Je dois beaucoup au Bouddhisme ...principalement d'avoir retrouvé grâce à lui
le goût de croire... et de redécouvrir paradoxalement le Christianisme de mon
enfance ...et tout ce que je lui devais...
20 ans en pays bouddhique cela marque...
tout comme l'image de cette vieille femme décharnée... et toute courbée venant puiser
de l'eau un jour de canicule... pour rafraîchir la statue d'Amida......dans un
temple de Nakano au Japon... awaremi... compassion ...
Ce n'est pas un itinéraire encyclopédique du Bouddhisme que je vous présente içi...
simplement quelques réflexions...
et un essai de transmission d'un amour profond pour cette religion que j'aime et
respecte énormément pour sa tolérance, son réalisme...et son sens de la
compassion...
pour essayer aussi de montrer combien certains de ses aspects sont proches de la Mystique
chrétienne... et savent dire ou insister sur certains points souvent oubliés de notre
foi...
Une autre manière de dire...
une autre manière d'expérimenter aussi une même Réalité ineffable...
... notre culture est autre ...
... nous nous devons de respecter celle-ci ... nous avons beaucoup à apprendre
d'elle...
...néanmoins nous ne pouvons interchanger notre peau,...nos cerveaux... ni nos
civilisations... ni nos façons de dire , de penser ou de concevoir...
...mais peut-être simplement admirer... la Diversité par laquelle L'Esprit se
manifeste...
... pour mieux Le louer et Le remercier.. et Le suivre....en Vérité...
Que l'Esprit guide votre méditation !...
+
Les disciples de Gautama Bouddha s'inscrivent tous dans une société différente de la notre et dont les axiomes indiscutés s'énoncent ainsi...
- tout homme meurt et renaît en une succession indéfinie d'existences: c'est le Samsara
- on renaît plus ou moins élevé, plus ou moins heureux suivant la qualité d'action (Karma) posée dans la vie précédente... la série ne s'arrête jamais... on peut ainsi renaître indifféremment homme, dieu, animal, ombre ou démon...
- le désir fondamental de l'homme est de briser ce cercle
infernal et d'atteindre la délivrance ( Moksâ)...et là se situe le
véritable but du Bouddha... être enfin Libre de toute matérialisation !
" Comme tout l'océan est pénétré d'une seule saveur , celle du sel... ainsi
toute ma doctrine n'a qu'une saveur : DELIVRANCE..."
Mais délivrance de quoi peut-on se demander?
... bien sûr et nous l'avons dit ... du cycle infernal des renaissances ...
mais aussi de tout ce qui fait mal... de tout ce qui est cause du"
mal-être"... l'attachement, la douleur physique ... l'insatisfaction
morale...
en finir avec le monde créé... de sa précarité (Aniccâ)...
de son Impermanence ( Anattâ)...
Après avoir essayé de nombreuses voies ascétiques
hindoues le jeune Gautama futur Bouddha , si longtemps protégé trouvait
intolérable ce monde avec son cortège de malades, de morts, de mendiants et
d'ascètes... sans parler du vieillissement inéluctable et progressif de chaque être...
Il s'engagea alors dans une profonde méditation...
... il s'assit près d'une rivière... las et fatigué de chercher sans succès... et là
,...devant les flots boueux et s'écoulant sans fin ... sans bruit... il reçu
l'Illumination... la perception claire du Réel et de Sa signification...
Le fameux sermon prononcé près de Bénares... résume sa doctrine , lui qui... par simple compassion... décida de la transmettre aux autres... avant d'entrer dans le Nirvana qui s'ouvrait devant lui...
" Ainsi ai-je entendu...
Le Bienheureux se trouvant au Parc des Gazelles à Isipatana près de Bénares, s'adressa ainsi aux cinq bikkhus (moines)
<<Il est des extrêmes, ô
bikkhus qui doivent être évités pour un moine...
Quels sont-ils ?
S'attacher aux plaisirs des sens, ce qui est bas et vulgaire, terrestre, ignoble et
engendre de mauvaises conséquences...
s'adonner aux mortifications , ce qui est pénible, ignoble et engendre de mauvaises
conséquences...
Evitant ces deux extrêmes, ô bikkhus, le Tathâgata a découvert le Chemin du Milieu qui donne la vision, la connaissance, qui conduit à la Paix, à la Sagesse, à l'Eveil et au Nirvâna.
Et quel est , ô bikkhus, ce chemin du
Milieu que le Tathâgata a découvert et qui donne la vision, la connaissance, qui conduit
à la Paix, à la Sagesse, à l'Eveil et au Nirvâna ?
C'est le Noble Sentier Octuple, à savoir: la vue juste, la pensée juste, la parole
juste, l'action juste, le moyen d'existence juste, l'effort juste, l'attention juste, la
concentration juste...
Ceci ô bikkhus, est le Chemin du Milieu que le Tathâgata a découvert, qui donne la vision, la connaissance, qui conduit à la Paix, à la Sagesse, à l'éveil et au Nirvâna.
Voici ô bikkhus, la Noble Vérité
sur la douleur: dukkha
La naissance est dukkha, la vieillesse est dukkha , la maladie est dukkha, la mort est
dukkha, être uni à ce que l'on aime pas est dukkha, être séparé de ce que l'on aime
est dukkha, ne pas avoir ce que l'on désire est dukkha en résumé les cinq agrégats
d'attachement sont dukkha...
Voici ô bikkhus la Noble Vérité sur la cause de dukkha
C'est cette soif , ce désir ( ou tanhâ) qui produit le réexistence et le redevenir qui est liée à une avidité passionnée et qui trouve une nouvelle jouissance tantôt ici tantôt là... c'est à dire la soif des plaisirs des sens, la soif de l'existence et du devenir et la soif de la non-existence...
Voici ô bikkhus la noble vérité sur la cessation de dukkha
C'est la cessation complète de cette soif, la délaisser, y renoncer, s'en libérer, s'en détacher...
Voici ô bikkhus la noble vérité sur le sentier qui conduit à la cessation de dukkha
C'est le Noble sentier Octuple, à savoir: la vue juste, la pensée juste, la parole juste, l'action juste, le moyen d'existence juste, l'effort juste, l'action juste, le moyen d'existence juste, l'effort juste, l'attention juste, la concentration juste"
D'une certaine manière nous ne sommes pas loin du message
du Christ...
Que ce soit Lui ou Bouddha... tous les deux désirent l'Eveil... la Libération... la
Santé... et le Salut de tous...
Pas n'importe quel éveil... ou n'importe quelle libération...
mais un éveil à la Vie Véritable... au delà de la
souffrance et de la mort...
la liberté à l'égard du mal qui nous habite et qui
déchire le monde...
la réalisation d'une Paix qui surpasse
"toute connaissance"
Tous les deux sont des Thérapeutes( voir ce terme avec Philon d'Alexandrie)...
Bouddha est considéré dans toute l' Asie avant tout comme "le grand
médecin"... celui qui guérit l'homme de la souffrance et de ses causes...
Christ aussi était perçu ainsi dans toutes les villes où il passait ...et bien
plus encore dans les premiers siècles où souvent ordres religieux et hospices ou
hôpitaux étaient liés à ceux qui avaient faits voeux d'annoncer ou de célébrer
et glorifier Son message...
plus récemment Mère Thérésa suivit la même voie dans les mouroirs de Calcutta...
...santé et salut sont d'ailleurs synonymes...
c'est la même racine grecque: sotéria ...
cette "santé-salut" est éveil de l'homme à une Lumière qu'aucune ténèbre ne peut éteindre...
libération de l'homme de tout ce qui empêche en lui la manifestation de cette
Lumière...
Tous les deux nous invitent donc sur une voie de
lucidité...
non pas fuir la souffrance... mais la regarder en face... l'accepter...
non pour s'y complaire ...mais pour aller à travers elle
...au delà d'elle...
"Voici ô bikkhus la noble vérité sur dukkha.. la naissance est dukkha, la vieillesse est dukkha, être uni à ce que l'on aime pas est dukkha, être séparé de ce que l'on aime est dukkha, ne pas avoir ce que l'on désire est dukkha, en résumé les cinq agrégats d'attachements sont dukkha"
En Pali l'expression dukkha est l'inverse
de sukkha qui signifie bonheur... bien-être...
elle a sens de douleur... de peine... d'insatisfaction... d'impermanence...
... la maladie... la mort.. .la vieillesse... sont dukkha...
mais aussi ... l'insatisfaction qui ronge le coeur de l'homme... l' absurdité de la
condition humaine... un jour je pense ceci... le lendemain son inverse...
je fais pas le bien que je voudrais faire... mais je fais le mal que je ne veux
pas faire... etc... (comme l'a si bien décrit St Paul dans son texte fameux...)
" le cours de la
rivière qui va jamais ne tarit... et pourtant ce n'est jamais plus la même eau...
L'écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissipe... tantôt se reforme et il
n'est d'exemple qu'elle ait duré...
Ainsi advient-il des hommes et de leurs demeures qui sont en ce monde..."
dit le poête japonais dans ses
notes de l'ermitage...
De nombreux passages de l'évangile aussi nous rappellent
cette impermanence...
ainsi la parabole de l'homme qui amasse dans son grenier... est-il si certain que demain
se lèvera pour lui ?...
A quoi bon accumuler, avoir, savoir... et pouvoir... si on passe a côté de l'Essentiel... à côté de la Vie Véritable
? ...
Tout le reste n'est que buée et poursuite du vent...
...et il est si important de se remémorer au coeur de l'étreinte ou du bonheur:
" Il ne durera pas" ...
pourquoi s'attacher ?... se plaindre?... être jaloux ?
Il est également bon de s'en souvenir sur son lit
d'hôpital ...ou aux cours des absurdités qui nous sont parfois données de vivre...
" Cela aussi passera"...il n'y a pas de douleur éternelle !....
Le Bouddha dit que celui qui aurait compris cette première Noble Vérité,...
c'est à dire qui a fait l'expérience de l'impermanence des choses... de toutes choses...
n'est pas loin, sinon de la délivrance... du moins de la sérénité...
Rien n'existe vraiment... rien n'a d'existence par soi
même... d'où le malheur d'être né... et le Bouddha rejoint Job...
La naissance est dukkha....
Être ainsi dans cet état conditionné... avec pourtant en nous cette aspiration à
l'inconditionné...à l'Absolu et à l'Éternel ne va pas sans oppression... sans
angoisse...
La condition humaine est dukkha dans le sens ou elle n'est pas "le Tout "...
elle n'a pas l'Être ...
et comme le dit magnifiquement Grégoire de Nysse :"l'homme est
un être à qui manque l'Être "...
Ce que nous appelons ego... ou moi... ou individu...
tout cela dans la psychologie Bouddhiste n'est qu'une combinaison transitoire
d'éléments, de facteurs, d'événements en perpétuel changement...
Seule la succession ininterrompue des événements produit l'illusion d'une continuité
... d'une individualité... mais le moi n'a pas d'existence ... pas d'existence
autonome... indépendante des différents facteurs qui le constituent...
On se rappelle l'image du char employé par Bouddha: celui-ci est constitué de roues, de
planches, de clous...
mais enlevez les roues... les planches... et les clous... où est passé le char ?
De même enlevons les mémoires... les émotions... les sentiments,...les cellules... les
molécules et les atomes qui nous constituent... où sommes
nous ?
Il s'agit là d'une conception apte à séduire de nombreux
scientifiques ou biologistes ...
un peu plus de serotonine... un peu moins de dopamine... et notre humeur, notre caractère...
notre façon de percevoir les choses, les opinions et les autres change radicalement...
...suivant le taux sanguin de ces substances nous trouvons le monde beau ou laid...
sécurisant ou angoissant...
...pourtant le Réel lui ne change pas...
seul le "cache " qui nous le fait interpréter fonctionne
différemment...
là est le coeur du Bouddhisme... la
doctrine du non-moi ...Anattâ...
Ce que nous appelons un être humain n'est que l'agencement de facteurs interdépendants
...qui se font et se défont comme les nuages dans le vent...
La mort n'est que la défaite d'un nuage... sa dissolution bienheureuse dans une pure
Lumière...
Prendre pour Réalité ce qui n'est pas vraiment Réel...
faire d'une réalité relative une réalité absolue...
voila ce qui va engendrer la souffrance !....
Dans le langage biblique on va parler d'idolâtrie ...
le péché par excellence... et la cause de notre chute dans le malheur !...
prendre la partie pour le Tout... le reflet pour la Lumière,...le créé pour
l'Incréé... la créature pour le Créateur...
...autant d'expressions qui dénoncent notre tendance à absolutiser le relatif... et à
relativiser l'Absolu...
prendre pour l'être ce qui n'est pas l'être va devenir cause de toutes les déceptions
et insatisfactions de la condition humaine...
Puissions- nous ,nous aussi méditer sur cette impermanence comme nous y invite Bouddha... et un grand nombre de penseurs et de poêtes Bouddhistes ....
Rien n'existe vraiment... rien n'a d'existence en soi
même...
Impermanents sont les êtres...ils sont aussi insubstantiels...
même leurs composants les plus primitifs... même la matière... comme l'a si bien
montré la théorie des quantas... ( pour en savoir plus on suivra ce lien)
tantôt ici... tantôt là... ici et là... en fonction de la méthode d'observation...
tantôt onde... tantôt corpuscule... tantôt énergie... tantôt élément... un peu
comme une image télévisée qui apparaît cohérent et consistante alors qu'en fait elle
ne se compose que de points minuscules, fugaces et discontinus qui abusent notre vue...
Dans le Bouddhisme une personne n'existe que par convention... mais pas en
tant que réalité subjective... même le Bouddha dira: "je ne suis une réalité
pour personne"...
...illusion de l'Ego...
...il n'y a qu'une succession toujours renouvelée... des agrégats qui se font et se
défont au gré du temps...
et l'on peut chanter:
Il y a la misère mais il
n'y a pas de miséreux
Il n'y a pas d'agent, on ne trouve que l'action
Un chemin existe mais il n'y a pas de voyageur
Toutes les formations sont impermanentes
toutes les formations sont douleur
tous les éléments sont insubstantiels...
nous sommes de la buée comme disait lui aussi
l'Ecclésiaste......
une goutte d'eau au bord d'un seau...
un reflet... et non la lumière...
illusion d'une individualité ou d'une continuité...
...ce qui ne veut pas dire que pour nous Chrétiens...
que pour Lui nous n'existions pas ...
...mais certainement pas... à la manière dont nous le concevons à priori...
Oui... nous avons du prix à Ses yeux car
nous sommes uniques...et IL nous aime ainsi... mais le Bouddhisme le
nie-t-il vraiment ?
...ne cherche-t-il pas à détruire seulement ainsi l'idole
du moi ...
pour préparer cette vacuité de disponibilité...
...celle où un Suprême Seigneur pourrait venir si on l'appelle ?...
Après ce diagnostic sévère, Bouddha s'efforce d'expliquer ou de donner les causes plus profondes à la souffrance...
"Voici ô
bikkhus la noble vérité sur la cause de dukkha... c'est Tanha... cette soif , ce désir
qui produit la ré-existence et le re-devenir... qui est lié à une avidité passionnée
et qui trouve une nouvelle jouissance tantôt ici, tantôt là... c'est à dire la soif
des plaisirs des sens, la soif de l'existence et du devenir, la soif de la
non-existence..."
Vouloir vivre comme vouloir mourir sont des velléités
de
notre moi évanescent...
c'est la deuxième noble Vérité
la vie ne veut rien... elle est ce qu'elle est...
avec ou sans nous...
le désir !...voilà le coupable !
Tanha est intraduisible... il ne s'agit
évidement pas d'être sans désir... peut-on même exister sans le désir d'être ?
le meilleur moyen d'aller à la morosité et à la douleur qui lui est lié est de
perdre tout désir...
et L'éveillé lui -même disait que l'on pouvait au moins faire l'éloge
du " désir d'être sans désir"...
donc du désir de se libérer...
...et même du désir du bien être de tous les vivants...
En fait Tanha est le désir de l'affirmation de soi... au
dépens de ce qui nous entoure...
c'est l' attitude ego -centrée...
c'est la partie qui s'affirme contre le tout...
De nouveau idolâtrie..
idolâtrie de soi... qui oriente l'action autour du bien être de cette partie que
j'appelle moi...
le plus souvent au dépend de la totalité à laquelle ce moi pourrait participer...
Tout doit tourner autour de cet ego que l'analyse m'a
révélé comme illusoire...
affirmation de quelque chose qui n'existe pas "dans l'absolu"?...
cela ne peut se faire sans malaise... sans inquiétude ... sans enchaînements...
dans ses degrés les plus intenses cette maladie est la Paranoïa... une inflation de
l'ego...
bien loin du sain narcissisme...
ou de la conscience amusée et étonnée de notre identité relative...
Je cherche tout ce qui peut conforter
mon ego...
je recherche le plaisir ou je tente de m'éprouver, de me sentir moi-même...
Je fuis tout ce qui pourrait remettre en cause la puissance
de mon ego...
je fuis la douleur... et les blessures narcissiques qui pourraient pourtant me délivrer
de mes substituts... ou de mes identités illusoires...
de mes nombreux masques souvent inconscients......
vivant ainsi dans l'attraction et la répulsion... je ne suis jamais rassuré...
jamais en Paix...
D'un point de vue Bouddhiste tous les malheurs du monde... les souffrances et les querelles individuelles, les conflits familiaux... les incompréhensions sociales, les guerres... ont leur racine dans cette volonté d'appropriation... et dans cet appétit sans fin de l'ego...
On pourrait montrer qu'une économie fondée sur les
satisfactions de l'ego ne peut que conduire à une impasse...
mais avant de changer la société il faut changer l'homme...
Changer l'homme c'est d'abord changer l'image qu'il a de lui même...
Existe -t-il une vision non ego-centrique de l'homme ?...
une façon non ego centré par exemple de vivre la douleur ?
...
est-ce possible quand la douleur justement c'est ce qui nous ramène ...et nous réduit à
nos limites ? ...
Existe-t-il une approche cosmo-centré de la douleur
et du plaisir ?
C'est une des clés de la sérénité de certains sages devant la mort...
Le moi qui souffre ou qui a des angoisses ou qui meurt n'est pas le plus important... ce
n'est plus le centre du monde...
chaque particule du monde est redevenue le centre du monde...
chaque instant vécu en Lui est recentré...
le Centre est partout.. .la circonférence nulle part ( Pascal)
Être de désir l'homme n'a que deux voies pour arriver au
bonheur ...
la première serait de donner pleine satisfaction à tous les désirs qui le
tourmentent... ce qui est radicalement impossible vu l'universelle impermanence et
précarité...
Il ne reste donc que la seconde voie celle que propose la troisième noble vérité...
supprimer toute douleur en supprimant tout désir...
qui n'a plus de désir n'a plus de douleur...
...mais pour en arriver là il faut une longue lutte contre l'illusion...
Nous sommes bien là aussi très
proche du Christianisme...
tant en fait c'est l'attitude ego-centrée de l'homme qui dans les deux cas empêche
l'appréhension de la Réalité telle qu'elle Est...
et la manifestation de la Vie Véritable...
Il convient de supprimer la vision ego-centrique de
l'homme qui érige l'ego comme seul juge et critère du bien et du mal...
"Ne jugez pas !" disait Jésus...
On peut alors se poser la question quelle est cette Vie Véritable ?...
qu'est-ce que cet état d'éveil ?... de cette liberté dont nous parlons ?...
3e noble vérité:
" Voici ô bikkhus la noble vérité sur la cessation de dukkha... c'est la cessation complète de cette soif, tanha: la délaisser, y renoncer, s'en libérer, s'en détacher... "
Le Bouddha affirme qu'il existe un affranchissement...
une libération des souffrances de dukkha...
une libération qui est la fin de tanha...
de cette lutte de l'ego pour se maintenir et se faire reconnaître...
la fin de l'illusion et de l'ignorance...
c'est le Grand Eveil......
c'est Nirvana...
Nirvana... veut dire arrêt... cessation...
il n'y a plus de vent pour attiser la braise...
Dans le mot Shabbat en hébreux... il y a aussi cette dimension de Paix et de Repos ...
l'Hèsychia des Pères grecs...
...
que l'homme arrête la course folle de son désir... de son ego...
qu'il respecte le Shabbat...
le jour le plus important...
le jour de l'achèvement de la création...
Arrêtez ! sachez que je Suis ! tonne le Très Haut dans la Bible !
...dans cet arrêt peut apparaître alors ce qui Est...
... sans entraves ...appropriations ou projections...
A plusieurs reprises le Bouddha proclame...
" Il y a un non-né... un
non-produit... un non fait... un inconditionné... c'est Nirvana le domaine sans tache qui
échappe à la mort et n'est pas forgé par la pensée...
...ainsi il existe une issue pour ce qui est né... produit... fait... composé...
Pour ce qui est né, causé, produit... pour ce qui ne se lasse pas de chercher son
plaisir... la paisible issue est "au-delà "du raisonnement, stable, non née,
non produite, sans souci...
c'est le domaine immaculé... la cessation des affirmations... l'apaisement des tendances fabricatrices... le bonheur
véritable... ( Itivuttaka, II,6)
S'il n'y avait pas Nirvana, il n'y aurait pas d'issue à la
condition humaine ..
.nous serions enfermé dans dukkha et la vie serait un enfer...
Mais il y a une sortie possible...
l'expérience d'un état non conditionné, non né, non créé...
d'un état de liberté totale : le Nirvana ...
Absolu où s'éteint la haine, le feu du désir... et de l'illusion...
Ce Nirvana le Bouddha l'appelle en effet l'Absolu
" ô bikkhus qu'est-ce que l'Absolu ?... C'est ô bikkhus l'extinction du désir, l'extinction de la haine, l'extinction de l'illusion... cela ô bikkhus est appelé Absolu"
Ainsi renoncer.. se libérer, se détacher de Tanha.. du désir ego-centré... ne plus entretenir les illusions de l'ego...
Un autre terme est synonyme de Nirvana c'est mukti
ou mutti en Pali...
c'est à dire la liberté vis à vis des "conditionnement de l'ego"...
des limitations produites par le désir ou les fixations comme la haine et l'illusion...
Le Bouddha décrit ainsi l'homme en "nirvana" homme ouvert, éveillé, délivré... et vivant !
" lorsqu'il éprouve une
sensation plaisante il sait que cela est impermanent... que cela ne l'attache pas... que
cela n'est pas éprouvé avec passion....quelque soit la sensation il l'éprouve sans y
être attaché... Il sait que ces sensations s'apaiseront avec la dissolution du corps...
comme s'éteint la flamme d'une lampe lorsque l'huile et la mèche viennent à manquer...
Par conséquent ô bikkhus, une personne ainsi pourvue possède la Sagesse absolue... car
la connaissance de l'extinction de tout dukkha est la Noble Sagesse absolue...
Sa délivrance fondée sur la vérité est inébranlable ô bikkhus... ce qui n'est pas
n'est pas... ce qui est est !
Ô bikkhus une personne ainsi pourvue est pourvue de la Vérité absolue... car la Noble
Vérité absolue est Nirvana... qui est ce qui est ( la réalité)"
" Nirvana c'est voir l'état des choses telles qu'elles sont"
Oui...
Voir les choses telles qu'elles sont... voir ce qui est...
sans désir... sans crainte... sans illusion... sans ignorance...
Ouvrir les yeux à ce qui est... et ne rien ajouter à ce qui est...
...ni désir... ni illusion... ni mémoire...
...et dans la clarté même des choses, des événements... découvrir la Lumière qui ne
passe pas...
Demeurer dans l'Ouvert...
Que nous sommes près là aussi de l'Evangile...
" <<Que votre oui soit oui... que votre non soit non... tout ce que vous
dites de plus vient du mauvais... >>on pourrait traduire tout ce qui est est, tout
ce qui non-est non -est......ce qui est est... ce qui n'est pas n'est pas ...tout le
reste et un rajout... une illusion... un mensonge... il vient du Menteur... ou du
mental... projections de nos mémoires... de notre ego..."
Dans la première épitre de Jean il nous est dit que nous
serons semblables à Dieu parce que nous Le verrons tel qu'IL EST...
tel qu'Il Est ...et non pas tel que nous le pensons ou l'imaginons....
Et cette vision de Dieu a déjà commencé nous dit Jésus
dans St Jean...
Celui qui croit a la Vie éternelle...
et ce que St Jean appelle la Vie éternelle n'est pas quelque chose qui vient après...
mais c'est la dimension d'éternité qui habite la vie présente...
Ainsi au coeur même des difficultés, des souffrances, des
maladies de notre condition mortelle... il y a ce "non-né, non-fait,
non-créé."..
C'est sur l'expérience de "cela" que Bouddha se fonde pour affirmer qu'il
existe une issue...
et il s'agit de s'établir dans cette conscience par la pratique et la méditation...
pour être d'une certaine façon libre à l'égard de la souffrance... de la maladie et de
la mort...
cette pratique est la 4e vérité
" Voici ô bikkhus la
noble vérité sur le Sentier qui conduit à la cessation de dukkha
C'est le noble sentier octuple à savoir: la vue juste, la pensée juste,, la parole
juste, l'action juste, le moyen d'existence juste, l'effort juste, l'attention juste, la
concentration juste
Il est deux extrèmes ô Bikkhus qui doivent être évités par un moine. Quels sont-ils ?...S'attacher aux plaisirs des sens, ce qui est bas, vulgaire, terrestre, ignoble... et engendre de mauvaises conséquences, et s'adonner aux mortifications... ce qui est pénible, ignoble et engendre de mauvaises conséquences.
Evitant ces deux extrèmes ô bikkhus le Tathagata( celui qui est ce qu'il est) a découvert le chemin du milieu qui donne la vision, la connaissance, qui conduit à la Paix, à la Sagesse, à l'éveil et au Nirvana
Et quel est ô bikkhus ce chemin du Milieu que le Tathagata a découvert et qui donne la vision, la connaissance et conduit à la Paix, à la sagesse, à l'éveil et au Nirvana ? C'est le noble sentier octuple, à savoir: la vie juste, la pensée juste, la parole juste, l'action juste, le moyen d'existence juste, l'effort juste, l'attention juste, la concentration juste.
Ceci ô bikkhus est le
Chemin du Milieu que le Tathagata a découvert, qui donne la vision, la connaissance, qui
conduit à la paix, à la sagesse à l'éveil et au Nirvana."
Ce que propose le Bouddha est avant tout une attitude d'attention
à ce qui est...
une façon de s'ajuster au Réel dans ce qu'il peut avoir d'agréable ou de désagréable
... et d'éviter les extrèmes dans lesquels nous conduisent l'attraction et la
répulsion....
Cette Voie du milieu n'est pas celle de l'entre-deux, du non choix ou de
l'indifférence...
c'est celle d'une adhésion à ce qui est... sans en rajouter. ..
Le Bouddha n'est pas le seul à être pleinement
attentif à l'acte au moment où il est accompli... à la pensée au moment même ou elle
traverse l'esprit,...à la pulsion au moment même ou elle ébranle le corps... à l'amour
au moment même ou il s'éveille en notre coeur... au Souffle au moment même ou il nous
donne d'inspirer ou d'expirer...
celui qui vit le présent se trouve dans la Vie réelle,
il pourra devenir réellement heureux...
Quand on demandait au Bouddha pourquoi ses disciples qui menaient une vie apparemment austère étaient si radieux.. il répondait:
"Ils ne se repentent
pas du passé, ne se préoccupent pas de l'avenir, vivent dans le présent... C'est
pourquoi ils sont radieux...
En se préoccupant de l'avenir et en se repentant du passé les sots se dessèchent
comme
des roseaux verts coupés au soleil "
Cela me fait penser à la parole de Jésus:" Regardez les oiseaux ou les lys des champs..."
...ou à cette phrase du Père Varillon: " une main pour contempler et louer pour ce que nous vivons...une main pour apaiser et supplier devant la misère de l'homme...les deux pieds enracinés dans le présent..."
Vivons nous assez dans le présent ?...
Les commençants ont évidement besoin de passer par
l'étape initiale de mettre leur foi dans le Bouddha et de prendre refuge en lui:
" Je prends refuge dans le Bouddha, je prend refuge dans le Dharma ( la loi), je
prends refuge dans le Sangha ( communauté monastique...)"
foi donnée...volonté droite et affirmée tendue vers la
libération...
"quitter tout"...pour trouver la perle précieuse..
...celà suscite respect et admiration...
ce sont les deux premières étapes de l'octuple
chemin:
"façon de voir pure et intention pure" qui marquent les dispositions
essentielles du pèlerin de l'Ultime...
les trois suivantes", langage, action ,moyen d'existence" indiquent
l'ordre concret qu'il faut mettre dans sa vie...
le langage devra éviter le mensonge et la violence,
de l'action doivent disparaitre le vol, l'impureté, la violence, l'ivresse ainsi que les
mondanités: sièges d'honneur, parfums, usage de l'argent... et autres hochets...
Les trois derniers englobent la recherche spirituelle et mystique elle même...
application et concentration de l'esprit...
contrôle et vidage progressif de la mémoire ...
...et enfin méditation bouddhique ...c'est à dire
travailler à expulser peu à peu l'illusion de l'esprit et la passion du coeur
L'on parcourt ainsi 5 stades...
dans le premier on observe simplement les interdits
simples: pas de plaisirs, pas d'or etc de manière à acquérir une certaine maîtrise de
soi et une vue moins vive de la personne illusoire ...
Puis c'est une méditation sur l'horrible qui est proposée... vision de cadavres se consumant en quelque bûcher crématoire... de manière à ressentir physiquement l'impermanence...
Puis vient une Méditation approfondie sur les 4 vérités... ( que nous avons déjà énoncées...)
Ensuite le cheminant pénétre dans un monde de
contact direct, d'intuition globale, de compréhension immédiate, d'où jaillit le Jugement
clair et la vue infaillible...
on laisse derrière soi le monde du désir puis le monde des formes subtiles, et enfin le
monde qui ne comprend plus de formes...
le Mystique décèle à chaque fois la présence de la douleur... il l'éprouve... la
discerne, l'exorcise... et la détruit...
Il est prêt alors à rentrer dans
le 4e stade...
Ayant anéanti par sa vision tout le non soi même immatériel, il se trouve face à face
avec cet objet, le plus proche qui soit:... son propre soi passionné... et surtout
la menace de ces deux états fondamentaux: l'amour et la haine...
Monde intérieur aussi perturbant que les mondes extérieurs délaissés...
rude conflit... lent travail de destruction intérieur...
on ne repère pas moins de 162 moments ou étapes...
au 163e le chercheur passé au delà de l'effort... parcourt la voie sans
effort...
Il est entré alors dans le 5e stade... en lui toutes les passions... tous les désirs ont disparu jusqu'aux racines... le délivré ne renaîtra plus...
4 extases l'envahiront alors... dont la plus haute
introduit le chercheur dans des sphères d'infinité... il pourra s'écrier..."
infini est l'espace !, puis infini est la connaissance !,"...
...puis passera par des sphères de négation ou n'existent plus ni espace ni
connaissance...
... il abordera ensuite la sphère de la non-conscience...
...pour arriver finalement à un ultime état celui de la "ni-non
conscience, ni conscience"...
plus alors de connaissance discursive ni même de discernement global du Réel qui
dissout tout en impermanent... insubstantiel, douloureux...
le désenchantement surgit en lui de manière fulgurante...
mais existe-t-il encore un lui... ou un soi ?
Le nirvana est atteint même dans le
vivant ...
Il n'est nullement en connexion avec l'espace -temps qui régit les hommes
Bouddha après son illumination terrestre est demeuré en ce monde 45 ans pour prêcher la
Loi...
... quand meurt un Bouddha non seulement son Nirvana ne cesse pas, mais il perdure
sans nul conditionnement résiduel...
extinction du désir... éveil... en quoi consiste-t-il
véritablement... la question demeure floue pour nous les occidentaux...
De même
qu'un lotus, qu'il soit bleu rose ou blanc
Bien qu'il soit né dans l'eau, ai grandit dans l'eau
Quand il atteint la surface hors de l'eau se dresse
Sans être
souillé par cette eau
Ainsi moi aussi ô brahmanes
bien que né dans le monde et grandi dans le monde
désormais j'ai vaincu le monde et je demeure
Sans être souillé par le monde....
Comme un lotus pur, admirable
par les eaux
n'est pas souillé
je ne suis pas souillé par le monde
C'est pourquoi je suis l'éveillé
(Anguttara-Nikaya)
...alors annihilation totale ? rejetant l'idée même de l'âme?
En fait à la suite de La Vallée-Poussin on
peut estimer que les Bouddhistes sont des Mystiques
familiers avec l'ineffable qui n'est ni-existence, ni non-existence...
on ne peut leur prêter nos notions d'être et de néant ...
ni même la rigueur d'une pensée rompue à l'analyse et à la déduction toute
occidentale)...
Nul ne peut
le mesurer... pour parler de lui pas de paroles...
Ce que l'esprit pouvait concevoir s'évanouit
Tout chemin est fermé au langage ( Udana)
Mais ce qui frappe c'est que tous les exégètes, tous les
textes traitant de la question affirment que par le Nirvana on parvient au bonheur...
ce qui réfute un néant total...
sinon quel support à ce bonheur ?
au terme du travail de purification et de destruction... ils ont tous rencontré une Réalité "au delà" de la vie consciente...
ils ont échappé au moi apparent... pour arriver au Soi Absolu
( c'est du moins ce que pense Maritain)
via négationis... qui use du vide et de l'abolition...
pour connaître comme inconnue l'existence substantielle de l'âme...
l'obtention surgit de manière si spontanée qu'elle semble mystérieusement donnée
et passivement reçue... comme dans un acte de Grâce ?
c'est l'illumination
Le vide n'est ainsi qu' un moyen formel de l'Expérience...
" Cette expérience négative en atteignant
l'esse substantiel de l'âme, atteint à la fois et indistinctement cette existence
de l'âme , l'exister dans son ampleur métaphysique, et les sources de l'exister...
L'existence de l'âme concrètement prise en tant même qu'exercice de
l'effectuation extra-nihil est quelque chose qui émane... et qui est parcouru par un
influx dont il tient tout...
Cet influx n'est pas certes expérimenté en lui même... mais l'effet qu'il produit
dans et par cet effet l'est ..."
( Maritain expériences mystique naturelle et le vide)
Ainsi l'expérience Bouddhiste ultime du vide...
serait exactement la face négative exprimable d'une face positive
indicible..
.
Le chercheur ferait hommage et rendrait témoignage sans le savoir à "un Ultime Inconnu positif."
Ce qu'il exprime comme néantisation il le vivrait comme
plénitude impliquée et béatifiante...
et le Dhammapada d'entonner:
Dans le
bonheur nous vivons
sans haine parmi ceux qui haïssent
Sans haine parmi les hommes qui haïssent
Nous avons pris résidence
Dans le
bonheur constant nous vivons
En robuste santé parmi les souffreteux
parmi les multitudes de malades
Nous avons pris résidence
En parfait
bonheur nous vivons
Sans convoitise parmi les convoiteux
Parmi les gens brûlés de convoitise
Sans convoitise nous avons pris résidence
En parfait bonheur nous vivons
Nous qui
n'avons nulle mauvaise passion
Comme les dieux d'un Séjour rayonnant...