frères se présenteront à la
paix et à la communion, qu'ils chanteront les Psaumes et se tiendront au choeur ;
et qu'absolument nulle part l'âge ne soit le critère du rang ni un motif de prévention,
car Samuel et Daniel ont jugé des vieillards. Donc, comme nous l'avons dit, à l'exception de ceux que
,l'abbé aura promus pour une raison supérieure
ou qu'il aura dégradés pour des motifs précis,
tous les autres seront à leur rang d'entrée ; ainsi
.par exemple celui qui est venu au monastère à
,7 heures se reconnaîtra plus jeune que celui
.qui est arrivé à 6 heures, quels que soient son
âge et sa dignité. 'Les enfants, eux, seront maintenus en toutes circonstances dans le bon
ordre par tous.
Les jeunes auront donc des égards pour
leurs anciens, et les anciens de l'affection pour
leurs cadets. "Dans l'appellation même, il
sera permis à personne d'en désigner un autre
par son seul nom, mais les anciens appelleront
les plus jeunes « frères », et les jeunes appelleront leurs aînés « révérends », pour signifier
la déférence envers un père. "Quant à l'abbé
étant regardé comme tenant la place du Christ
il sera appelé « dom » et « abbé », non à titre
personnel mais en honneur et par amour du Christ. "Que lui-même y pense et se montre
digne de tels égards.
Partout où les frères se rencontrent, le plus jeune demandera la bénédiction à l'ancien
Au passage d'un ancien, le plus jeune se lèvera et lui donnera place pour s'asseoir ; et
le jeune ne se permettra de s'asseoir avec lui que sur l'invitation de son aîné, "afin d'accomplir
ce qui est écrit : « Se prévenant d'égards les uns
les autres. »
Les jeunes enfants et les adolescents, à l'oratoire et aux repas, garderont leur rang
en bon ordre ; 'mais ailleurs, où qu'ils soient, ils seront tous surveillés et corrigés jusqu'à ce qu'ils
soient parvenus à un âge raisonnable.
LA NOMINATION DE L'ABBÉ
Pour la nomination de l'abbé, on observera toujours ce principe d'instituer celui que se
sera choisi d'un commun accord toute la communauté inspirée par la crainte de Dieu, ou
une majorité même faible de la communauté,
au jugement plus sain . C'est pour le mérite de sa vie et la sagesse de sa doctrine que sera choisi
celui qui doit être nommé, même s'il est le dernier par son rang dans la communauté. 'Si
par malheur, la communauté entière s'entendait pour élire une personne favorable à ses
dérèglements 'et que ce scandale vienne à être connu tant soit peu de l'évêque du diocèse, des abbés
ou des chrétiens du voisinage, 'ils devront empêcher l'accord des méchants de prévaloir et
donner à la maison de Dieu un administrateur qui en soit digne, 'assurés qu'ils en recevront
une bonne récompense s'ils le font par pur zèle de Dieu, et que ce serait au contraire un crime
s'ils négligeaient d'intervenir.
Une fois nommé, l'abbé considérera toujours quelle charge il a reçue et à qui il devra rendre
compte de sa gestion. Il saura qu'il lui faut servir et non asservir. Il doit donc être docte
dans la loi divine pour savoir où puiser « le neuf
et l'ancien ». Qu'il soit chaste, sobre, miséricordieux, et que toujours il fasse prévaloir
la miséricorde sur la justice, pour être traité lui même pareillement.
"Qu'il haïsse les vices,
qu'il aime les frères. "Dans la correction même,
il agira prudemment et « sans rien de trop », de
peur qu'à trop vouloir racler la rouille, le vase
ne se brise ; "il aura toujours devant les yeux sa
propre fragilité et se souviendra qu'il ne faut pas
broyer le roseau fendu. En quoi nous ne
disons pas qu'il laisse croître les vices. Non, il les
retranchera avec prudence et charité, de la
manière qui lui semblera expédiente pour
chacun, comme nous l'avons déjà dit; et il
cherchera plus à être aimé qu'à être redouté
Il ne sera pas agité et anxieux, ni excessif ni obstiné, ni jaloux et soupçonneux, car il
ne
serait jamais en repos.
Dans les ordres qu'il donne, il sera,
prévoyant et circonspect ; et dans ce qu'il
prescrit, qu'il s'agisse de choses de Dieu ou des
choses du monde, il usera de discernement et de mesure, pensant à la discrétion du
saint
patriarche Jacob qui disait : « Si je faisais peiner
davantage mes troupeaux à marcher, ils périraient tous en un jour. »
Attentif à ces témoignages et à d'autres encore sur la discrétion, la mère des vertus, il équilibrera
bien toutes choses que les forts aient à désirer et que les faibles n'aient pas à s'enfuir. "Surtout
qu'il garde en tout la présente Règle, "afin
qu'après avoir bien servi, il entende le Seigneur
lui dire comme au bon serviteur qui avait distribué en temps voulu le froment à
ses compagnons : « En vérité, je vous le dis, il l'a établi sur tous ses biens. »
Trop souvent, certes, il arrive que la nomination d'un prieur provoque des
troubles graves dans les monastères ; car il en
est qui, enflés d'un mauvais esprit d'orgueil et se prenant pour de seconds abbés, s'arrogent un
pouvoir illégitime, fomentent des troubles et créent des dissensions dans les communautés,
surtout là où le prieur est nommé par le même évêque ou les mêmes abbés qui ont institué
l'abbé . Combien cela est absurde, il est aisé de s'en apercevoir, puisque, dès le début, dès sa
nomination, matière lui est donnée à
s'enorgueillir, 'ses pensées lui suggérant qu'il est soustrait au pouvoir de son abbé,
puisque, se dira-t-il, « tu as été nommé par ceux-là mêmes
qui - ont institué l'abbé. » De là surgissent jalousies, querelles, détractions, rivalités,
dissensions, désordres; et, tandis que l'abbé et le prieur sont ainsi opposés l'un à l'autre de
sentiments, leur âme est forcément en danger dans cette discorde
et, chacun flattant ses partisans, les subordonnés vont à leur perte.
De ce péril, le mal est imputable, au premier
'Aussi nous semble-t-il expédient, pour la
sauvegarde de la paix et de la charité, qu'il
dépende de l'abbé d'organiser à son gré son
monastère, et si faire se peut, comme nous
l'avons établi plus haut, que tout le service du
monastère soit assuré par les doyens, conformé
ment aux dispositions prises par l'abbé ; ainsi nul ne s'enorgueillira d'une charge confiée à
plusieurs.
"Pourtant, si le lieu le requiert ou si la communauté le demande raisonnablement et
avec humilité, et que l'abbé le juge utile, c'est
l'abbé lui-même qui, avec le conseil des frères craignant Dieu, choisira quelqu'un qu'il
nommera son prieur. Ce prieur exécutera avec
déférence ce que son abbé lui aura enjoint, sans
contrevenir en rien à sa volonté et à ses
ordonnances ; car, plus il est élevé au dessus
des autres, plus il doit observer soigneusement
les prescriptions de la Règle.
Si ce prieur se conduisait mal ou si, infatué
de lui-même, il s'enorgueillissait et faisait
preuve de mépris pour la sainte Règle, qu'il soi
admonesté jusqu'à quatre fois, S'il ne
s'amende pas, qu'on lui applique les sanction
de règle . Et si, de cette manière, il ne se corrige pas, il sera alors déchu de son rang
de
prieur et on lui substituera un autre qui en soit
digne. Si, par la suite, il n'était pas tranquille et obéissant dans, la communauté, il sera même
expulsé du monastère. "Que l'abbé toutefois
songe qu'il doit rendre compte à Dieu de tous ses jugements, pour que jamais le feu de l'envie
et de la jalousie ne brûle son âme.