Carême 2004
Quatrième Semaine de Carême
quelques textes du groupe de Carême de l'ermitage
mercredi 24 mars 2004. 
Voici quelques textes postés par les participants du groupe Carême de l'ermitage 
pour ceux qui n'ont pas le temps d'y participer...ou prennent le train en route
le thème de réflexion cette année : "l'Autre "
Carème 4 
Un peu de fraîcheur cette semaine... ( mi Carême oblige !) 
Merci pour vos participations toujours de qualité et faisons une pause avec Sœur 
Emmanuelle…ou l'exemple même d'un travail pratique de ce que nous expliquions.
Ce qui m'a décidé à parler d'elle c'est une émission de télé lundi dernier : une 
apparition toujours fraîche à 96 ans et un discours simple pour cette fille du 
nord de mère belge et de père français à la voix cristalline et au discours 
vrai. 
Née en Belgique ,la mort accidentelle de son père par noyade devant ses yeux 
alors qu'elle n'avait qu'à peine 6 ans sur une de ces grandes plages du nord à 
Ostende, emporté par une vague lui « apprendra l'absence…le manque …un trou » 
avoue-t-elle 
Une absence que rien ni personne ne pourra combler pour cette âme exigeante 
Si ce n'est l'Ultime sous la forme de ce petit enfant les bras tendus dans la 
crèche et pour lequel elle décide de s'engager : elle à 12 ans Dieu ne se 
rencontre que dans le dénuement dit-elle. 
Elle finit par pousser la porte des Sœurs de N.D. de Sion dont elle a pu voir le 
dévouement pour les enfants dans la détresse rue Notre Dame des Champs à Paris 
pour s'occuper des plus pauvres. Par obéissance et parce que c'était la guerre 
elle se décide à poursuivre des études universitaires à Istambul et d'enseigner 
dans cette ville ,mais aussi à Tunis et Alexandrie car on manque cruellement 
d'intellectuels et qu'il faut occuper les postes vacants 
Mais à cette époque quand on est religieuse on doit avant tout obéir aussi elle 
doit attendre 40 ans , et Vatican 2 pour pouvoir demander d'aller vivre auprès 
des plus pauvres et ne pas rentrer au coucher du soleil ! 
Elle se rattrapera ensuite à 60 ans dans les bidons villes du Caire ! Vingt ans 
de Présence parmis les petits chiffonniers et les déshérités qui la combleront 
de Joie vraie 
Je livre ici quelques extraits de ses ouvrages ( que je vous conseille de 
parcourir : c'est facile à lire ! Et tellement simple et vrai ! 
Je souhaite bien sûr vos réactions éventuelles et de vous garder en une prière 
commune tout au long de cette quatrième semaine 
Très fraternellement en communion de Carême 
ff+ 
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La béance bénéfique 
Tout le monde le sait : je suis incorrigiblement positive. Je retiens en 
particulier deux bienfaits du constat permanent de ma faiblesse, de mon 
agitation, de mon manque d'intériorité. Le premier est de me savoir ainsi soeur 
de toute humanité. Cette tentative de combler le vide intérieur par la vanité de 
l'extérieur, elle est en nous tous.
Nous n'en sortirons jamais complètement ici-bas. 
Mon tempérament de jouisseuse m'a portée, ô combien, à comprendre tous ceux qui, 
reconnaissant leur faiblesse, ne sont pas arrivés à la surmonter : avoir 
profondément senti sa propre misère amène à compatir à celle des autres. 
Je pense à tel homme qui brisa son foyer pour des aventures sexuelles 
accumulées, sachant pourtant que sa femme et ses enfants constituaient son 
trésor le plus cher. Il me disait : « je sais que je suis fou. je perds tout 
pour ces femmes, mais c'est comme une maladie dans mon sang, je ne peux pas M'en 
défaire. » 
Je pense à cet autre homme qui, lui aussi, fut brisé par le divorce que sa femme 
finit par demander. Il n était jamais présent, ni pour elle ni pour leurs 
enfants : cadre supérieur, son travail et le souci de sa réussite 
professionnelle l'engloutissaient complètement. 
Finalement, et malgré mon âge, je comprends tout à fait mes contemporains. 
Dans l'homme sans gravité, le psychanalyste Charles Melman décrit en effet la 
naissance d'une nouvelle économie psychique à laquelle nous assistons. L'ancien 
moteur, le désir, a selon lui laissé place à la jouissance : « Il n'est plus 
possible d'ouvrir un magazine, d'admirer des personnages ou des héros de notre 
société sans qu'ils soient marqués par l'état spécifique d'une exhibition de la 
jouissance 
Il faut exhiber ses tripes, l'intérieur de sestripes et même l'intérieur de 
l'intérieur »
Nous touchons la des extrêmes qui seraient une des causes directes de 
l'insatisfaction foncière qui frappe notre génération. 
Chercher à jouir sans limite, c'est souffrir du même coup des limites de la 
jouissance. Plus elle a régalé les sens et l'imagination, plus elle laisse le 
goût amer de tout ce qui excite pour s'évanouir trop tôt. Elle charrie derrière 
elle une béance, un vide qu'elle n'arrivera jamais 'à combler. 
En second lieu, j'ose affirmer que l'expérience même de cette béance est un 
bienfait. Toutes les prises de conscience de la vanité de mes entreprises M'ont 
décapée, par couches successives. 
Ne sont-ce pas les épreuves qui jalonnent l'existence qui permettent à l'homme 
d'accéder la nudité ? Vient un jour - plus ou moins tôt, plus ou moins tard - ou 
l'on se retrouve nu et cru. 
Contrairement à la piété ignorante qui fait des saints des héros invincibles, 
ces hommes et ces femmes ont tous connu un moment d'écroulement fondateur. 
Prenons l'exemple d'Ignace de Loyola. Jeune hidalgo, cadet de famille épris de 
chevalerie, le voici au service d'un grand seigneur lors du siège de Pampelune. 
Un coup de catapulte l'atteint à la jambe. Grièvement blessé, il devient infirme 
vie. Finie la carrière militaire, finis les rêves d'exploits et d'honneurs ! 
Réduit à l'impuissance dans sa chair etdans son âme, tout lui paraît perdu. 
Les longs mois immobiles de sa convalescence l'obligent à lire et à méditer, 
jusqu' au jour ou un passage de l'évangile semble s'adresser à lui. Il deviendra 
désormais » miles christi« , soldat du Christ, entraînant à sa suite et à 
travers les siècles une armée de compagnons, les jésuites. 
Parmi mes relations, de multiples illustrations du même phénomène se présentent 
à mon esprit. 
Cécile, en particulier, était professeur d'histoire. Son espoir le plus cher 
était de fonder une famille. Tout lui souriait. Soucieuse de séduire pour 
trouver un jour l'élu de son coeur, elle voyait l'avenir en rose. Un mal bénin 
l'amène un jour à consulter. 
Elle reçoit alors le choc de sa vie : le médecin lui annonce sa stérilité 
irrémédiable. jamais elle ne pourra être mère. 
Tout s'écroule.
Sa vie n'a plus de sens, elle sombre dans le désespoir. Elle n'a plus goût à 
rien, c'est le vide complet. 
Par hasard, elle tombe sur un article relatant le drame des enfants laissés pour 
compte dans les orphelinats d'un pays d'Asie. Les enfants en bonne santé sont 
facilement adoptés. Les enfants handicapés, eux, restent sur le carreau.
Deuxième choc de sa vie. Elle se sent irrésistiblement appelée, elle écrit au 
journaliste, se renseigne et, bientôt, la voilà mère adoptive d'un, puis de 
deux, puis de cinq, puis de dix enfants abandonnés originaires de France et des 
quatre coins du monde. Elle crée une association qui lui permet, pendant des 
années, de sauver des centaines de vies. 
Je lui ai rendu visite. 
Dans une belle maison construite en plein bois, elle était entourée de la 
vingtaine d'enfants hébergés à ce moment-là. J'ai été frappée de l'intelligence, 
de la joie que dégageait cette famille. je lui lance : « Cécile, comme tu es 
heureuse ! » Elle éclate de rire : « Vous êtes la première personne qui m ' ait 
comprise. Les autres ont pitié de moi. Il leur semble que je porte un fardeau, 
alors que ces enfants abîmés par la vie sont mon bonheur. » Nous avons bien ri, 
toutes les deux. 
Dans l'un et l'autre cas, la projection imaginaire de soi-même et de sa réussite 
s'est déchirée. Il faut souhaiter à chaque humain ce décapage, si douloureux 
qu'il soit. Vidé de ses chimères, grelottant, tout ramage et plumage arrachés, 
son coeur dépouillé devient un gouffre. Place est faite, alors, pour la vérité.
Disons autrement tout ceci. Le jour vient alors, entre le plaisir et le bonheur, 
il faut choisir 
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Tout est un, l'un est en l'autre'. 
Y aurait-il contradiction avec l'ensemble des Pensées qui insistent sur la 
déchirure interne de l'homme ? Je pense que, au contraire, nous arrivons ici à 
un des sommets de la méditation pascalienne. 
Certes, il suffit de nous regarder nous mêmes : moi, toi, lui, elle, nous. Ne 
sommes nous pas un drôle de mélange de bien et de mal ? 
Qui de nous n'est pas passé, au long de ses jours, par des sentiments 
d'affection et de haine, de douceur et de violence, de don gratuit et d'égoïsme 
? Pascal nous le dit sans ambages 
« Tout est un, l'un est en l'autre » 
Et l'homme est naturellement crédule, incrédule, timide, téméraire . 
Condition de l'homme : inconstance, ennui, inquiétude . 
Qui de nous n'a pas connu des heures où il ne se comprend plus lui-même et où il 
ne comprend plus les autres ? 
Face à cette irréductible complexité, nous traversons des stades différents. Ou 
bien nous cherchons inconsciemment à l'ignorer et nous fermons les yeux. 
Ou bien nous cherchons à nous hisser, sans reconnaître qu'elle est glissante, la 
corde tendue vers les hauts sommets. Attention à l'angélisme ! 
Et l'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange 
fait la bête . 
J'en ai fait l'expérience. J'ai longtemps couru vers une sainteté exemplaire, 
conformément au modèle que je me faisais de Thérèse d'Avila, la grande mystique.
Je me battais contre le mur de mes défauts et j'enrageais de rester en échec. 
J'oserais dire que c'est un cas classique, je l'ai souvent rencontré. Il me 
semble même que la perfection d'une morale laïque, comme celle d'André 
Comte-Sponville, ne peut pas aboutir. Pourquoi ? 
Tout simplement parce que c'est vouloir sortir de la condition humaine. Il m'a 
fallu des années pour me rendre compte que je portais en moi, dans ma peau, dans 
mon corps, mon coeur, mon âme, un noyau inextricable de bon et de mauvais. 
Bien considéré, cependant, le problème est simple. Dans la mesure où, en effet, 
je reste collée a mon nombril, l'autre se pose devant moi comme un étranger, un 
métèque, un rastaquouère. 
Son identité différente devient un danger. Il s'agit alors de l'éloigner, 
l'éliminer, même. S'il est plusieurs façons de tuer l'autre, toutes se résument 
à nier son identité. En revanche, dans la mesure ou je suis capable de 
reconnaître que ma vie prend sa valeur de la relation avec l'autre différent, 
mon être rabougri, ratatiné, prend une soudaine envergure. 
Le pasteur Dietrich Bonhoeffer en est une illustration. Il n'a pas supporté de 
rester englué dans la sécurité au Brésil tandis que son peuple vacillait dans sa 
foi sous la pression hitlérienne. Revenu en Allemagne, il a osé parler haut et 
fort contre le nazisme. Arrêté, il connaît les affres de la prison. Les oreilles 
assaillies par les hurlements des détenus, il est confronté à cette question 
lancinante : où est Dieu ? Peu avant d'être pendu sur l'ordre de Hitler, il 
écrivait 
« Tout est un, l'un est en l'autre » 
« Qui suis-je ? Souvent ils me disent que de ma cellule je sors détendu, ferme 
et serein, Tel un gentilhomme de son château. Qui suis-je ? De même ils me 
disent que je supporte les jours de l'épreuve, Impassible, souriant et fier, 
Ainsi qu'un homme accoutumé à vaincre. Suis-je vraiment celui qu'ils disent ? Ou 
seulement cet homme que moi seul connais, Inquiet, malade de nostalgie, pareil à 
un oiseau en cage, Cherchant mon souffle comme si on m'étranglait. Si las, si 
vide que je ne puis prier, penser, créer, N'en pouvant plus et prêt à l'abandon.
Qui suis-je ? Celui-là ou celui-ci aujourd'hui cet homme et demain cet autre ? 
Suis-je les deux à la fois ? Qui suis-je ? Dérision que ce monologue Qui que je 
sois, tu me connais Tu sais que je suis tien, ô Dieu ! 
(D. BONHOEFFER, Résistance et soumission, Labor et Fides, Genève, 1967, p. 
164-165.) 
Bonhoeffer, dans sa prison, est dépouillé de tout ce qui représente le « mien » 
: honneur, possessions, dignité. Il est apparemment réduit au « rien ». Mais il 
est un « mien » plus profond : le monologue, le souci de moi, y compris dans mon 
abaissement, ma misère, ma contradiction. je me contemple alors, complexe et 
misérable. L'idole, toujours l'idole ! 
Bonhoeffer trouve dans la relation de charité avec l'autre - « je suis tien » - 
la sortie et la résolution du dilemme. Il rejoint alors le coeur incorruptible 
de la valeur humaine, caché au plus profond de soi. Il trouve la réponse à la 
question cruciale de son identité - « Qui suis-je ? » - lorsqu'il fait entrer 
son misérable rien dans le troisième ordre de la charité. Le « mien » et le « 
tien » communient désormais, toute opposition dépassée. 
« Tout est un, l'un est en l'autre. » 
Plus on approfondit cette pensée, plus on voit qu 'elle s'applique en 
différentes conjonctures de l'existence. « Homo sum... je suis homme, rien de ce 
qui est humain ne m'est étranger », disait déjà, il Y a deux mille ans, le poète 
Térence. 
Lorsque nous sommes établis dans la relation de charité, la seule vraie, l'autre 
n'est plus un étranger. Sa différence n'est plus une menace. Elle ne disparaît 
pas non plus. 
Les tentatives fusionnelles sont illusoires, dangereuses, à l'opposé de l'amour 
unifiant. Dans la relation vraie, l'un reste l'un, l'autre reste l'autre, mais 
l'un et l'autre se reconnaissent d'une même chair, d'un même sang, d'une unique 
humanité, somptueuse et fragile. Brisée, la statue héroïque ! Défait, le 
champion de la Vérité ! Nus, nous devenons vrais. Humbles enfin, un parmi 
d'autres, nous vivons la fraternité. 
L'autre est la chance de ma vie 
Sur ce sujet, j'ai eu comme un éclair un jour ou... je bus un verre d'eau. Une 
idée me sauta à l'esprit : je ne bois ni de l'hydrogène (H), ni de l'oxygène 
(0), je bois H2O, de l'eau ! je ne m'identifie ni au bon, ni au mauvais qui me 
composent, je suis Emmanuelle, une combinaison vivante des deux. Depuis ma 
naissance jusqu'à ma mort, je suis une combinaison de toutes les dimensions, 
complexes et contradictoires, qui se retrouvent dans tout être humain. Et cette 
combinaison est originale, autre que la simple somme des composantes. 
Que faire ? Ne plus lutter contre mes défauts et baisser les bras ? Que de fois 
j'ai tourné et retourné ces questions dans ma tête. Sur ce point aussi, Pascal 
m'est venu en aide. J'ai creusé et recreusé cette petite phrase : « Tout est un, 
l'un est en l'autre ». Elle m'a aidée à m'accepter dans mon identité originelle. 
Le bon est dans le mauvais, le mauvais est dans le bon. J'existe en tant que 
combinaison, H,O. Vouloir tuer en moi le mauvais, ce serait m'anéantir. Accepter 
ma contradiction vitale, c'est faire fondre l'amertume qui m' empêche d'avancer, 
légère et sereine. C'est me regarder avec humour. Ma pauvre fille, elle repousse 
vite, ta vanité, avec ton orgueil et ton ego. Comme l'affirme le proverbe : « 
Une demi heure après la mort, l'amour-propre vit encore. » Allez ouste, 
occupe-toi des autres ! Ça, c'est vivre, avancer fraternellement la main dans la 
main. 
Saint Irénée écrivait : « L'homme vivant est la gloire de Dieu. » Être vivant, 
c'est dépasser sa dualité foncière pour aboutir à un troisième terme, 
l'unification harmonieuse. Être vivant, c'est dépasser l'opposition entre moi et 
l'autre. Bien loin d'être une menace pour mon identité et mon épanouissement, 
bien loin de prendre ma place au Soleil, de bouffer mon espace vital, l'autre 
est la chance de ma vie. On a toujours peur de perdre, mais on gagne. On veut 
toujours uniformiser sur son propre modèle. On croit toujours que c'est ou l'un 
ou l'autre : ou bien tout moi, ou bien tout toi. Dans les deux cas, c'est le 
règne de l'Un. À ce compte, c'est l'aridité. 
La fécondité d'une vie humaine dépend justement de l'étendue du troisième terme 
: ni toi seulement, ni moi seulement, mais le lien heureux entre nous, l'un et 
l'autre, dont le mystère dépasse largement la somme de ses composantes. 
« Tout est un, l'un est en l'autre » 
Dans ce type de lien, on devient capable de discerner le positif dans tout ce 
qui est terrestre. je l'atteste, moi qui ai connu de pires des assassins, j'ai 
souvent découvert en eux des germes de beauté, d' âme et de coeur, qui m'ont 
enrichie. 
Nous sommes loin d'avoir épuisé l'ampleur de la vision pascalienne de 
l'unification universelle. De récents travaux scientifiques nous y ramènent 
d'une manière inattendue. Deux ouvrages m'ont particulièrement passionnée. Tous 
deux sont à la fois empreints d'une rigoureuse rationalité et d'un 
émerveillement poétique. L'Évolution cosmique et Poussieres d'étoiles ont été 
écrits par l'astrophysicien Hubert Reeves. Il rejoint singulièrement Pascal, 
qu'il cite d'ailleurs plusieurs fois. Selon lui, depuis le big bang produit il y 
a des milliards d'années, le plus petit est indissolublement lié au plus grand. 
Quatre-vingts éléments chimiques se retrouvent disséminés dans l'Univers, depuis 
les galaxies jusque dans l'homme. « Nous avons été engendrés dans l'explosion 
initiale au coeur des étoiles et dans l'immensité des espaces sidéraux . » 
D'autre part, la cohésion de tout ne tient pas qu'à l'uniformité de composantes 
chimiques. Elle est aussi assurée par des forces colossales d'attraction. « Tout 
attire tout », comme le disait Einstein. Dans ce domaine, je ne peux que 
balbutier, mais ces informations me poussent à contempler la spectaculaire 
un-ité de l'Un-ivers dans sa chatoyante diversite. 
De plus, cette contemplation de l'unité dans l'espace est aussi celle du temps : 
une prodigieuse évolution cosmique se déroule durant quinze milliards d'années, 
l'infiniment petit, au moment du big bang,,engendrant l'infiniment grand. 
L'infiniment grand nous ramène à l'infiniment petit : « Les populations 
atomiques s'élèvent à plusieurs milliards de milliards de milliards par 
centimètre cube » L'esprit vacille. Au XVIIe siècle, Pascal ne pouvait analyser 
l'infiniment petit qu'à partir d'un minuscule parasite, le ciron. Un ciron des 
humeurs dans ce sang, des gouttes dans ces humeurs, des vapeurs dans ces gouttes 
; que, divisant encore ces dernières choses, [l'homme] épuise ses forces en ces 
conceptions 
Dans une prescience extraordinaire, Pascal avance même 
Donc toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et 
immédiates, et toutes s'entretenant par un lien naturel et insensible qui lie 
les plus éloignées et les plus différentes. 
Ici, notre vision de l'Univers ne s'arrête pas à l'écrasement de l'homme, perdu 
entre deux infinis. Penser l'Univers, c'est aussi contempler le lien entre 
toutes choses. 
Mais Pascal, d'un vol fulgurant, dépasse la grandeur du premier ordre, cette 
vision quasi infinie de la matière et de sa cohérence. Il dépasse même la 
grandeur du deuxième ordre, où l'homme forge de son esprit des conceptions quasi 
infinies. 
Pascal s'élève dans un troisième ordre plus sublime, permanent dans son 
éternité. Tout est un, l'un est en l'autre, comme les Trois Personnes. 
Nous nous heurtons maintenant à un redoutable problème. Nos pieds quittent 
soudain le terrain solide de la physique, nos yeux délaissent les instruments 
perfectionnés qui nous dévoilent le monde, notre esprit renonce à ses calculs 
inlassablement vérifiés.(…) 
En écrivant ces lignes, mon regard s'échappe de temps à autre vers une des 
icônes les plus célèbres de la chrétienté, la Trinité de Roublev. Je ne me lasse 
jamais de la contempler. Chacune des trois personnes est comme irrésistiblement 
attirée vers l'autre, le visage et la main tournés vers l'autre. Il semble que 
les trois communient dans l'unité : cum-unire, s' unir dans une symphonie où les 
notes s'assemblent, se mélangent, confluent dans une unique harmonie. Mais cette 
communion ne forme pas un cercle, elle ne se ferme pas sur elle-même. Entre les 
Trois, un espace est ouvert. Les lignes de relation se dirigent aussi vers 
l'extérieur, vers le monde, vers l'homme, vers moi qui regarde cette icône. 
Parce que la communion représentée est une communion d'amour, elle déborde et 
veut se communiquer. Là est la source de la révélation, dans cet amour qui est 
Dieu en lui-même et qui jaillit hors de lui, en mouvement de don et de 
communication. 
Le langage humain ne peut que balbutier quand il essaie de dire Dieu ! (…) Au 
Brésil, on danse la ciranda, une ronde ouverte où tout le monde se regarde. 
Comme dans la ciranda, l'humanité est aspirée par le courant trinitaire. » 
(…) Le grand saint Augustin était un jour occupé à réfléchir sur la Trinité, 
lorsqu'il vit un enfant, au bord de la mer de Carthage, absorbé dans une tâche 
impossible : à l'aide d'un coquillage, il essayait de transvaser la mer dans un 
trou creusé dans le sable. Augustin S'interroge : lequel des deux est-il le plus 
insensé, ce bambin ou lui même qui prétend mettre Dieu dans son crâne ? 
« Tout est un, l'un est en l'autre » 
( extraits de "Vivre à quoi ça sert ?" paru chez Flammarion) 
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Bonjour à tous, 
je vous livre quelques réflexions, vos réponses me seraient sûrement utiles pour 
mûrir tout cela. 
Nous ne connaissons de l'autre que ce qu'il veut bien nous montrer de lui, et 
même s'il voulait nous montrait tout de lui, comme nous même ne nous connaissons 
pas
et que nous aurons, chacun personnellement, jamais fini de nous connaître, 
puisque chaque expérience de la vie nous transforme, ce ne serait que l'espace 
d'un instant,
sans compter, tout ce qui nous échappe de notre vécu, c'est donc impossible pour 
chacun de connaître l'autre, il nous faut donc accepter d'accueillir l'autre tel 
qu'il est, il n'y a que face aux actes ou aux paroles que l'on puisse dire, "je 
suis en accord avec ou pas" juger l'acte posé mais pas la personne, le pécher 
mais pas le pécheur ? ? ? 
Cette" inconnaissance" qui nous met à distance, de l'autre et du Tout Autre, 
n'est-ce pas celle que nous cherchons à combler et qui nous pousse à nous 
questionner, nous fait chercher, réfléchir, avancer, grandir ? 
Et aussi nous rendre compte que plus nous découvrons et plus il nous reste à 
découvrir, qu'il n'y a donc pas de fin à notre soif de savoir, de comprendre et 
que c'est notre finitude qui y met fin (Je ne sais si je m'exprime clairement, 
ça l'est pour moi j'espère pour vous aussi ? ? ? ?) 
Ce qui n'empêche nullement de vivre authentiquement ce que nous désirons vivre, 
en faite, notre vie se passe à élargir nos limites pour s'ouvrir de plus en plus 
pour accueillir l'autre et le Tout Autre, dans toute sa richesse et sa 
complexité, ce qui présuppose d'avoir fait d'abord le chemin vers soi-même ? 
PRIÈRE 
Tu m'as séduit et je me suis laisser séduire, 
Je T'aime de toutes mes faiblesses,
Jésus communauté d'Amour en Toi-même,
Qui peut Te craindre ?
O ! Trinité adorée,
merci de m'aimer tel que je suis,
Quand Tu nous parles d'un paradis promis,
et non d'un paradis perdu,
Jésus qui peut Te craindre ?
Apprends moi, Jésus, 
à aimer tout simplement, 
à aimer tout comme Toi. 
AMEN 
Colombe 
Colombesperance 
Là où il n'y a pas d'amour,
mettez de l'amour et, 
vous obtiendrez l'amour. 
St Jean De La Croix 
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Bonjour Colombe , 
C'est exact que l'on ne connaît de l'autre que ce qu'il veut bien dévoiler ou 
montrer , voilà où nous sommes souvent ennuyés parce que nous nous forgeons une 
image , une idée , qui correspond à notre désir le plus souvent , mais qui peut 
être très loin de ce que l'autre est exactement , et c'est pareil pour le 
Très-Haut , depuuis notre plus tendre enfance nous nous sommes forgé une idée , 
une image , selon les différents moments de nos vies, soit nous LUI faisons 
confiance dans les moments où la vie tourne bien , et dans les moments 
douloureux , nous en arrivons à nous demander "pourquoi cela m'arrive-t-il à 
moi" pourquoi n'a-t-Il pas répondu de la manière dont moi ou nous le souhaitions 
?" 
Pendant longtemps , j'ai pensé comme cela , mais la vie m'a fait regarder et 
essayer de voir les choses autrement , oh , il n'y a pas bien longtemps de cela 
, mais c'est arrivé surtout après le décès de mon fils aîné . Cet épisode de ma 
vie me faisait revivre une partie importante de ma propre enfance alors les 
pourquoi moi et tout le reste sont sortis jusqu'à ce que grâce au soutien de 
l'Ermitage et de beaucoup d'amis , de la famille , je me suis laissée prendre 
dans les bras du TRES-HAUT et je Lui ai confié les rennes de ma vie . 
L'apaisement s'est petit à petit installé en moi , cela ne veut pas dire que du 
jour au lendemain , mes cris , mes larmes , mes doutes ont disparu , non , ils 
sont toujours là prêts à ressurgir à la moindre faille, au moindre moment de 
déprime ou quand les évènements ne tournent pas comme je le souhaite . 
Moi-même comme les autres , comme l'autre , je porte un masque que rien ni 
personne ne saura m'enlever si je ne le souhaite pas , c'est pour cette raison 
que je dis il y a en chacun une part d'ombre et une part de lumière , les deux 
ne faisant qu'un , et c'est comme cela que nous devons nous aimer et aimer ceux 
qui viennent vers nous avec leurs facettes . 
Le diamant n'est-il pas plus beau lorsqu'il est taillé de manière à laisser 
passer la lumière par tous ces côtés ?. 
Je n'ai aucune idée de savoir si j'ai répondu aux questions que vous vous posez 
, mais il m'est venu à l'idée de joindre 2 textes venant du site "Un chemin 
d'amour vers le Père " qui m'interpellent beaucoup , j'ose espérer qu'il en sera 
de même pour vous . Fraternelle union de prières avec tous et toutes . 
Gilberte 
**Il était une fois un homme assis près d'une oasis, à l'entrée d'une ville du 
Moyen-Orient. 
Un jeune homme s'approcha et lui demanda : 
" Je ne suis jamais venu ici. Comment sont les gens qui vivent dans cette ville 
? " 
Le vieil homme lui répondit par une question : 
" Comment étaient les gens dans la ville d'où tu viens ? " 
" Egoïstes et méchants. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'étais bien 
content de partir. " 
" Tu trouveras les mêmes ici " lui répondit le vieil homme. 
Un peu plus tard, un autre jeune homme s'approcha et lui posa la même question :
" Je viens d'arriver dans la région. Comment sont les gens qui vivent dans cette 
ville ? " 
Le vieil homme répondit de même : " Dis-moi, mon garçon, comment étaient les 
gens dans la ville d'où tu viens ? " 
" Ils étaient bons, bienveillants, accueillants, honnêtes. J'y avais de nombreux 
amis et j'ai beaucoup de mal à les quitter. " 
" Tu trouveras les mêmes ici " répondit le vieil homme. 
Un marchand qui faisait boire ses chameaux, avait entendu les deux 
conversations. Dès que le second jeune homme s'éloigna, il s'adressa au 
vieillard sur un ton de reproche : 
" Comment peux-tu donner deux réponses complètement différentes à la même 
question posée par deux personnes ? " 
" Mon fils, dit le vieil homme, chacun porte son univers dans son coeur.
D'où qu'il vienne, celui qui n'a rien trouvé de bon par le passé ne trouve rien 
ici non plus.
Par contre, celui qui avait des amis dans l'autre ville trouvera ici aussi des 
amis loyaux et fidèles. 
Car, vois-tu, les gens sont vis-à-vis de nous ce que nous trouvons en eux. " 
***La route de la vie 
Au début, je voyais Dieu comme mon observateur, mon juge, comptant toutes les 
choses que j'avais mal faites, pour qu'Il puisse savoir si j'avais mérité le 
Ciel ou l'enfer quand je mourrai. 
Mais plus tard, quand j'ai rencontré Jésus, il me sembla que ma vie était plutôt 
comme une balade en vélo, mais c'est un vélo-tandem, et j'ai remarqué que 
Jésus-Christ était à l'arrière m'aidant à pédaler. 
Je ne sais plus juste quand Il me suggéra que nous changions de places, mais la 
vie n'a jamais été la même depuis. Quand j'avais le contrôle, je connaissais le 
chemin. C'était plutôt ennuyeux, mais prévisible... 
C'était le chemin le plus court entre 2 points. Mais quand Il prit le guidon, Il 
connaissait de beaux et longs détours, par des montagnes, des endroits rocheux à 
des vitesses à se casser le cou, tout ce que je pouvais faire était de 
m'accrocher ! Même si ça semblait être folie, Il me disait :" Pédale !" 
Je m'inquiétais et étais anxieux et demandais : " où m'emmènes-tu ? " Il riait 
et ne répondait pas, et je commençais à apprendre la confiance. 
J'oubliai ma vie ennuyeuse et entrai dans l'aventure. Et quand je dirais, "j'ai 
peur", Il se pencherait derrière pour toucher ma main. 
Il m'amena à des gens pour donner ce dont j'avais besoin, des cadeaux de 
guérison, acceptation et joie. Ils m'offrirent des cadeaux à emporter pour mon 
voyage, celui de mon Seigneur et le mien. 
Et nous étions sur la route de nouveau. Il disait : " donne ces cadeaux ; ils 
sont des bagages en trop, trop de poids ". Alors je les donnais aux personnes 
que nous rencontrions, et je découvrais qu'en donnant je recevais, et toujours 
notre fardeau était léger. 
Au début, je ne Lui faisais pas confiance pour le contrôle de ma vie. Je pensais 
qu'Il allait me mener à un accident ; mais Il connaît les secrets du vélo, sait 
comment l'incliner pour prendre des virages difficiles, sait comment le faire 
sauter pour éviter des rochers, sait comment aborder des passages effrayants.
Et j'apprends à me taire et à pédaler dans les endroits les plus étranges, et je 
commence à apprécier la vue et l'air frais sur mon visage avec mon agréable 
compagnon de tout instant, Jésus-Christ. 
Et quand je suis certain que je ne peux plus continuer, Il sourit seulement et 
dit : "Pédale"... 
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Bonjour, 
"Nous sommes essentiellement des êtres de relation car la vie est relationnelle" 
Père Joseph-Marie Verlinde 
Lorsque je me retrouve devant des personnes ayant commis un délit (innocentes 
tant qu'elles ne sont pas jugées-certaines ayant fait de la prison) pour qu'une 
relation de confiance s'instaure, il faut au moins trois entretiens (je ne suis 
ni juge, ni avocat, ni assistante sociale, ni éducatrice) je reçois la personne 
pour lui permettre de respecter son contrôle judiciaire (16 obligations 
éventuelles).
Si elle veut parler du délit, (escroquerie, meurtre, trafic de drogues ou de 
cartes bancaire, faussaire, etc..) elle en parle sinon nous avons des relations 
de personne à personne. 
C'est pourquoi j'ai demandé : "Seigneur, apprivoises-moi, afin de pouvoir 
laisser remonter de mon coeur et du coeur de l'autre ce qu'il a de meilleur". 
Que la contrainte (contrôle) se transforme en dialogue, la personne est en 
souffrance de par ses actes et risque de s'enfermer dans un mutisme. 
J'aime beaucoup ce texte :[ Ecoles de silence - Un Chartreux] 
"Ce qui importe surtout de donner,
C'est ce à quoi nous tenons plus.
Souvent, c'est notre temps que la charité demande,
Mais plus souvent encore, toujours,
Elle nous demande de sacrifier notre amour-propre" 
Claudine 
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"Il est mystérieux notre visage.
Toujours offert aux regards,
Il nous permet d'être reconnu et il traduit nos sentiments. 
Aussi il est normal qu'il se protège et, souvent,
Pour avoir bonne figure, il fait de la figuration,
Il fait semblant. 
Mais lorsqu'il livre le plus intime,
Notre vrai visage apparaît dans toute sa beauté
et s'accorde à notre nom propre.
Alors nous sommes vraiment nous-mêmes et pas un figurant qui joue un rôle " 
.../... "Amis défigurés et souffrants, en ce carême, n'ayez pas peur. 
Quand l'obscure nuée nous recouvre et que nous sommes saisis de frayeur, 
laissons la Parole du Père illuminer nos vies et donner à nos visages leur vraie 
beauté.
A tout moment, dans un murmure, le Père nous donne sa Parole : 
"Tu es mon enfant"
Je te donne la vie.
Je te pardonne.
Je te transfigure" 
Joseph Marty 
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Je vous transmet ce texte, un peu long, d'une retraite dont le thème été la 
prière, mais qui me semble donner des pistes à nos questionnements sur l'autre 
et le Tout Autre ….Les exercices d'assise ou autres nous renvoient à sentir la 
profondeur qui est en nous ; ils nous renvoient à nous même, et, être renvoyé à 
soi, c'est être renvoyé à toute une histoire et peut-être à l'origine des temps.
Dans ces moments où nous pouvons davantage penser à nous même, dans ces moments 
peut-être qu'une question nous vient : « qui suis-je ? » Qui suis-je pour 
essayer de percevoir un peu ces profondeurs du fond desquelles nous crions vers 
Dieu ? C'est à cette question que j'essayerai de répondre très partiellement, 
car il est impossible de donner une réponse exhaustive, pour la bonne raison que 
d'abord je ne suis jamais la même, hier qu'aujourd'hui, en raison de la 
complexité de mon fonctionnement. 
Qui suis-je ? Je suis quelqu'un qui prie ; je suis quelqu'un qui dit à Dieu : 
"qu'est-ce que l'homme que tu en prennes souci », « comme un cerf altéré cherche 
l'eau vive, ainsi mon âme te cherche, mon Dieu ». Ceci je ne peux le dire 
vraiment que lorsque je suis dans un lieu et une attitude qui le permettent. Un 
lieu et une attitude qui me permettent de commencer à ramasser toute mon 
expérience humaine, car c'est au cœur de cette expérience que vient le sens de 
ma prière. C'est Denis Vasse qui dit : « Il n'y a pas deux lieux, un lieu pour 
Dieu et un lieu pour la vie, il n'y a pas deux discours, un discours pour Dieu 
et un discours de l'homme, il n'y a pas deux mondes, un monde naturel et un 
monde surnaturel, il n'y a qu'un lieu, le seul, celui de l'expérience humaine 
qui est aussi le lieu de la révélation de Dieu. Dieu s'est révélé dans une 
expérience humaine. 
Le lieu de la prière ce n'est donc pas plus la chapelle que le dojo ou la nature 
; le lieu de la prière n'est pas en dehors de moi, il est dans les profondeurs 
de mon être. 
Quand j'ai dit cela, nous voilà bien avancés, je n'ai pas dit grand chose des 
profondeurs de mon être ! Où commence mon expérience humaine ? 
Elle commence dès le sein maternel. Déjà là je vis et je vis pleinement sans 
avoir à chercher qui je suis, sans avoir à satisfaire quelques besoins, tout 
m'est donné. C'est la plénitude, je suis directement branché sur la source de 
vie, et, la seule activité que je peux avoir c'est de commencer à bouger, et 
puis d'entendre. On fait écouter de la musique au bébé qui est encore dans le 
ventre de sa mère, les voix aiguës excitent le fœtus, les voix graves le 
calment. Je commence à entendre, je ressens les vibrations de la voix de ma mère 
? Puis un jour arrive où je fais une expérience brutale, c'est l'expérience de 
la séparation ; il va falloir apprendre à vivre séparer. 
Je ne parlerais pas des étapes de la croissance, ce n'est pas le lieu et vous en 
savez déjà quelque chose sans doute, je parlerai davantage de cette séparation 
qui tout à coup me place dans le vide, il n'y a plus autour de moi cette 
membrane matricielle, ce liquide dans lequel j'étais bercé, il n'y a plus rien. 
Je suis déjà sur la voie d'une autonomie que j'accepte mal ; d'où l 'importance 
d'être touché, enveloppé, blotti sur la poitrine de ma mère. Être nourri ne 
suffit pas, il faut plus : le regard, la voix, cette voix que j'entends 
maintenant plus clairement. Puis peu à peu la distance d'avec la mère se fait 
plus grande : distance physique - je commence à percevoir que ma mère ce n'est 
pas moi, que je ne suis pas ma mère. 
La différence m'apparaît et mon identité devient très fragile, je ne sais plus 
très bien qui je suis. J'ai un nom, je l'ai entendu, j'ai peut-être ressenti les 
vibrations de la voix de mon père ou de ma mère quand ils le prononçaient avant 
même que je sois dehors. Mais mon identité devient si fragile dans cette 
séparation que j'ai besoin de provoquer l'appel, et si vous avez vécu avec de 
petits enfants, vous avez tous assisté à cette scène où l'enfant joue à se faire 
appeler par sa mère ; L'enfant appelle « maman » et la maman répond « Dominique 
» et on répète « maman » « Dominique »… 
Et cela continue jusqu'à un grand éclat de rire, l'enfant est content. Cela peut 
être aussi le jeu du oui et du non : « attention ne touche pas » « si » « non » 
« si » …. Tant qu'on me répond, tant qu'on m'appelle j'existe et ce nom qui m'a 
été donné avant même d'être dehors, ce nom renvoie au désir que mon père a eu de 
ma mère et que ma mère a eu de mon père ; ce désir qui a un moment a pris corps 
et a reçu un nom. 
« Qui suis-je » ? Je suis celle ou celui qui cherche à être reconnu, celle ou 
celui qui naît du désir, porte en lui, en elle, le désir de l'autre, pour une 
reconnaissance et pour une existence-ex/istence littéralement : être debout 
dehors. Je ne peux le faire seul. De la symbiose je passe à un commencement 
d'autonomie, mais mon autonomie je ne peux l'affirmer, la structurer qu'à partir 
de l'autre et en moi sommeille ce désir très profond de l'Autre. Me voilà donc 
dans ce monde où j'ai pris place et où j'essaye toujours de prendre place, dans 
un peuple qui a déjà toute une histoire. J'existe dans la mesure où l'autre 
m'appelle, me reconnaît et satisfait mon désir. 
Mais qu'est-ce que mon désir ? Comment m'est-il révélé ? Il m'est révélé à 
travers le besoin que j'ai de sentir, le besoin d'entendre, et, à travers ce 
besoin qui me provoque à demander. Je parle des besoins qui ne sont pas vitaux 
comme le besoin de boire ou de manger. Il y a d'autres besoins qui sont moins 
immédiats plus profonds : besoin de relations, besoin d'être touché, besoin 
d'être appelé. Ce besoin qui me provoque à demander ( à l'autre de m'appeler de 
me toucher) me renvoie au désir qui sommeille en moi. Penser à l'exemple du 
petit enfant qui fait une bêtise pendant que sa mère est occupée avec quelqu'un 
d'autre ; « Il profite toujours de ce moment là pour faire une bêtise » dira la 
mère. Evidemment elle ne s'occupe plus de lui, il se sent abandonné, elle ne 
répond plus à ses appels ! Elle va peut-être lui donner une bonne fessée cette 
maman mais au moins elle s'occupera de lui, elle lui aura dit : « je ne t'oublie 
pas ». C'est le désir de l'amour de la mère, de sa reconnaissance. Le besoin de 
faire une bêtise exprime la demande. 
La demande est la charnière entre le besoin et le désir, et il arrive un moment 
où, inséré dans l'histoire d'un peuple, on m'a dit que j'avais un père depuis 
l'origine des temps, un père qui avait sur moi un dessein, un père qui lui aussi 
m'a engendré, et qui m'a appelé dès le sein de ma mère- Jérémie « avant de te 
former au ventre maternel, je t'ai connu… » ; Saint Paul : « mais quand celui 
qui dès le sein maternel m'a appelé… » et bien j'ai entendu : "tu es mon fils, 
moi dès aujourd'hui, je t'ai engendré « psaume 1. 
Ce peuple, ces amis, ces gens que j'ai côtoyés, ma famille m'ont révélé qu'il y 
avait un père dont j'étais le fils et je sentais bien au fond de moi qu'il y 
avait quelque chose qui n'était jamais satisfait, qu'il y avait en moi une 
dimension d'infinie que je ne pouvais pas satisfaire, et puis on m'a dit : « 
Dieu » 
Alors qui suis-je ? …..Un être inséré dans une histoire, dans un peuple, dans 
une famille qui porte au fond quelque chose qui n'est jamais assouvie et un être 
engendré dès avant le sein maternel. Il y a cela au fond de moi, quelque chose 
qui m'appelle à un plus être : Dieu. C'est dans ce lieu, lieu du désir, c'est 
des profondeurs de ce lieu que je crie vers cet infinie, vers la plénitude ; Le 
désir est un vide en moi, une béance à combler au fond de laquelle résonne 
l'écho d'une parole qui donne vie, qui me pousse toujours plus loin, qui me 
dynamise, mais une parole que je discerne mal. 
Le désir, c'est peut-être cette caisse de résonance dans laquelle ce père comme 
un souffle fragile, m'appelle au plus être et je viens au plus près du lieu de 
l'écho pour me mettre à l'écoute. Le désir c'est mon origine depuis le fond des 
temps c'est ma source, le point de départ d'une parole qui me dit « je 
t'engendre, je te nomme et je te dis : « viens » Je suis l'image de l'amour 
créateur du Père, lui-même fécondé par un désir d'Être, qui a la dimension de la 
plénitude et de l'infini : « qu'est-ce que l'homme pour que tu en prennes souci, 
pour que tu penses à lui, et bien au fond c'est ça…. « Qui est Dieu ? » Qui est 
ce Père qui m'engendre à tout moment, qui m'appelle du fond des âges qui me dit 
« viens, avances, reviens vers moi » 
Qui est-ce ce Dieu ? Je n'en sais rien. Autant je peux définir l'être humain 
sous quelques-uns uns de ses aspects autant il est impossible de définir Dieu. 
Alors je fabrique des images, je fais un Dieu, mais en faisant ce Dieu à mon 
image, car il m'a fait à son image, et je le lui rends bien*, je fais un Dieu 
réduit. Ce Dieu réduit que je fabrique c'est le Dieu de mes besoins, ce n'est 
pas le Dieu de mon désir. J'ai besoin de voir et de toucher, d'entendre, mais 
alors si on me dit que ce Dieu que j'ai fabriqué ça n'est pas encore ça, si Dieu 
n'est pas dans l'ouragan, s'il n'est pas dans le rocher, s'il n'est pas dans le 
tonnerre, si Dieu n'est pas dans toute image de puissance » qui donne à se voir 
et à se toucher, qui est-il ? Ce Dieu tellement puissant qui commande aux 
éléments de la terre et du ciel et qui fait obéir ces éléments ? C'est un 
souffle fragile. Un souffle fragile que quelquefois je perçois légèrement, c'est 
une absence, c'est une parole mal entendue en tout cas ce n'est rien à voir, 
mais c'est précisément l'accent, la séparation qui est propice à la 
structuration de ma personne. 
Comme l'absence de la mère, la distance d'avec la mère me permet d'exister 
debout de me structurer, l'absence de dieu structure aussi mon désir, le fond de 
ma personnalité. Alors qu'est-ce que prier ? 
Et bien prier c'est peut-être d'abord se mettre à l'écoute de ce mal entendu ( 
en deux mots : mal-entendu) qui souffle au fond de moi qui traverse toute 
l'épaisseur de mon expérience et ravine mon désir vrai dynamisme de ma personne. 
Et quand trop tendu entre ce désir qui est la constitution de mon moi profond 
(le grand moi) et du petit moi qui est le lieu des mes besoins, quand trop tendu 
je flanche, alors « je crie des profondeurs vers toi Seigneur ». Des profondeurs 
de tout l'histoire d'un désir : c'est de là que j'appelle Dieu quand je 
l'appelle en vérité, et qu'est-ce que je fais quand j'appelle Dieu ? J'appelle 
un autre désir. La prière c'est la rencontre de deux désirs libres, libérés de 
ce petit moi qui fait du tapage et m'empêche d'entendre le souffle fragile. 
l'autre et le Tout Autre 
* Dieu a fait l'homme à son image et l'homme Lui a bien rendu :Voltaire 
Merci Gilberte pour ton partage j' essaierai d'y répondre, je file vite 
m'occuper de mes enfants , j'ai une réunion ensuite, en union de prière, pendant 
mes occupations, pour l'instant.... bonne mi -carême à tous et toutes 
Colombesperance 
Là où il n'y a pas d'amour,
mettez de l'amour et,
vous obtiendrez l'amour.
St Jean De La Croix