Toutes tes angoisses et tes questionnements ont été miens.
Maintenant, à 75 ans, loin de l'agitation, je considère avec sérénité le
chemin parcouru; mais je suis plein de tristesse et de compassion pour ceux
et celles qui se débattent...
Que d'efforts, de contentions, de refoulement, de désirs et de
frustrations... en pure perte, peut-être.

Un jour, par hasard, en lisant la bible dans la traduction de Segond, je
suis resté "en arrêt" devant un mot inhabituel : "sacrificateur". Je suis
allé voir dans le texte grec et j'ai constaté que notre vocable "prêtre"
était indûment utilisé pour traduire deux mots bien différents, sinon
opposés : 1° l'homme du sacré, sacerdos en latin, sacrificateur chez Segond.
2° l'ancien, prebyteros, celui qui n'est
pas un neophyte, celui qui a vieilli dans la fidélité...

En lisant les Actes des Apôtres, on ne voit jamais signalé de "sacerdos";
seulement des diacres des presbytres,des surveillants (épiscopes)...Bien
plus, l'épître aux Hébreux déclare bien fermement que désormais il n'y a
plus de "sacerdos", l'unique et définitif "Sacerdos" étant Jésus lui-même,
éternellement.

Par la suite, progressivement, les presbyteroi se sont affublés des
ornements et des prérogatives des "sacerdotes". Au point que dans certaines
langues il n'y avait plus de mots distincts pour désigner deux fonctions
pourtant fort différentes.

Pour moi Jésus s'est montré comme "prophète" d'une vie intérieure, d'une
adoration "en esprit et en vérité".
Comme tous les prophètes avant lui, il s'est trouvé contré, persécuté, par
le "sacerdoce", installé dans ses prérogatives.

Actuellement, si la fonction presbytérale était exactement presbytérale, et
non pas sacerdotale, le fossé qui existe entre le clergé et les laïcs serait
presque comblé. et on sait que tout chrétien est "sacerdos royal". Il est
évident par ailleurs que les femmes de nos jours sont aussi capables que les
hommes (parfois plus) de remplir les fonctions jadis réservées aux mâles. Le
problème n'est donc pas d'ordre disciplinaire, mais d'ordre doctrinal :
qu'est-ce qu'un prêtre ?
Et ensuite viennent d'autres questions : Pourquoi veut-on être prêtre? pour
le prestige?pour trouver un statut, une raison de vivre, un sens à sa
vie?...

Poussons plus loin l'audace, pourquoi opter pour la "vie consacrée" ?
Je parle en "béotien", peut-on donner ce qu'on ne possède pas ? Pourrais-je
promettre le million à chacun de mes enfants alors que je n'ai pas le
premier centime ? Je peux tout juste leur promettre d'essayer de le aider
s'ils en ont besoin. Je peux donner ce que je possède aujourd'hui. L'avenir
ne m'appartient pas, je ne peux donc pas le donner.
Et puis, si en soi la consécration est quelque chose de grand et de noble,
il peut s'y glisser une recherche orgueilleuse : on peut donner sans
claironner que l'on donne; donner au jour le jour, tout simplement.

Tout cela, je me le suis dit à moi-même et bien tardivement. Et ce ne sont
pas des conseils, seulement des réflexions, au fil du clavier.

Je me sens tout près de toi, Zoé
Charles