Position ce matin dimanche
en pointillé le trajet prévu après les Canaries avec étape à Madère (
interuption)
jJours de mer |
18 |
Distance parcourue hier |
168 miles |
Distance depuis le départ( retour) |
3097 miles |
Cap suivi |
75 |
Vitesse moyenne sur 24 heures |
7 noeuds (13km/h) |
Conditions de navigation |
Vent stabilisé au NE 10 noeuds , navigation petit largue babord avec toute la toile |
Condition de vie à bord |
mer grosse avec vagues et lames de 3 mètres écumantes de travers babord, bien encaissées et supportables |
Position satellite du jour avec zoom grâce à Google Maps ( cliquer)
Dimanche 24 Septembre
Le bruit de la mer
est constant et l'ouïe est le seul sens à prendre son plaisir 24 heures sur 24.
Même quand on dort : la preuve en est qu'il suffit que le bruit change
pour que l'on se réveille.
Combien de fois, de la couchette navigateur, une
erreur de barre, une saute légère de vent m'ont tiré de mon sommeil,
simplement
parce que le chant de la mer et la complainte de l'eau contre la coque avaient
pris un bémol ou un dièse,
parce que le staccato irritant du près, quand la
proue tape dans le clapot, s'était atténué,
parce que le superbe largo de la
vague qui s'écroule sous le bateau au vent arrière n'avait plus la même sonorité
ou la même ampleur.
Devant conduire un voilier Gin-Fizz à travers l'Atlantique des Canaries aux
Antilles, j'avais constaté au départ que l'hélice ne pouvait pas être bloquée
même en embrayant.
A deux noeuds et demi, elle se mettait en mouvement et
produisait une sorte de chuintement râleur. A ,trois noeuds et demi, elle
entonnait un chant qui ne devait pas cesser pendant vingt-trois jours.
Dans les
premières heures, je m'en irritai. Ensuite je ne pouvais plus m'en passer et je
crois que je l'aurai encore dans la tête pour des mois, des années, à jamais.
C'était une sorte de grégorien qui descendait et montait suivant la force du
vent et de la mer (cinq à six noeuds en montant la pente de la vaste houle de
l'alizé, parfois neuf à dix noeuds en descendant la pente...) avec note tenue ou
tremblée au hasard des risées, diminuendo ou crescendo dans l'alternance des
grains, et dans les grains, des creux et des crêtes,
voix intime venue du bateau
et de ses fonds chantant directement à l'oreille en contrepoint à
l'orchestration du vent dans le gréement, de la mer sous l'étrave, de la vague
qui croule, du mât qui gémit, du génois qui claque.
La musique est l'organisation du silence comme le bateau est l'organisation de
la solitude.
Il est extraordinaire de constater qu'une croisière en mer ou la
seule évocation d'un bateau à voile laissent une impression immédiate de silence
alors qu'il n'y a, en fait, rien de plus bruyant.
Par gros temps, c'est même un vacarme assourdissant.
J'ai dû, une fois, rester
vingt heures à la barre, en fuite, dans la mer Noire.
J'avais passé des heures à
régler ce qu'il fallait d'aussière mouillée à la traîne pour tenir à peu près le
bateau, défaisant un noeud, ajoutant une boucle; à doser ce qu'il fallait de
toile sur le nez pour garder un peu de barre sans aller ni trop vite ni trop
lentement, et rester autant que possible manoeuvrant.
Je n'ai qu'un souvenir,
celui du bruit de la mer de l'arrière s'écrasant à toucher le tableau. Les
gémissements de la coque et du gréement, les rafales force 9 ou 10, tout
disparaissait, s'engloutissait dans le déferlement de la mer elle-même. Et
pourtant quand j'y repense des années après - et je n'oublie pas non plus mon
angoisse - c'est comme un énorme silence.
Par calme, d'autres bruits prennent le dessus, qu'on peut nommer chacun, en
l'attente du concert. La voile qui bat (penser à choquer un peu la drisse de
grand-voile, d'une bonne main, pour qu'elle claque moins), la ferrure de bôme
qui grince, le mât qui ne trouve pas sa place et geint, une écoute qui bat aussi,
la poêle pendue à un clou dans la cuisine qui tape au gré du roulis, une
bouteille vide qui cogne dans un casier.
C'est le moment où l'orchestre semble
s'accorder et se cherche dans les dissonances à la limite de l'insupportable.
Que le vent fraîchisse un peu, et « sifflote dans les haubans », comme on dit
dans les commentaires de l'échelle Beaufort, le bateau prend son erre, et le
bruit du vent dans le gréement et des filets d'eau contre la coque vient
apporter à la symphonie, qui sa complainte stridente, qui son accompagnement de
basse continue, qui sa très tendre modulation flûtée.
Et
de nouveau, c'est comme un silence, dès qu'est monté à l'unisson le double chant
de la mer et du bateau en mer, que mon oreille n'oubliera jamais.
Le jour tombé, l'oeil perd sa souveraineté et l'ouïe prend aussi le
commandement. C'est elle qui entend la voile faseiller, le bruit du clapot
changer et fait crier à l'homme de barre de ne pas s'endormir. C'est elle qui
aide à sortir, de nuit, avec un compas douteux, de la barrière de corail d'un
lagon où brise la mer. C'est elle qui permet d'entrer, de nuit, dans un port
grec sans feux, au bruit du ressac sur la côte ou sur un môle noyé.
C'est elle,
la reine nocturne.
( Jean
François Deniau : La mer est ronde)
Bonjour à tous !
Aujourd'hui
c'est le capitaine-ermite qui vous écrit car j'ai donné un peu de repos à
l'équipage fort éprouvé par une semaine de mauvaise mer et de navigation
difficile.
Pour une fois la nuit a été calme...sous pilote automatique...et ce matin j'ai
pas eu le courage de réveiller la marmaille...
c'est Dimanche...
et même si nous avons enfin quitté notre allure de tortue nous sommes encore
loin des Canaries ( 3-4 jours) et aucunement à l'abri de nouveaux caprices du
vent et la mer bien que forte est acceptable : pas de déferlantes ni de lames
dangereuses ou biaisantes et le temps se maintien au beau
Nous pensions être tranquille la semaine prochaine , mais comme vous le verrez sur les cartes de prévision même si Hélène va se diluer dans les eaux Atlantiques ...une nouvelle tempête venant du Nord Canadien doit lui succéder... nous obligeant certainement encore à "composer" avec elle .
Notre premier but est d'atteindre les Canaries et notre petit îlot découvert à l'aller grâce à José, d'y faire le plein de produits frais ( fruits) et de nous reposer 1 ou 2 jours... puis de gagner Madère... et de là attendre une accalmie pour rentrer
Les mers d'automne de l'atlantique sont toujours déconseillées... nous faisons l'expérience du pourquoi
Je vais continuer autant que je peux de terminer la rédaction de notre séjours wayanais et de vous le faire parvenir et vous demande de nous excuser... nous ne serons vraisemblablement pas de retour avant la mi-octobre ...ce qui repousse un retour de nos activités normales sur le net à la Toussaint... mais il faudra vous y faire car nous avons bien sûr des tas de projets pour l'année prochaine... le Pacifique, Panama, l'île de Paques, les Galápagos, Pitcairn, le cap Horn... etc...il nous faudra trier... et surtout trouver le financement ...cela devrait prendre un ou 2 ans...
Un texte
retrouvé de Jean-François Deniau un de ceux qui aiment ce contact physique avec
la mer... et savent merveilleusement l'exprimer vous fera mieux comprendre ce qui nous fait rester et
aimer cette vie d'errance sur les flots : incomparable retraite spirituelle dont
un jour je trouverai peut-être le moment et les mots pour vous la dire...
en un mot
l'inspiration qui vous permettra de comprendre que le réel c'est cela
...
l'absolu et l'infini c'est cela...
et non le marmonnage de formules
toutes prêtes dans un cercueil de pierre aux boisures encaustiquées et monastiques
allez
j'arrête de délirer... à demain..
vous retrouverez Jess qui à peine réveillé adore sur mon épaule voir
l'écran se remplir tout seul au bruit du clavier et de son souffle chaud me
faire frissonner l'oreille de suggestions et de conseils...
...et la bise qu'il vient de me faire dans le cou... je vous l'envoie toute chaude
très fraternellement
ff+
Météo du Jour ( notre position en rouge)
La météo prévue pour Jeudi 28 avec la nouvelle tempête qui "pointe son nez" et que nous devons surveiller de près désormais
mer formée ( au premier plan un paneau solaire)
Que voulez-vous faire maintenant ?