LA « FORME » DU « SANS-FORME »

 

Dieu dont nous galvaudons si souvent la notion et l'être en projetant sur Lui nos images et nos façons de penser...
est réajusté ici dans cette splendide méditation tirée de Intériorité et Révélation paru aux éditions Présence

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 Nous entrons au Temple et nous commençons par en faire le tour... telle est la coutume en Inde...

 Ce n'est cependant qu'après avoir franchi le seuil de la garbha-griha ,
(de la chambre la plus intérieure  du temple) que nous nous trouvons face à face avec le linga  :
 face à face avec le signe,  
le symbole le plus informe possible du sans Forme, 
le signe de la divinité Suprême.
 
Ainsi ne pouvons-nous jamais atteindre au Réel que nous n'ayons passé
au-delà des limites du monde de la manifestation ...

Le linga est au garbha-griha, au coeur du Temple...
 seul... 
bien à part des multiples mùrti, ces formes divines qui occupent les cours et les sanctuaires extérieurs. ...

Ainsi en est-il de même au centre de notre coeur,
là où réside l'aham, 
le Je,
 
seul...

à part des enveloppes de notre corps...

et cet aham est Brahman, le Principe Suprême.

 
Nous entrons dans le Temple et nous y avançons avec l'idée unique d'y contempler le linga...

Quelles que soient les distractions ,fussent-elles des  formes  divines  que nous rencontrions, avant de l'atteindre..

Lui seul

 au garbha-griha,  au Saint des Saints, 

Ainsi  de même nous devons pénétrer en nous-mêmes et y plonger au plus profond avec la pensée unique de LE trouver ...

Lui seul
 
le Je

l'aham de notre coeur. 

Cette fixation de notre esprit le calme et l'arrête... 
 l'amène à ce silence,
 qui bien qu'inexprimable, peut se nommer sat-cit-ananda



 « être-connaissance- félicité>>



et en vérité  tat vam asi
« toi aussi tu es Cela ! »

En pénétrant au garbha-griha, nous LE trouvons divisé en deux chambres.
 
Dans la première, la chambre orientale, se tient le peuple qui vient offrir ses offrandes, son culte par le ministère des prêtres ...
La seconde, celle de l'ouest, contient le seul linga, le Signe du Sans-Forme et
du Sans-Partie, sur Lequel se déverse en tous temps le flot incessant de la piété fervente des fidèles.

Le linga est muet...
 
Même si les murs du Temple ont su nous dire leur origine et nous raconter leur histoire, par la voie de leurs pierres et de leurs sculptures.

 Le Silence du linga lui est total... 

et son existence silencieuse nous invite à réaliser nous aussi dans notre esprit le Suprême Silence.

 
L'esprit est en continuelle réaction aux perceptions du dehors,
 aux images et aux pensées du dedans

L'arrêt de son « tourbillon » (vritti) est seul le Réel Silence...

 ...et dans la seule profondeur de ce silence peut s'atteindre le Sans-Forme ,le Sans-Partie, 
l'Être primordial....
 
Le silence du linga est le symbole du Silence du « Soi ».


Le linga est en général de pierre. 
On vénère cependant ici ou là un linga de feu,
  ou bien un linga d'air
 et  à Chidambaram, un linga fait d'espace...

Fût-il d'espace, c'est toujours un linga, un signe, un symbole....

Et pour le renonçant-ermite le sannyasî, le jour doit venir où le linga lui même doit disparaître
  où tout le signe, doit s'évanouir....
 
Plus de place que pour Rien,

 Rien...


 L'AUM (OM)  mystérieux s'achève en une simple résonance ...

 et c'est le « point »,  l'étape finale vers l'au-delà de l'Absolu...le kevala.
 
Todo nada, disait saint Jean de la Croix....

Car ce n'est pas « moi » qui atteins le Réel au fond de « moi>>
Impuissants sont mes sens, impuissante ma pensée.... 

Ce n'est pas « moi » qui atteins ce fond.
 
C'est le fond lui-même qui se révèle dans l'anéantissement de ce « moi ».

 Je ne puis que sombrer...

 ...mais si je sombre, je me réveille :
 resurrexi et adhuc tecum sum, 
« je me suis éveillé et je suis encore avec toi »...chante le Psaume...


· Le grain ne peut germer qu'il n'ait pourri en terre
(Jn. 12,24 )

· Semé corruptible, il renaît incorruptible,
 semé méprisé, il renaît glorieux,
 semé faible, il renaît fort,
 semé psychique, il renaît spirituel »
 (1 Cor. 15,42-44)


Il devient « de non-être,
Être,
 de ténèbres,
 Lumière,
 de mort, 
Vie »
 (Br. Upanishad, 1,3,28).


Le soleil se lève pour nous, le soleil se couche pour nous,
 alors qu'en réalité par rapport à la terre, le soleil est immobile.

 Ainsi pouvons nous dire aussi que la lumière intérieure paraît au fond de l'âme... 
et y disparaît ...alors que toujours elle y est...

 éternellement, resplendissante et radieuse.

 C'est nous qui nous éveillons au Soi... et non le Soi qui s'éveille à nous.
 
(...)

« Pour Ramana Maharshi, il n'était plus ni lever, ni coucher de soleil, ni au-delà, ni au-dedans. »



« Le soleil ne brille plus ici,
 ni la lune, ni les étoiles ni les éclairs non plus,
 encore moins ces feux de la terre...
 Mais Lui, 
quand il brille, tout brille après Lui,
 et de Sa splendeur, tout resplendit ».
(Katha Upanishad, 5,15)


« Et il n'est besoin en la Cité sainte
 ni de lune ni de soleil pour y répandre leur lumière;
 car c'est la clarté même de Dieu qui l'illumine,
 et l'agneau est son flambeau » 
(Apoc. 21,23).


Il n'est plus dans la Cité sainte ni lune ni soleil, qui présiderait aux jours et qui présiderait aux nuits.

 Les temps sont révolus du fiat lux: « Que soit la lumière » du premier jour (Gen 1,3)

. Les symboles sont passés en LA Réalité.

 

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