L'ÉVEIL...

 

Le texte proposé içi à votre méditation et à votre réflexion est extrait de " Initiation à la Spritualité des Upanishads" et publié grâce à l'amabilité des éditions Présence

Un peu plus didactique que les textes précédents il nous incite à vivre sur un autre plan et grâce à l'Éveil spontané ou non et à demeurer au monde de Brahman...
Passant en revue les différents états de fonctionnement de notre esprit il montre qu'après l'Éveil ce dernier rentre dans un monde "où plus rien ne peut être dit" un monde de l'apophase

Le texte se conclue sur une magnifique invitation à la prière du Silence

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L'expérience à laquelle les Rishis  invitent l'homme est réellement comparable à un  Éveil...


 <<C'est dans un Éveil que Cela est connu »
<<C'est comme un éclair qui brille, qui fait cligner de l'oeil et dire - Ah ! »



L'état de veille ( l'état où vous êtes actuellement...sauf si la prose que vous lisez vous ennuie... ou que vous avez abusé du Valium ou d'un autre tranquilisant) est sans aucun doute  bien supérieur aux états de sommeil avec rêve , ou de sommeil profond , -  trois états de conscience sur lesquels les Voyants upanishadiques aimaient tant faire méditer leurs disciples....
 
 Cependant cet état de veille lui même est loin d'être un état idéal... et une unique source de plaisirs, de plénitude et de satisfaction .
L'homme en effet est sujet à d'innombrables liens et limitations, à la condition du samsara , du monde en perpétuelle évolution et transformation...

 - être dans le monde et dépendre de lui - 
est une condition absolument insupportable pour quiconque aspire à la Liberté et la Libération dans la tradition bouddhiste ou hindoue.

Dans l'état de veille,
 ma conscience d'être moi-même est évidemment liée - donc aussi limitée - aux actions de mon esprit et de mon corps par l'intermédiaire desquelles je prends conscience d'être... d'être moi-même.
 
Ma paix, mon bonheur sont
conditionnés par ces « événements » de ma vie , tant par ce qui arrive au-dehors et qui est reçu par mes sens que par tout ce qui se passe au-dedans de moi-même ainsi que par les activités inconscientes de la psyché qui nous ont été révélées par la psychologie moderne. 
S'il fait beau je suis heureux, 
si j'ai mal aux dents je souffre.
 Si je reçois de bonnes nouvelles, je suis excité... si j'en reçois de mauvaises, je suis abattu 

D'où cette peur qui sous-tend toute mon existence : bhayam 
 quelque chose comme l' « Angst (angoisse)>> de l'existentialisme, 
finalement la peur de la mort et tout le processus de dépérissement/vieillesse qui culmine en elle
 sarvam dukham ,  le "tout est souffrance du Bouddhisme".


Pour surmonter cette peur et cette insécurité fondamentale de la condition humaine, l'homme s'est engagé sur différentes voies au cours de son histoire .

Il y a d'abord
la voie religieuse avec toutes ses ramifications depuis le culte le plus primitif des forces cosmiques personnifiées et des esprits jusqu'aux hauteurs spirituelles du Christianisme avec sa foi en la résurrection et la vie éternelle.

Il y a ensuite
la voie philosophique: Le philosophe considère comme de purs mythes toutes les consolations de la religion et l'espoir d'un au-delà, d'une éternité où toutes choses seraient rétribuées et compensées équitablement.
 Il considère la joie, la souffrance, tous les événements de la vie comme étant des « idées » et les contrecarre par d'autres idées, - nous pouvons songer ici aux Stoïciens par exemple. Tout est matière à penser, et affaire de volonté. 
Si nous devenons les maîtres de nos pensées et de nos décisions nous nous rendrons maîtres de notre destinée.

Enfin il y a le Sage - après ou au-delà du saint, de l'homme religieux et du philosophe. 
Le Sage considère que les consolations de la philosophie sont tout aussi extérieures que celles de la religion, qu'elles n'atteignent pas le coeur du problème car il a réalisé et non pas seulement imaginé ou pensé qu'il y a un niveau de l'Être, du Vrai, du Soi, 
 lui-même est
au-delà de tous les dvandvas, des paires de contraires - comme sécurité/insécurité , mort/vie  etc...

Trois grandes Traditions sont témoins de cette intuition, les 'traditions upanishadique, bouddhiste et taoïste. 
Leurs formulations peuvent être différentes, toute formulation étant inévitablement conditionnée par l'environnement culturel et linguistique, mais leur expérience fondamentale est identique.
Souffrance, douleur et joie, vieillesse, naissance et mort, tout cela appartient au niveau du
monde phénoménal, sans être pour autant de l'imagination ou de l'illusion, 
 toutes ces choses sont évidemment vraies... mais à leur propre niveau.
 
Car il y a en l'homme un autre niveau:
celui de l'Absolu, du permanent ;
 toutefois ce niveau reste hors d'atteinte, tant pour les sens que pour l'entendement ;
 nul ne peut l'obtenir ou l'atteindre par quelque pratique que ce soit - rituelle, ascétique,
 ni par aucune acuité mentale, cela ne peut être que « réalisé ». 
Cela est, tout simplement. Asti: c'est !

« Asti : Cela est, cela advient', mais ne vient de nulle part.


.
Advient, oui, mais seulement du point de vue du temps qui coule, qui passe.
 Advenant dans le temps, cela fait passer l'instant  au présent',
 fixant le temps en éternité, mieux délivrant l'Éternel dans le temps qui passe. C'est simplement
- Asti. 


« Ce qui est, ne vient ni ne va,
ce qui est, ne naît ni ne meurt, » 
(Katha 2.18)

 

 cette découverte affolante : asti, - c'est, l'arrivée au Pôle où l'aiguille ne sait plus indiquer de direction.


« On ne peut l'atteindre ni par la parole ni par l'esprit, ni par le regard.
Comment peut-on le comprendre autrement qu'en disant : « c'est - asti »
(Katha Up. 6, 12).


Telle est la nature fondamentale de l'homme, « née-avec-lui », innée,  comme Ramana Maharshi aimait à le répéter. 
A cette vérité, à ce niveau de lui-même le plus vrai, l'homme ne peut que
s'éveiller.

 Cet
Éveil, comme il a été dit plus haut, est semblable à un éclair de lumière . 
Brahman a passé,...et son passage a transformé l'homme en sa totalité, à commencer par sa profondeur la plus intime.
 
Cependant cet éveil demeure inconnu aux sens et à l'esprit si ce n'est à travers une certaine « saveur »...
 un goût indéfinissable, qui est en tout...
 et dont la Présence est réellement
sentie mais dont rien ne peut être dit ni pensé.


« De là mots et pensées s'en reviennent sans jamais avoir pu atteindre à cette félicité de Brahman.
Celui qui la connaît n'éprouve plus aucune crainte de rien ».
(Tait-Up. 2, 9)


Le Soi lui-même a été découvert...
Subitement l'homme se découvre alors au monde de Brahman...
au monde de l'Absolu.


« L'atman (le Soi) est le pont  qui maintient séparé les deux mondes. 
Ni le jour, ni la nuit ne traversent ce pont 
ni la vieillesse ni la mort,
ni la douleur,
 ni l'acte bon ni l'acte mauvais ne franchit ce pont...
 au moment où
on le traverse la nuit apparaît claire comme le jour,
 car le monde de Brahman est toujours lumineux ».
(Chând. Up. 8, 4, 1-2).



La même Upanishad, quelques lignes plus haut, explique ce qu'est cette libération de la dépendance du corps - laquelle ne doit pas être confondue avec la mort physique, encore que finalement elle l'inclura un jour...


« En totale sérénité 
( la sérénité de celui qui a recouvré la transparence 
et la parfaite quiétude de son être essentiel)
il s'élève hors de son corps,
 il atteint la Lumière suprême,
 et se révèle a soi en sa propre forme, 
c'est lui le Purusha suprême 
- la Personne suprême -
 lui le Soi, lui Brahman,
lui la -non-mort, lui la non-crainte.
En vérité, le nom de ce Brabman est le Réel ».

(Chand. Up. 8, 3, 4 et 8, 12, 3).



Pour maints matérialistes ,peut-être plus encore pour maints hommes religieux appartenant à la Tradition occidentale, tout ceci peut paraître n'être que du mythe ou de l'imagination. 
Pourtant cela est,
asti.
 

C'est la Vérité :
tad etad satyam ainsi que le répète le Rishi de la Mundaka Upanishad, avec la conviction inébranlable de celui qui sait et qui rit de celui qui ne sait pas... tout en
pensant savoir, 
tout comme un marin rit du berger de haute montagne qui affirme qu'il n'existe rien de tel qu'un océan....

« Ceux qui demeurent au milieu de l'ignorance se croyant des savants, sages par eux-mêmes dans leur illusion ils errent de ci, de là semblables à des aveugles conduits par un aveugle ».
(Katha Up. 2, 5).

Et pourtant le Sage ne peut pas prouver la vérité de ses paroles, 
pas plus que le chrétien ne peut prouver rationnellement la Résurrection du Christ.
 
Des témoins attestent qu'ils l'ont vu, soit ! c'est là une affaire entre eux et Lui. 
Aussi longtemps qu'il ne m'est pas apparu, leurs déclarations n'a pas plus de signification pour moi que les déclarations des femmes aux apôtres le matin de Pâques.

 Cela ne veut pas dire évidemment que je devrais le voir avec mes sens ou mon imagination ;
c'est dans ma foi qu'il m'apparaît. 
C'est seulement au moment où je lui dis: « Mon Seigneur et mon Dieu », que sa Résurrection devient Vérité pour moi .
On peut dire ici la même chose. 


L'appel initial à la foi est le témoignage des Écritures et du Guru.
 Mais le jour vient, où la foi est directe, où elle atteint à sa plénitude
dans l'expérience immédiate .
 Ceci rappelle les mots des Samaritains à la femme qui les avait conduits à Jésus :
« Ce n'est plus sur tes dires que nous croyons, nous l'avons nous-mêmes entendu et nous savons que c'est vraiment lui le sauveur du monde ».
(jean 4, 42)

Les yeux de l'âme sont maintenant grands ouverts : ils contemplent la « grande lumière » qui a vaincu les ténèbres, comme le disait Isaïe (9, 1) :
« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière, sur les habitants du pays où règne l'ombre de la mort, une lumière a resplendi ».

Vision qui, des siècles avant Isaïe, avait déjà extasié les Rishis védiques :
« je le connais, moi, ce Purusha ( cet homme primordial) suprême couleur de soleil, d'au-delà de la ténèbre.
Quiconque le connaît va au-delà de la mort, il n'est point d'autre chemin pour parvenir au but »


 QUÊTE DU SOI


Arrivé à ce point de notre exposé il nous semble opportun de tenter une approche psychologique à cette expérience, approche qui aura beaucoup de points communs avec l'enseignement pratique de
Shri Ramana Maharshi. 

A quelque question qu'on lui posât, pratique ou théorique, Ramana Maharshi répondait invariablement par une contre-question :
 « Qui es-tu, toi qui pose la question ? 
 découvrir ce « qui », ce « je » qui pose la question, telle est la réponse à ta question.

 « - Maître, je désire méditer, pratiquer le Yoga , étudier les Écritures, prendre le sannyâsa connaître brahman ...?». 
- « Cherche le « je » qui est l'origine même de tes demandes, c'est vraiment cela contempler, pratiquer le Yoga, prendre le sannyasa, connaître Brahman ».

 Cette démarche, Ramana Maharshi la résuma en une magnifique strophe de son « Upadesha-sâram » :


« Être au lieu même d'où tout jaillit,
c'est cela le karma (l'acte), c'est cela la bhakti (l'adoration),
c'est cela le yoga (l'ascèse), c'est cela le jnâna (connaissance) ».

 

Tout au long des jours, je suis occupé avec moi-même, à voir, entendre, à agir, à faire, à penser...

Mon Je est toujours immanquablement relié avec quelque chose d'autre... 
et ce « quelque chose d'autre » l'entraîne toujours loin de moi-même... dans le tourbillon des pensées, des sentiments, des actions.



« Celui qui seul par lui même Existe
a percé les ouvertures (des sens de l'homme) à l'extérieur.
C'est pourquoi l'homme regarde au-dehors et non pas au-dedans de lui-même.
Cependant un sage désireux de l'immortalité
tourna son regard à l'intérieur
 et contempla le Soi ».
(Katha Up. 4, 1).


Ce « quelque chose d'autre » emporte irrésistiblement mon « Je » au monde du devenir, du changement,...aux idées de passé, de présent et futur. 

Toutefois je sais bien qu' au plus profond de moi même  mon « Je » n'est pas simplement un épiphénomène, un noeud tressé par les événements tant intérieurs qu'extérieurs dans le tourbillon desquels je suis pris. 
Le « Je» que je prononce ,aujourd'hui est identiquement le même que le « je» que je prononçais il y a dix, vingt, soixante ans. 
Aussi loin que j'essaye de remonter dans ma mémoire, je trouve le même « Je » qui brille
identiquement à lui-même,
 un soleil toujours au zénith qui ne connaît ni coucher ni lever :


« Ayant atteint le zénith, il ne se lèvera plus, il ne se couchera plus. 
Il se tiendra seul au milieu...
En vérité, il ne se couche ni ne se lève plus pour celui qui connaît ainsi ce mystère de Brahman.
 Il fait toujours jour pour lui ».
(Chând. Up. 3, 11, )


Évidemment je sais que ce corps qui est mien a eu un commencement et que les éléments qui le composent sont destiné à se désintégrer un jour. 
Mais cela ne concerne pas mon  vrai « je » qui est non-lié, illimité, 
qui n'a rien à voir avec les changements de ce monde phénoménal auquel ce corps et ce mental appartiennent.

 
« Ce soi connaissant ne naît jamais, ni ne meurt. 
Il ne vient de nulle part et ne devient personne.
 Non-né, éternel, de toujours, primordial
il n'est pas tué quand le corps est tué ».
  (Katha Up. 2, 1)



Dans le sommeil profond je ne suis pas conscient que "Je suis" du moins c'est ce qu'il me semble. 
Pourtant le « je » qui brille quand je me réveillais ce matin, n'était pas différent du « je>> qui brillait en moi quand j'allais au lit hier soir.
 Je ne peux que postuler la permanence de mon « je » pendant le sommeil - donc la permanence de quelque conscience de soi, puisque ce « je » est essentiellement conscience de soi.
 
Toutefois ce « je » de l'état de veille,  n'est mélangé à aucune pensée, aucun acte, aucune  sensation, c'est un « je » absolument pur. 
C'est un « je » à partir duquel toutes choses s'originent, (rien n'existe pour moi tant que je ne suis pas conscient que moi-même « je suis ») toutes choses se développent et en lequel tout se résorbe à la fin.


« Il est le Seigneur de tout, le connaisseur de tout, 
le régent intérieur de tout, la matrice de tout,
 source et fin de tous les êtres ».
(Mând. Up.)


C'est ce « JE » lumineux par lui-même, de l'homme, trop souvent apparemment perdu et englouti dans le sommeil - qu'il faut percevoir avec la clarté de l'état de veille

C'est cela, l'état ultime de la conscience humaine et que la Mândûkya Upanishad appelle le turîya, le « quatrième état » :
Il est au-delà des trois états du monde phénoménal que sont la veille, le rêve et le sommeil profond. 

Affranchi des limites des trois premiers états, il possède néanmoins toutes leurs caractéristiques positives à un degré éminent : la simplicité et la pureté du sommeil profond,
 la souveraineté du rêve et la liberté avec laquelle il se joue des structures spatio-temporelles , la clarté de l'état de veille.
 
C'est là le lieu de « Je » dans sa forme la plus vraie, comme nous l'avons déjà dit,
 pure conscience de soi,
 sans lien ni alliage,
 libre à la fois du changement et des trois divisions du temps, passé, présent et futur.


« Ce Purusha - (ce je imperceptible)
 de la dimension d'un pouce comme une lumière sans fumée 
Seigneur de ce qui fut et de ce qui sera 
Il est aujourd'hui, Il est demain ».
(.Katha Up. 4, 13).



Maintenant que cette conscience de soi brille dans le ciel de l'âme indépendamment des sens et de l'esprit, ceux-ci se trouvent déroutés à l'instar des devas  ( dieux) de la Kena Upanishad en présence de Brahman. (  du Tout Autre)

Comme Yâjnavalkya l'expliquait à sa femme Maitreyi avant de tout quitter pour le « grand départ »  :
« Après être parti  il n'y a plus de conscience...
- Vraiment très cher, tu m'as mise au comble de la confusion, répondit Maitreyi.
- Pourtant, Maitreyi, il n'y a rien de troublant en ce que je dis. 
Le Soi est vraiment impérissable ...IL  est indestructible par nature.
 Aussi longtemps qu'il y a semblance de dualité,
 l'un voit l'autre, 
l'un sent l'autre,
 goûte,
 entend,
 comprend l'autre... 
Mais. lorsque tout est devenu son propre Soi, par quoi et qui verrait-il ?
 par quoi et qui sentirait-il ?
 goûterait-il ?
 entendrait-il ?
 comprendrait-il ?
 par quoi comprendrait-il celui par qui tout cet univers est compris ?

Cet âtman n'est ni ceci ni cela,
neti, -neti... »


Comme Sanatkumâra l'explique à Nârada dans la Chandogya Upanishad  ce Soi « repose sur sa propre grandeur ou plutôt sur aucune grandeur ! »
 Il ne dépend de rien, 
il n'est établi sur rien d'autre que lui-même, 
parce qu'il n'y a que Lui


« je suis dessous, je suis dessus,
 je suis en face, je suis derrière,
 je suis à droite, je suis à gauche.
 je suis tout cela
Vraiment celui qui connaît cela est totalement autonome 
il jouit d'une liberté illimitée dans tous les mondes ».



C'est précisément à cet Éveil à soi-même auquel se réfère la plus ancienne Upanishad, la Brihadâranyaka Upanishad dans son premier livre au chapitre 4


« Au commencement, tout cet univers était l'âtman, 
( Le Soi en forme de Purusha, - de Personne -)
Regardant autour de soi, il ne vit rien d'autre que soi 
Il dit en premier lieu : je suis, (aham asmi)
De là le nom : « JE » (aham) » .



Le voyant ne voit que lui-même,
 on pourrait également dire qu' il se voit lui-même comme le tout :
 « je suis brahman
 ahai brahma asmi » . 


Ce Soi, cet âtman est. Brahman .

 Cela ne veut évidemment pas dire que le Rishi identifie avec le tout de l'Être les éléments individualisants de son corps, pas plus qu'il ne le fait de son mental ni de sa conscience phénoménale. 
Mais il a réalisé qu'en tout il n'y a en vérité que cet acte d'être,
 cet éclair de conscience pure de Soi 
ce Mystère d'absoluité qui brille dans l'ultime profondeur de lui -même.


« Plénitude ici, plénitude là, 
la plénitude jaillit de la plénitude. 
Quand la plénitude est sortie de la plénitude la plénitude demeure ! »


comme chantait le Rishi de la lsha Upanishad.

Le Maître spirituel a pour unique rôle d'éveiller le disciple au« aham asmi », au « je suis »

La Chândogya Upanishad au chapitre 6 explique comment Uddâlaka Aruni révéla progressivement à son fils Shvetaketu le Mystère ultime de l'Être et le conduisit pas à pas jusqu'à l'expérience de la Vérité :
« Tu es cela », « Tat tvam jà » 

En premier lieu il lui déclare le grand enseignement:
« Mon enfant, au commencement tout ceci (cet univers) était juste
SAT, l'être un-et-sans-second »
puis il lui transmet différentes paraboles pour lui faire réaliser l'essence ultime - bien qu'imperceptible - de toutes choses, en concluant ainsi chacune d'elles :
« Ce qui est la Réalité la plus subtile c'est cela qui est le Soi de tout ceci qui est, c'est cela le Vrai, c'est cela le Soi c'est cela que toi tu ES. (tat tvam asi) .

Telle est indubitablement la plus haute expérience de l'homme,, celle dont toutes les autres ne sont que le reflet au niveau du mental et des sens. 
C'est vers cette expérience que semble monter toute l'évolution de l'humanité.

 Déjà l'univers entier est « finalisé » par l'homme, orienté vers cette pure perception « d'être soi » dans l'acte de devenir conscient d'être. 
Et depuis que cette lumière a éclaté dans le cosmos, elle anime elle-même toute l'évolution de l'humanité et la concentre vers un éveil à cette lumière de plus en plus pur, de plus en plus lumineux (cf. les puissantes intuitions d'un Sri Aurobindo et d'un Teilhard de Chardin). 

Après des milliers de siècles d'histoire l'homme atteignit le point où il s'éveilla à la conscience réflexe de soi, 
Où il découvrit qu'il était un être, pensant : ce fut l'aurore de la pensée réflexive ou de l'ère philosophique qui surgit à la même époque dans ces trois grands foyer de civilisation qui allaient guider la destinée culturelle et religieuse de l'humanité : la Chine, l'Inde et le monde de la Méditerranée orientale.

 Cependant, avant que Parménide ne fût fasciné par le mystère de l'Être, et que Platon et Aristote n'aient donné le primat aux « essences » et lancé le monde occidental dans la con templation des Idées, du Logos, de l'Eidos, les Rishis de l'Inde s 'étaient déjà éveillés à cette simple « prise de conscience » , à la conscience de soi, - de l'unique Soi -, au-delà de tout mot, de tout pensée, même de la pensée réflexive,
- au Sat : l'Être unique-et -sans-second.
(...)
Le fait que de si nombreux jeunes, déçus par ce qui leur est offert spirituellement en Occident pérégrinent en Inde à la recherche ,des secrets de l'Orient, est un signe des temps. Malheureusement leur quête se trouve bien souvent frustrée à cause d'un manque de préparation sérieuse et aussi à cause de la difficulté de rencontrer de vrais Gurus.(...)


Cette expérience upanishadique d'advaita est un fait qu'on ne peut raisonnablement rejeter comme inauthentique.

  En fait la Chrétienté se trouve à présent à l'un des tournants les plus graves de son histoire, elle se trouve affrontée en Orient à une mise en question qui touche à ses racines mêmes. 
Cette confrontation va bien au-delà de celle que lui imposent le concept grec de « raison et l'humanisme lui-même. En effet cet affrontement avec l'Orient pose la question de la valeur de toutes ses structures mentales, toute la sphère des nâma rûpa (le monde des noms et des formes) précisément au nom de la plus haute expérience spirituelle dont témoigne toute la tradition de l'Inde.
Si le Christianisme veut pouvoir maintenir son affirmation à l'universalité, il est mis au défi d'intégrer cette expérience d'advaïta, ce qui ne veut pas dire sa formulation hindoue ou bouddhiste -  faute de quoi il lui faudrait accepter d'être réduit à n'être qu'une secte religieuse particulière qui demeurera dans l'histoire de l'humanité comme ayant utilement pourvu pendant vingt siècles aux besoins religieux d'une certaine région du monde civilisé.

Toutefois la confrontation entre les tenants de la Bible et ceux Upanishads, ou plutôt la découverte mutuelle de leurs richesses spirituelles, doit se faire à la lumière et au niveau de la plus haute expérience et non pas au niveau des thèses théologiques (dogmes inclus)., ni même au niveau des mots des Écritures elles-mêmes, car même les Écritures sont conditionnées dans leurs expression par le monde mythico-conceptuel dans lequel les « voyants » eux-mêmes ont vécu.

Tout ceci montre que l'apparition d'une authentique théologie indo-chrétienne  sera beaucoup moins le fruit de discussions savantes et de sommets théologiques que l'aboutissement des humbles efforts poursuivis dans le silence de leurs âshrams (monastères) respectifs par des groupes de contemplatifs, qui, versés à la fois dans les Écritures chrétiennes et hindoues , seront aussi des brahmanishta, c'est-à-dire des hommes qui se laisseront emporter jusqu' aux profondeurs de l'expérience du Soi - en termes chrétiens de l'Esprit  jusqu'aux rets de la « crypte du coeur » là où le Christ lui même réalise son advaïta, sa non-dualité avec le Père.

  << Au plus profond de l'esprit de l'homme, il y a l'Esprit de Dieu par qui est mû l'esprit de l'homme. 
Au plus profond de l'intériorité de l'homme il y a l'intériorité de Dieu, son Esprit qui enfonce l'homme aux profondeurs mêmes de Dieu. »,

Cette expérience upanishadique, bien qu'elle évite la notion et le Nom de Dieu, fait approcher l'homme plus près du Mystère divin que n'importe quelle expérience de Dieu dépendante de nom et de formes, de notions, d'images et de symboles.
 En contexte chrétien, il est utile de se rappeler ici l'enseignement de Saint jean de la Croix et les purifications drastiques à l'égard de tous les symboles mentaux, pensées et images auxquelles l'âme doit se soumettre et qu'il appelle la « Nuit obscure » :

  « L'âme ignore par où elle va ; elle se voit anéantie en tout le terrestre et le spirituel qui satisfaisait son goût et s'aperçoit seulement qu'elle est éprise d'amour sans savoir comment » .

La véritable expérience de Dieu ne dépend de rien,
  elle repose sur sa propre grandeur. 

Il n'y a plus d'intermédiaire, qu'il s'agisse d'une idée, d'une quelconque opération humaine, d'une image, d'une abstraction. 

L'absoluité du Mystère ultime est découverte dans l'absoluité de soi à soi-même. 
Le SOI est alors vu dans le soi. 
Dans la lumière de la pure conscience, l'Être brille de sa propre brillance .

 « L'expérience du Soi est au-delà toute possibilité de verbalisation comme d'expérimentation. C'est une expérience de totalité, qui atteint le fond de l'être ; plus précisément encore, qui jaillit du fond même de l'être et, jaillissant, délivre pour ainsi dire ce fond lui-même, en transformant ainsi l'être tout entier puisqu'il est touché en sa source même.
... Son 'je' se prononce maintenant à des profondeurs de soi inaccessibles à toute idée et défiant toute attribution. 
Son ego limité et clos, sur soi a été consumé en cette flamme dévorante et irremplaçable. 
Il n'est plus place nulle part en lui pour la moindre recherche de soi, pour le moindre égocentrisme.
...  C'est la coïncidence de l'homme avec son propre fond, l'atteinte « lieu de jaillissement » comme disait Ramana Maharshi, en totale liberté et en a disponibilité à l'Esprit. »

Alors...
alors l'éternité, l'absoluité, l'aséité, la souveraineté de Dieu ne sont plus des notions que l'homme essaie désespérément de comprendre par la voie de l'analogie ou de la négation ;
  leur propre vérité est réalisée dans la découverte que l'on est, au-delà de tout conditionnement.

  Alors Dieu n'est plus un IL dont osent parler hommes entre eux.
  Il n'est pas même seulement un Tu dont l'homme réalise la présence en face de lui,
  mais plutôt, partant de la perception de soi-même, Dieu est ici découvert et réalisé comme un JE, le
Je suis : « aham asmi » des Upanîshads, le « ehieh a, ehieh » du Buisson ardent, (je suis celui qui est). 

Ce Je n'est pas un je que j'abstrais et que je fais dériver du Tu que je lui dis mais un Je dont je suis conscient au plus profond de mon propre Je !

Il y a tant de passages dans l'Évangile de saint jean où jésus souligne ce « Je Suis », ego eimi, par exemple : « Si vous ne croyez  pas que JE SUIS, vous mourrez dans vos péchés » (jean 8,24)

Qui suis-je pour pouvoir connaître directement, immédiatement, non d'une manière simplement réflexive, mais dans sa propre expérience  ce « Je Suis » de Jésus sinon dans ma
propre expérience que je suis, 
une expérience si,pure, si libre de toute interférence d'événements extérieurs ou intérieurs « une lumière sans fumée »  qu'elle n'est plus que pure transparence du Mystère de l'Être en lui-même,

  Sat, Atman, Brahman
Être, Soi, Absolu

 



 LA PRIÈRE DE SILENCE


Si« quelque chose » est passé à travers ce long discours,, par ces mots, et mieux encore au-delà des mots, 
Si vous avez entendu dans ces paroles ( des Upanishads) la résonance, l'écho de ce que l'Esprit a certainement déjà murmuré à votre coeur lorsque vous vous livrez à la contemplation du Mystère du Père et du Fils
  alors vous aurez découvert par vous-même le secret de ce qu'on appelle la « prière d'advaïta » ou « prière upanishadique ».

Tout cela peut se résumer dans le verset hébreu du Psaume 65 que St Jérôme traduit par : «
Silentium tibi laus » - « Le Silence est Ta louange », 
silence de la prière, de la louange et de de l'action de grâces, 
silence de l'adoration et de la méditation ;
silence au-dedans et silence au-dehors,
  silence qui est la plus essentielle préparation de l'âme au calme et à la sérénité hors desquels l'Esprit  ne peut agir à sa guise .

Dans l'antique tradition des yajnas, des sacrifices védiques, 4 prêtres s'asseyaient aux quatre coins de l'autel. 
L'un d'eux chargé d'accomplir les rites, tout en répétant les mantra du yajur -Véda, 
le sécond devait chanter les hymnes du Sâma- Véda
, le troisième invoquait les Dévas et récitait les hymnes du Rig-Véda,

  mais le quatrième, le brahmana, le prêtre par excellence restait silencieux, murmurant, comme sans interruption, un OM presque inarticulé ;
  et c'était en fait, le
OM silencieux qui était considéré comme le fil d'unité qui rassemblait et unifiait les différentes parties du yajna et qui donnait à l'ensemble sa valeur définitive.

Au coeur du cantique universel qui ne cesse de s'élever à Dieu de tous les coins du ciel et de la terre, il y a certainement une place - et même une place prééminente pour la louange du
« OM du silence ».

  Il est bien certain aussi que l'église ne peut se passer de ces moines silencieux, qui au-delà de tous les rites et de tous le mots, murmurent en son nom,
  au nom de l'humanité et de la créa tion tout entière ce « OM de silence ».

  Toutes les demandes son incluses dans cette prière de silence, 
car un tel silence atteint l'origine même d'où toutes choses procèdent du Père en son Fils.

  Toutes les adorations, toutes les actions de grâces elles aussi sont incluses dans ce silence, car il est UN avec le Silence du Père, du sein duquel éternellement le Verbe surgit ;l'unique Gloire que le Fils est au Père.


Toutefois il ne s'agit point ici d'un silence que l'on s'imposerait
  mais d'un silence qui est comme « imposé par Soi»  - par l'Esprit.

  Et il ne faut jamais oublier que l'Esprit conduit l'homme en toute liberté et que personne ne peut jamais savoir ni demander à l'Esprit d'où il vient ni où il va. 

Il se peut par exemple qu'il fasse éclater en cantique de joie le muni - celui qui a fait voeu de silence - et même le fasse danser comme David devant l'Arche.


De toutes façons la discipline spirituelle et la vie ascétique devraient avant tout préparer l'homme au
calme et à la paix intérieure qui lui permettront d'être totalement disponible à l'Esprit. 
Un tel silence, est certainement incompatible avec une d'agitation extérieure ou intérieure ;
  et pourtant il subsiste à un niveau tellement transcendant dans l'esprit de l'homme, qu'il est parfaitement conciliable avec les activités normales de l'intelligence et du corps tant dans le domaine individuel que dans le domaine social.

Pour la plupart, la pratique intense et paisible de la méditation de silence est extrêmement profitable.
  Une telle méditation n'a rien à voir avec la considération de tel ou tel aspect du Mystère divin, que ce soit au moyen de l'imagination ou au travers de l'abstraction. 

Elle consiste à fixer l'esprit en quelque sorte sur ce point de notre conscience d'être, de notre soi, qui échappe...
... et est delà de l'écoulement perpétuel du temps et du déroulement des événements au milieu desquels nous vivons.

Pour atteindre à ce degré de concentration la pratique d'un Yoga simple ; postures
, exercices de contrôle de la respiration, introversion, exercices concentration, peut être une aide. 
Il en est de même de la pratique du nâma-japa : la répétition du Nom divin. 
Toutefois ces pratiques ne sont que des
aides temporaires sur le chemin, 

elles sont le radeau
 dont Bouddha disait qu'on l'abandonne une fois arrivé « l'autre rive ». 

Mantras et japa dès lors lentement se simplifient et finissent même par disparaître. 

Il ne reste que le OM ;

  Om tat sat  Cela l'Etre -

  et le OM qui est prononcé s'immerge dans le OM  qui est pur silence.

C'est tout.


... et Le chrétien ajoutera : « c'est l'éternel Éveil du Fils au Père dans  l'advaïta de l'Esprit ».

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 Une méditation sur le OM est par ailleurs proposé en suivant ce lien

 

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