Pour cellérier du monastère, on choisira quelqu'un de la communauté qui
soit judicieux, de caractère mûr, sobre, ni gros mangeur, ni altier, ni agité, ni injuste, ni
trop lent ni trop prompt à la dépense, mais qui craigne Dieu et soit comme un père pour
la communauté.
'Qu'il prenne soin de tout; qu'il ne fasse rien sans ordre de l'abbé ;
qu'il observe les
ordres donnés, qu'il ne mécontente pas les frères . Si un frère vient à lui faire une
demande
déraisonnable, il ne le fâchera pas en le méprisant, mais avec humilité il refusera
raisonnablement à celui qui demande à tort.
'Qu'il garde son âme, se souvenant toujours de la parole de l'Apôtre : « Celui qui
aura bien
servi s'acquiert un bon rang. » En toute sollicitude il prendra soin des malades,
des enfants, des hôtes et des pauvres, bien convaincu qu'il rendra compte pour eux
tous au
jour du jugement. Tous les objets et tous les
biens du monastère seront à ses yeux comme les
vases sacrés de l'autel. Il ne se permettra aucune négligence. Il ne sera pas enclin
à l'avarice ni dépensier ni dilapidateur du patrimoine du monastère, mais il fera
tout avec
mesure et selon l'ordre de l'abbé.
Avant tout qu'il ait l'humilité et, quand il n'a pas de quoi donner, qu'il fasse une réponse
aimable selon la sentence : «Une parole vaut mieux que le plus beau cadeau. »
Il étendra sa sollicitude à tout ce dont l'abbé l'a chargé ; il ne se mêlera pas des choses qui
lui sont interdites. Il fournira aux frères la
fixée sans arrogance ni délai, pour qu'ils ne soient pas irrités, se souvenant de la parole
sur le sort réservé à celui « qui aura irrité l'un des petits ».
Si la communauté est nombreuse, on lui donnera des aides grâce auxquels lui-même
pourra d'une âme égale remplir la charge qui lui est confiée.
On donnera et on demandera aux heures convenables ce qui doit être donné
et demandé. Ainsi nul ne sera troublé ni peiné
dans la maison de Dieu.
OUTILS ET OBJETS DU MONASTÈRE
Pour les outils, vêtements et tous les autres objets que possède le monastère, l'abbé
choisira des frères dont la vie et les moeurs lui inspirent confiance et, selon qu'il l'aura jugé
bon il leur en assignera la garde et le rangement. De ces objets, l'abbé tiendra un
inventaire pour savoir ce qu'il donne et ce qu'il reçoit, quand les frères se relaient dans
les emplois . Si quelqu'un traite avec malpropreté
ou négligence les choses du monastère, il sera réprimandé et,
s'il ne se corrige pas, il subira
les sanctions de règle.
Chapitre 33
LES MOINES PEUVENT-ILS AVOIR
QUELQUE CHOSE EN PROPRE ?
Un vice doit être surtout radicalement extirpé du monastère,
celui d'oser donner ou recevoir quelque chose sans autorisation
de l'abbé, ou d'avoir quoi que ce soit en
propre, aucun objet absolument, ni livre, ni cahier, ni crayon, rien du tout
d'autant que des moines ne peuvent disposer ni de leur corps, ni de leur volonté.
Il faut demander au père du monastère tout le nécessaire et il n'est
jamais permis d'avoir quoi que ce soit que l'abbé n'ait donné ou autorisé.
Que tout soit commun à tous, comme il est écrit, et que personne ne dise sienne
ni ne s'attribue aucune chose. Si quelqu'un est pris à se complaire dans ce vice très pernicieux,
il sera admonesté une première et une deuxième fois; s'il ne s'amende pas, il subira un châtiment.
Chapitre 34
TOUS DOIVENT-ILS RECEVOIR
ÉGALEMENT LE NÉCESSAIRE ?
Il est écrit : « On distribuait à chacun selon ses besoins. »
Ici nous ne disons pas - Dieu nous en garde - de faire du favoritisme, mais
de prendre en considération les faiblesses. Celui qui a besoin de moins rendra grâces à
Dieu et ne s'attristera pas; celui à qui il faut
davantage s'humiliera de sa faiblesse et ne
s'enorgueillira pas de la bonté qu'on a pour lui, et ainsi tous les membres seront en paix.
Avant tout, que le mal du mécontentement
n'apparaisse sous aucun prétexte, en quelque
mot ou signe que ce soit. Si quelqu'un y était surpris, il subirait une sanction très sévère.
Chapitre 35
LES CUISINIERS DE SEMAINE
Les frères se serviront mutuellement et nul ne sera dispensé du service de la cuisine sauf
maladie ou si l'on est occupé à une tâche vraiment nécessaire,
car il en résulte un surcroît de récompense et de charité.
Aux
faibles on procurera des aides pour qu'ils s'acquittent de ce travail sans accablement,
mais tous auront des aides suivant l'importance
de la communauté et la situation du lieu. Si
communauté est nombreuse, le cellérier sera
exempté de la cuisine ainsi que ceux qui
comme nous l'avons dit, sont occupés à es,
tâches importantes ;tous les autres se serviront
mutuellement avec charité.
Celui qui va sortir de semaine fera les
nettoyages le samedi. On lavera les linges avec
lesquels les frères s'essuient les mains et les pieds. Celui qui sort de semaine, avec celui qui
va y entrer, lavera les pieds de tous. Il rendra
au cellérier, propres et en bon état, les ustensiles
de son service ; le cellérier les consignera de même au suivant, afin de savoir ce qu'il
donne
et ce qu'il reçoit.
Une heure avant le repas, les cuisiniers
semaine recevront chacun, en plus de la portion
fixée, de la boisson et du pain, pour qu'à
l'heure du repas ils servent leurs frères sans se plaindre et sans être accablés de
fatigue. Cependant les jours de fête, ils attendront
jusqu'après la messe.
Le dimanche, sitôt achevé l'office des laudes, ceux qui entrent en semaine et ceux
qui en sortent se prosterneront aux genoux de tous dans l'oratoire, demandant qu'on prie
pour
eux. Celui qui sort de semaine dira le verset
« Tu es béni, Seigneur Dieu, toi qui m'as aidé et consolé. »
Ce verset ayant été dit trois fois, le sortant recevra la bénédiction. Celui qui entre
en semaine lui succédera en disant: « Dieu, viens
à mon aide; Seigneur, hâte-toi de me secourir>>Cela sera aussi répété trois fois par
tous et après avoir reçu la bénédiction, le frère
entrera en fonction.
Chapitre 36
LES FRÈRES MALADES
Il faut prendre soin des malades avant tout et par-dessus tout, en les servant vraiment
comme le Christ, car lui-même a dit: « J'ai été malade et vous m'avez visité »,
et : « Ce que vous avez fait à l'un de ces petits, c'est à moi que
vous l'avez fait. » Mais les malades aussi, de leur côté, considéreront que c'est
en l'honneur
Dieu qu'on les sert, et ils n'accableront pas de leurs exigences leurs frères qui les servent.
Il
faut pourtant les supporter patiemment, car grâce à eux on acquiert une plus grande
récompense. Que l'abbé prenne donc très grand soin à ce qu'ils ne souffrent d'aucune
négligence.
Un logement à part sera destiné aux malades et on mettra à leur service un frère craignant
Dieu, diligent et attentionné. On procurera aux malades l'usage des bains toutes les fois que c'est
utile mais à ceux qui se portent bien et surtout aux jeunes on l'accordera plus rarement.
0n permettra aussi aux malades très affaiblis de manger de la viande pour réparer leurs
forces mais dès qu'ils iront mieux, tous s'abstiendront
de viande comme à l'ordinaire.
Que l'abbé veille avec le plus grand soin à ce que les malades ne soient pas négligés
par les cellériers ni par les infirmiers, car lui même est impliqué dans toute faute commise
par ses disciples.
Chapitre 37
LES VIEILLARDS ET LES ENFANTS
Bien que la nature humaine incline d'elle même à l'indulgence envers ces âges,
celui des vieillards et celui des enfants, cependant l'autorité de la Règle aura aussi égard à eux.
On
prendra toujours en considération leur faiblesse et on ne maintiendra pas pour eux
toute la
rigueur de la Règle quant à la nourriture, mais
on usera de condescendance envers eux et ils
mangeront avant les heures normales.
Chapitre 38
LE LECTEUR DE SEMAINE
La lecture ne doit pas manquer aux repas des frères et il ne faut pas que n'importe
au hasard, s'empare du livre et y lise, mais le lecteur pour toute une semaine entrera en
fonction le dimanche. Après la messe et la communion, il demandera à tous de prier pour
lui afin que Dieu le préserve de l'esprit
orgueil. A l'oratoire, tous diront trois fois le
verset suivant que le lecteur lui-même entonnera: « Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma
bouche annoncera ta louange », et, ayant ainsi reçu la bénédiction, il entrera en fonction pour
lire.
Qu'il y ait à table un silence absolu, tel qu'on
'entende ni chuchotement ni aucune autre voix que celle du lecteur. 'Les frères se
présenteront mutuellement la nourriture et la boisson dont ils ont besoin de façon que nul n'ait
demander quoi que ce soit, Si néanmoins il manquait quelque chose, qu'on le demande
plutôt par un signe que par la parole. "Que
personne non plus ne se permette de poser alors ,question sur la lecture elle-même ou sur un
autre sujet. Ainsi il n'y aura pas d'occasion de parler, à moins toutefois que le supérieur ne
veuille dire brièvement un mot d'édification.
Le lecteur de semaine prendra du vin mêlé d'eau avant de commencer la lecture, à cause
de la sainte communion et pour que le jeûne ne lui soit pas pénible à supporter,
mais il mangera plus tard avec les cuisiniers de semaine et les servants.
Les frères ne liront ni ne chanteront tous à tour de rôle mais seulement ceux qui édifient
les auditeurs.
Chapitre 39
LA MESURE DE LA NOURRITURE
Pour les repas quotidien, soit à midi soit à trois heures, il suffit, croyons-nous, de
deux
plats cuits à toutes les tables à cause des infirmités diverses,
pour que celui qui n'aurait
pu manger de l'un se restaure avec l'autre. Deux plats cuits suffisent donc à tous les frères
et s'il y a des fruits ou des légumes frais, on les ajoutera en troisième lieu.
Une livre de pain, à bon poids, suffira par jour, qu'il y ait un seul repas, ou bien déjeuner,
et dîner. Si l'on doit dîner, un tiers de cette
livre sera gardé par le cellérier pour être servi
au dîner.
En cas de surcroît de travail, un supplément
pourra être ajouté, si l'abbé le juge bon , mais en évitant surtout l'excès, de telle sorte
jamais le moine ne soit pris d'indigestion ;
rien n'est plus indigne de tout chrétien que l'excès de nourriture,
comme le dit Notre
Seigneur : « Veillez à ce que votre coeur ne
pas alourdi par l'excès de nourriture. »
Aux jeunes enfants on ne servira pas la même quantité mais moins qu'aux
adultes, en observant toujours la modération. "Quant à la viande, tous s'en abstiendront absolument,
sauf
les malades très affaiblis.
Chapitre 40
LA MESURE DE LA BOISSON
Chacun a en propre un don de Dieu, l'un comme ceci, l'autre comme cela » ;
aussi n'est-ce pas sans quelque scrupule que nous fixons une ration pour autrui ;
néanmoins, ayant égard à l'infirmité des faibles, nous
pensons qu'une demi-bouteille de vin par jour suffit à chacun . Quant à
ceux à qui Dieu donne
pouvoir s'en abstenir, qu'ils sachent qu'ils en recevront une récompense particulière.
Si les conditions locales, le travail ou l'ardeur de l'été exigent davantage, il appartient au
supérieur d'en décider, veillant en tout cas à ce qu'on ne se laisse pas entraîner jusqu'à la satiété
et à l'ivresse.
Sans doute lisons-nous que le vin n'est nullement fait pour les moines, mais comme de
nos jours il est impossible de les en persuader, convenons du moins de n'en pas boire jusqu'à
satiété mais modérément, car « le vin fait déraisonner même les sages. »
Cependant là où
conditions locales sont telles qu'on ne puisse même pas trouver la mesure indiquée mais
beaucoup moins ou rien du tout, ceux qui habitent là béniront Dieu et ne se plaindront
pas. Ce que nous recommandons avant tout, c'est qu'on s'abstienne de se plaindre.