Hanga roa est le petit port où l'on débarque et où Kalliste pu se reposer du long voyage, une petite crique y permet aussi la baignade
on peut y flâner et y méditer en paix au son des reflets et et aux couleurs du doux balancement des barques multicolores
à marée basse...
Ce qui nous
a tout de suite appelé ce sont les espaces de lande...
ces immenses
surfaces qui font penser à la Mongolie et qui donnent à cette île mystérieuse un style épuré,
dépeuplé, désolé et sauvage
Le ciel y
est partout immense et la mer visible
et l'horizon largement ouvert invite à l'espace et à courir à l'infini
Si,
choisissant parmi tes dons et destructions,
Océan, je pouvais destiner à mes mains
une mesure, un fruit ou un ferment,
je prendrais ton repos distant, les nervures de ton
acier,
ton étendue gardée par l'air et par la nuit,
et l'énergie de ton langage blanc
qui saccage et renverse ses colonnes
en sa pureté faite ruines.
Ce n'est pas la
dernière vague avec son poids de sel
qui triture les côtes et qui instaure
la paix de sable autour du monde
c'est le volume central de la force,
c'est la puissance des eaux déployée,
la solitude immobile et pleine de vies.
Temps, peut-être, ou encore coupe accumulée
de tout mouvement, unité pure
non scellée par la mort, viscère vert
de la totalité brûlante.
Du bras englouti qui lève une goutte
il reste seulement un baiser de sel, et des corps
de l'homme sur tes rivages, un humide
parfum de fleur mouillée. Ton énergie
semble glisser sans jamais être usée
et retourner à son repos.
La
vague par toi libérée,
arc répété, plume étoilée,
en déferlant ne fut qu'écume
et put renaître sans se consumer.
Ta force redevient, tout entière, origine.
Tu livres seulement des restes triturés,
pelures que ta cargaison a écartées,
tout ce qui fut expulsé par ton abondance,
tout ce qui a cessé d'être grappe déjà.
Ta statue s'allonge au-delà des vagues.
Vivante
et ordonnée tels la poitrine et le manteau
d'un seul être, et son souffle, son haleine
hissés dans l'élément de la lumière,
ces plaines que les vagues lèvent
forment la peau à nu de la planète.
Tu remplis ton être avec ta substance.
Tu combles la courbure du silence.
Avec ton sel, avec ton miel tremble la coupe,
la cavité de l'eau, universelle.
Rien ne te manque, comme il ne manque rien
au cratère écorché, au verre volcanique
cimes vides, cicatrices, signaux qui surveillent l'air mutilé.
Contre le monde vibrent tes pétales,
tes céréales tremblent, sous-marines,
les algues douces accrochent leur menace,
les écoles naviguent et pullulent,
et seule monte jusqu'au fil des nasses
la fulguration morte de l'écaille,
millimètre blessé dans la distance
de tes totalités
cristallines.
Pablo Neruda
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