LES PORTIERS DU MONASTÈRE
A la porte du monastère on placera un
ancien judicieux, qui sache recevoir et rendre réponse et dont la maturité le préserve
de déambuler partout. Ce portier devra avoir
une loge près de la porte, afin que les arrivants trouvent toujours là quelqu'un pour leur répondre. 'Dès qu'on aura frappé ou qu'un pauvre
aura appelé, il répondra: « Deo gratias » ou « Benedicite »
et, avec toute la douceur de la crainte de Dieu, il se hâtera de répondre dans la
ferveur de la charité. 'Si ce portier a besoin d'aide,'il aura avec lui un frère plus jeune.
Au reste, le monastère, autant que possible, doit être construit de manière qu'on y trouve
tout le nécessaire, eau, moulin, jardin, et que les divers métiers soient exercés à l'intérieur du
monastère. 'Ainsi les moines n'auront pas à circuler au dehors, ce qui n'est pas bon du tout
pour leur âme.
Nous voulons que cette Règle soit lue
fréquemment dans la communauté, pour qu'aucun frère ne prétexte son ignorance.
Les frères qui doivent prendre la route se recommanderont à la prière de tous les
frères et de l'abbé, 'et à la dernière oraison de
l'office divin, on fera toujours mémoire de tous
les absents. 'Quant aux frères qui reviennent de
voyage, le jour même où ils rentrent, à toutes les
heures régulières, quand s'achève l'office divin,
prosternés sur le sol de l'oratoire, 'ils demanderont la prière de tous pour les écarts auxquels ils
ont pu se laisser entraîner, en voyant une chose
mauvaise ou en entendant de vains propos.
'Que nul ne se permette de rapporter à un
autre ce qu'il aura vu ou entendu hors du
monastère, car cela cause beaucoup de dommage. 'Si quelqu'un osait le faire, qu'il soit
soumis au châtiment de règle. Il en sera de
même pour celui qui se permettrait de franchir
la clôture du monastère, d'aller où que ce soit et
de faire la moindre chose sans ordre de l'abbé.
L'OBÉISSANCE AUX CHOSES IMPOSSIBLES
S'il arrive que l'on enjoigne à un frère certaines choses difficiles ou impossibles, il
recevra pourtant l'ordre donné en toute douceur et obéissance.
Puis, s'il voit que le poids de
la charge dépasse absolument la mesure de ses
forces, il soumettra les motifs de son impuissance
à son supérieur avec patience et en temps
opportun, 'sans orgueil ni résistance ni contradiction. 'Dans le cas où, après cette suggestion,
le supérieur maintiendrait son ordre, l'inférieur
saura que la chose lui est bonne 'et il obéira par
amour, confiant en l'aide de Dieu.
NUL AU MONASTÈRE NE SE PERMETTRA
DE PRENDRE LA DÉFENSE D'AUTRUI
Il faut bien veiller à ce que, sous aucun prétexte, au monastère un moine ne se
permette d'en défendre un autre et pour ainsi
dire de le protéger ,fût-il son parent à quelque
degré que ce soit. 'En aucune façon les moines
ne se le permettront, car cela peut donner lieu à
des troubles très graves. 'Si quelqu'un transgresse ce point, qu'il soit sévèrement châtié.
NUL NE SE PERMETTRA
DE FRAPPER QUI QUE CE SOIT
Tout manifestation de présomption est interdite au monastère 'et nous établissons
que nul n'a le droit d'exclure ou de frapper
de ses frères, sauf celui qui en a reçu pouvoir de
l'abbé. « Ceux qui commettent des fautes
seront repris devant tous, afin que les autres
aient de la crainte. » 'Pour les enfants jusqu'à
l'âge de quinze ans, le soin de leur correction et leur surveillance seront assurés par
tous mais cela même se fera en toute mesure et raisonnablement. 'Quiconque se permet quoi que ce
contre de plus âgés sans l'ordre de l'abbé ou sévit sans discrétion contre des enfants subira
les sanctions de règle, 'car il est écrit: « Ne fait pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'on te fasse>>
Cette bonne chose qu'est l'obéissance n'est pas due seulement par tous à l'abbé,
mais les frères s'obéiront aussi les uns aux autres sachant que c'est par cette voie de l'obéissance
qu'ils iront à Dieu. 'Faisant donc passer d'abord les ordres de l'abbé et des préposés qu'il a
établis, auxquels nous ne permettons pas de préférer des ordres particuliers, 'pour le reste
tous les jeunes obéiront à leurs anciens en toute charité et empressement. 'Si quelqu'un faisait
preuve de contestation, qu'il soit corrigé.
Quand un frère pour le moindre motif est corrigé par l'abbé ou par un ancien de
n'importe quelle manière, 's'il sent tant soit peu que l'esprit de son supérieur est irrité contre lui
et ému même légèrement, 'aussitôt, sans délai, il
se prosternera à terre à ses pieds en signe de
réparation et restera étendu jusqu'à ce que cet émoi soit apaisé par une bénédiction.
Celui qui aura dédaigné de le faire subira un châtiment corporel et, s'il s'obstinait, qu'il soit expulsé du
monastère.
LE BON ZÈLE QUE DOIVENT AVOIR LES MOINES
COMME il y a un zèle mauvais et amer qui sépare de Dieu et mène à l'enfer, 'il y a
aussi un bon zèle qui sépare des vices et mène à Dieu et à la vie éternelle. 'Les moines exerceront donc ce zèle avec l'amour le plus ardent
ils s'honoreront mutuellement de prévenances
'ils supporteront entre eux avec la plus grande patience les infirmités physique
morales
'ils s'obéiront à l'envi les uns aux autres
nul ne recherchera ce qu'il juge utile à
même mais ce qui l'est à autrui;
'ils se prodigueront entre frères un amour
désintéressé
'ils craindront Dieu par amour;
'ils aimeront leur abbé d'une charité sincère
et humble;
"ils ne préféreront absolument rien au Christ: Qu'il daigne nous conduire
ensemble à la vie éternelle !
TOUTE LA SAINTETÉ DE VIE
N'EST PAS CODIFIÉE DANS CETTE REGLE
Nous avons écrit cette Règle pour qu'en l'observant dans les monastères,
nous fassions preuve d'une certaine dignité morale et d'un début de vie monastique.
Mais pour
se hâter vers la perfection de cette vie, il y a les enseignements des saints Pères, dont la pratique
achemine l'homme au sommet de la perfection.
Est-il en effet une page ou une parole divinement inspirée de l'Ancien et du Nouveau
Testament qui ne soit pour la vie humaine la
plus droite des règles ? 'Ou bien est-il un livre
des saints Pères catholiques qui ne nous fasse
entendre un appel à courir tout droit jusqu'à
notre Créateur ? 'Et encore, les Conférences des
Pères, leurs Institutions et leurs Vies, ainsi que la
Règle de notre Père saint Basile que sont-elles,
sinon des leçons de vertu pour les bons moines
qui vivent dans l'obéissance ? Mais pour nous
qui menons une vie paresseuse, mauvaise et
négligente, il y a de quoi rougir de honte.
'Toi donc, qui que tu sois, qui te hâtes vers la
patrie céleste, accomplis avec l'aide du Christ
cette petite règle élémentaire que nous avons
écrite, "et alors seulement, aux sommets plus
élevés de doctrine et de vertus que nous venons
d'évoquer, la protection de Dieu te fera
parvenir.