Plus loin nous
avons obliqué dans une petite crique ( affluent) sombre et aussitôt le
chien flairant un "cochon bois"... se mis à s'agiter et à japer ....
Plusieurs indiens se jetèrent dans les broussailles la rive puis...deux
détonations... c'en était fait du pauvre cochon...
successivement un Tapir... et un singe roux... subirent le même sort...
avec dépeçage immédiat et sanglant dans l'eau pour pouvoir être "boucané"
(fumé) et
donc conservé avant le retour...
Alors que
pendant le repas chacun excité par le sang racontait ses exploits nous
préférâmes manger en silence et admirer les magnifiques fleurs épiphytes qui
s'épanouissent sur le tronc des arbres...
peut-être une forme de pardon...
et quand nous repérâmes un magnifique iguane se dorant au solei sur le dessus
d'une branche nous ne dîmes mot... car sa chair est excellente... mais à nos yeux
sa beauté est encore plus belle.....
certes il faut bien manger... mais la chasse m'a toujours parue excessive... un
exutoire peut-être... prêt à libérer tous les ressorts de cruauté que nous
possédons en nous...
il me semble qu'avec le
cochon bois tout le monde aurait eu à manger le soir... et le lendemain se
contenter d' oeufs... ou de la petite friture...
Plutôt que d'entendre les gémissement de se pauvre cousin roux... puis plus tard
de ces atèle... un groupe attiré et trompé par des chasseurs rusés en imitant leurs cris..et abattu ..
l'un après l'autre mères y
comprises avec leurs petits encore agrippés à la mamelle...
des petits pleurants comme des nouveaux nés et achevés à coup de crosses
insoutenables pour nous de l'occident...
n'est-ce point nos cousins ?... dont certains sont apprivoisés par les enfants du village leur
servent de compagnons affectifs...
certes la chair est bonne et délicieuse ressemble à celle du lapin... mais
vraiment rien ne mérite un tel massacre...
de pauvres bêtes gémissant comme des bébés, pleurants, suppliants... et s'agrippant
désespérémentts aux
branches salvatrices... avant de tomber ... à bout de forces... comme les fruits
d'un holocauste de cruauté...
victimes expiatoires...
Nat ,
soudain écoeuré jeta derechef son arc au
fond de la pirogue soudain écoeuré...
et Jess s'intéressa à quelques belles chenilles et Cérambycidés...ainsi qu'à une
termitière...il était depuis longtemps ailleurs...
L'ensemble de la viande fut dépecée mise à
boucaner sur des
rondins de bois... dans une odeur écoeurante...
l'ambiance était lourde et le retour plus tôt que prévu... bienvenu...
Un couple d'aras et plusieurs toucans
à portée de fusils ne durent leur survie qu'aux interventions de Jess ou de Nat... qui
crièrent qu'ils ne voulaient pas...
et que STOP ! UWA ! ça suffisait ...ça suffisait
Ënëkunmala wai ! on en voulait pas !
pourquoi ne pas se contenter des oeufs d'iguanes... si facilement repérable sur
le sable et qu'il suffisait de déterrer ?
...
Le retour se fit en silence , visages fermés, chacun ruminant intérieurement sans chant ... au point que les femmes et ceux qui étaient restés crurent que la chasse avait été mauvaise
Prétextant
la fatigue nous déclinâmes toutes les invitations du soir... nous
nous contentâmes d'un bouillon de légumes et un peu de cassave...
Nat ne voulut pas aller chez son "papy"
et à la stupéfaction générale après avoir brisé son arc alla, blême le jeter
devant le carbet du chef avec le carquois...
Nos hôtes étaient gênés... mais respectaient notre besoin de silence...
Nat se coucha tôt... alors que Jess qui n'avait rien voulu manger se leva le
visage fermé pour disparaître dans l'obscurité déjà tombée... je
savais ce que cela voulait dire...
Un des jeunes vint me prévenir qu'il
l'avait vu emprunter une pirogue
et qu'il avait été aperçu sur une crique près d' un village un peu plus bas...
Je me contentait d'allumer un feu en haut de la berge...
et indiquais à nos amis
surpris de ne pas trop s'inquiéter... et surtout...surtout de ne rien faire...
de le laisser seul... il avait des yoloks ( mauvais esprits) à combattre cette nuit
à ma grande surprise ils comprirent et n'insistèrent point...
Les nuits son fraîches près du Maroni... mais le feu tiède et la certitude de
connaître Jess me tinrent compagnie...
toute la nuit...
et alors que seuls des braises illuminaient encore et que la clarté de l'aube
commençait à teindre l'horizon ...un bruit de clapotis et une ombre
furtive me sortirent de ma somnolence et signala la fin de mon épreuve...
et le retour de
mon petit frère de sang...
Je m'étais enroulés dans la moustiquaire à côté du feu avec une couverture...
il
vint se serrer contre moi transis... encore humide de pleurs...
"serre moi ...ou chasse moi... je comprendrai..." sanglota-t-il
Les vibrations de son corps indiquaient de quelle souffrance il
avait revécu les atrocités de cette journée qui se mêlant avec celles
enregistrées dans ses fibres les plus profondes étaient devenues rapidement
insupportables...
et comme je lui ouvrais une place dans la moustiquaire il me dit à l'oreille
"-plus jamais...cela... plus jamais..."
"-plus jamais" lui murmurai-je dans le cou avant de m'endormir pour quelques heures apaisé
Le lendemain si visite il y eu elles se firent discrètes...
personne ne nous dérangea...
et ce n'est que vers 10 heures qu'un des jeune se risqua à me dire que l'arc et les
flèches de Nat étaient sur le kolo kolo ( tabouret) du chef...
un cadeau ne se reprend pas ...
le fait qu'il soit sur le tabouret
était une invite à en parler...
....et l'arc avait été réparé...il était neuf
restait à convaincre Nat...
Que voulez-vous faire maintenant ?