L'après midi après la sieste.. plusieurs ados sont venus nous voir au pied des hamac...
un besoin de se confier... de se dire... d'échanger...
ainsi s'est créée une habitude...
 on y prend le thé... et on parle de l'occident... fascinés qu'ils sont par ce monde des hommes blancs dont la vertu principale est selon eux le courage ????
se sentant rejetés aussi
complexés et honteux d'être indiens...
 pourquoi ?
mais en réalité fier à l'intérieur
j'ai remarqué cela partout où je suis passé en Asie ou ailleurs
et cela m'a toujours embarrassé...

rassemblement sous notre carbet
Guy et Cannelle logent en haut

 

Mais à la fois si on ne joue pas ce rôle "prééminent"  de grand frère qui a "réussi"  on passe pour un faux blanc et on vous méprise...
c'est dur de rectifier une image... surtout celle d'une idole... quand on pense que ça n'en est pas une

J'ai essayé de faire comprendre que nous "ermites" étions à l'écart de ce monde d' occident
que nous le rejetions par bien des aspects...
 car il faisait beaucoup de mal et broyait beaucoup d'êtres...
et étions en recherche d'autre chose... de vrai
trésors dont ils possédaient quelques clés sans même même le savoir...
du moins consciemment

L'inverse est bien sûr vrai 

Pour l'occidental seul son être semble  avoir de l'importance
mais en orient point... ce n'est qu'une illusion ou un moment à passer
un jeu divin
comment expliquer autrement les attentas suicides ou la valorisation des suicides...
 jusque dans la société des wayanas même...( même s'il y a aussi d'autres raisons : broyage social, intoxication par le mercure etc...)
et içi on est proche de cette conception

relativité.... essentielle...

Nous leur avons expliqué que nous souhaitions en échange retrouver une écoute et une harmonie avec la nature que nous avions perdue... qu'eux pratiquent sans même y penser
... et c'est pourquoi nous venions les voir...
 et prenions plaisir "à être là" tout simplement avec eux...

 Comprendre comment on pourrait retrouver ce qu'eux ont su si bien garder...
c'est cela qu'ils ressentent aussi profondément à chaque fois qu'ils essayent de s'intégrer et de se dire au monde des blancs
 et qui soudain leur manque et se dérobe sous leurs pieds... rendant leur vie difficile en milieu "civilisé"

...ils ont  alors l'impression de perdre  de leur moelle , de leur substance , de ce qu'ils sont...
...et nous nous comprenons...

même si ce ne sont pas des choses qui se disent mais se vivent
les occidentaux  sont des êtres de langage...  de concepts... quitte à le dénaturer souvent ...ou de le rendre vide et creux...

J'aurai l'occasion au cours de ce séjour d'éprouver toute la force de l'étreinte, du contact physique, du corps à corps qui à mes yeux est nécessaire pour communiquer véritablement avec les êtres...  avec l'autre... le tout autre...
pour les éprouver, les ressentir vraiment.. dans sleur singularité essentielle....en un dialogue dénué de paroles...
Souvenez-vous de l'épisode du combat de Jacob avec l'ange..
.c'est de cela qui voulait se dire...
tout comme Isaac avait besoin du contact de Jacob ou d'Esaü pour les bénir...

*

 

Quand Nat est revenu après avoir été manger avec  "Tamo" "Papy" le grand chef  et arborait fièrement le  "calimbé "rouge ( pagne traditionnel) que lui avait  coupé et cousu la femme de celui-ci... ( Kuni ou Mamy) et un joli collier de perles ras le cou...
avec une grenouille tissée multicolore... symbole de  Pëlë... la grand mère archétypique qui dans la mythologie apporta à  Kuyuli le démiurge le feu et sauvera les enfants de sa belle-fille la tortue... ce qui permettra la vengeance de ceux-ci..et la saga de l'origine du monde " Ëtïtopompë Phtëlë" [1]
Pas un peu fier qu'il était ti nat !... "sauf que comme ya plein de moustique... ça protège forcément moins bien qu'un jean" (dixit) ...
"alors a fallu soigner à l'Apaisyl..." "plus de 100 cloques qu'yavait sur les fesses ! de t'i nat"
.."...heureusement que Titus était là avec sa pharmacie...
on allait quand même pas appeler le chaman pour si peu...!"

 

 

J'avoue que c'est le seul vrai inconvénient içi...

Sa nouvelle Grand M'ma lui a même donné une paire de claquettes en plastique  pour qu'il n'aille pas se faire piquer par une raie ( sika) dans le fleuve... sur les bancc de sables c'est très fréquent... faut faire attention car la piqûre est terrible !

Tout en se faisant câliner il m'a aussi demandé l'autorisation de loger chez ses "grands parents"

" -bien sûr que oui... t'i Nat !..."

"- sauf que t'y seras pas...et  qu'y aura pas les copains là bas hein...?  dis Titus...?"

"- Sûr...Mais tu passeras les voir en descendant le matin... et puis  il y a Etiplo et Pupoli...et ça fera plaisir à Papy."

"-j'viendrai de temps en temps coucher avec Jess et Igor..."

"- dis... demain on va faire du foot  ce sera chouette!... tu viendras avec Jess hein ?...pour arbitrer ?"

"J'essaierai..."

"- Bon j'vais m'entraîner ..faut qu'je fasse bonne impression..."

" -force pas trop Nat... t'en fait beaucoup en ce moment..."

 

 

Nos moeurs sont différents des vôtres

La vue de vos villes
fait mal aux yeux de l'indien
Mais peut-être est-ce parce qu'il est un sauvage
sensé ne rien comprendre

Il n'y a aucun endroit paisible
dans les villes de l'homme blanc

Pas d'endroit pour entendre les feuilles
se dérouler au printemps
ou le froissement d'aile d'un insecte

Mais peut-être est-ce par ce que je suis un sauvage
et ne comprend rien

Le vacarme semble seulement une insulte aux oreilles

Quel intérête de vivre
si l'homme ne peut entendre le cri solitaire de l'oiseau
ou les palabres des crapauds autour du fleuve la nuit ?

Mais ...je suis un indien
et je ne comprends pas

Moi l'indien je préfère le son doux du vent
s'élançant comme une flèche sur la surface du fleuve
et son odeur elle même
lavée par la pluie de l'après midi
ou parfumée part l'odeur de l'arbre

L'air est l'ami de l'indien
car tout être partage le même souffle
la bête, l'arbre, l'homme, la fleur
tous partagent le même souffle

Communion

 

Nat frime en "calimbé"

[1]
Kuyuli/Umale le démiurge (son nom change selon l'histoire), eut quatre femmes

La première est une jeune femme, Salumakani, qu'il engrosse de façon magique, sans copuler  et sera dévorée par les félins après avoir longuement cheminé, sous forme de tortue, pour le rejoindre
Elle donnera naissance aux enfants de Kuyuli, qui la vengeront en tuant les félins/gens des félins.

La seconde femme est son épouse humaine, laquelle, dégoûtée par les lésions cutanées qui le défigurent, le trompe publiquement : cet acte va déboucher sur l'inondation générale ( sorte de déluge), laquelle provoquera la disparition des premiers humains, mais donnera naissance aux poissons (descendants des enfants que Kuyuli a eu avec son épouse légitime), aux oiseaux (gardiens de sa nasse) et aux serpents.

La troisième « épouse » est sa tante / belle-mère : par cette forme extrême d'adultère, le démiurge se venge et manifeste sa toute puissance en la transformant en esprit.

La dernière « femme » du récit est sa « grand-mère », le crapaud pëlë. C'est elle, seule rescapée de l'inondation avec les enfants de Salumakani et Kuyuli lui-même, qui offrira le feu à ce dernier et sauvera les enfants de la tortue : l'histoire de la vengeance de ces derniers constitue un des principaux épisodes de la saga. et explique la construction d'un "nouveau monde" moins parfait que le premeir et qui est le nôtre

Pour plus de compléments lire le livre magnifique de Jean Chapuis et Hervé Rivière :Wayana eïtoponpë paru aux éditions Ibis rouge

 

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