Carême 2004
Quatrième Semaine de Carême


quelques textes du groupe de Carême de l'ermitage
mercredi 24 mars 2004.




Voici quelques textes postés par les participants du groupe Carême de l'ermitage pour ceux qui n'ont pas le temps d'y participer...ou prennent le train en route

le thème de réflexion cette année : "l'Autre "

Carème 4

Un peu de fraîcheur cette semaine... ( mi Carême oblige !)

Merci pour vos participations toujours de qualité et faisons une pause avec Sœur Emmanuelle…ou l'exemple même d'un travail pratique de ce que nous expliquions.

Ce qui m'a décidé à parler d'elle c'est une émission de télé lundi dernier : une apparition toujours fraîche à 96 ans et un discours simple pour cette fille du nord de mère belge et de père français à la voix cristalline et au discours vrai.

Née en Belgique ,la mort accidentelle de son père par noyade devant ses yeux alors qu'elle n'avait qu'à peine 6 ans sur une de ces grandes plages du nord à Ostende, emporté par une vague lui « apprendra l'absence…le manque …un trou » avoue-t-elle

Une absence que rien ni personne ne pourra combler pour cette âme exigeante

Si ce n'est l'Ultime sous la forme de ce petit enfant les bras tendus dans la crèche et pour lequel elle décide de s'engager : elle à 12 ans Dieu ne se rencontre que dans le dénuement dit-elle.

Elle finit par pousser la porte des Sœurs de N.D. de Sion dont elle a pu voir le dévouement pour les enfants dans la détresse rue Notre Dame des Champs à Paris pour s'occuper des plus pauvres. Par obéissance et parce que c'était la guerre elle se décide à poursuivre des études universitaires à Istambul et d'enseigner dans cette ville ,mais aussi à Tunis et Alexandrie car on manque cruellement d'intellectuels et qu'il faut occuper les postes vacants

Mais à cette époque quand on est religieuse on doit avant tout obéir aussi elle doit attendre 40 ans , et Vatican 2 pour pouvoir demander d'aller vivre auprès des plus pauvres et ne pas rentrer au coucher du soleil !

Elle se rattrapera ensuite à 60 ans dans les bidons villes du Caire ! Vingt ans de Présence parmis les petits chiffonniers et les déshérités qui la combleront de Joie vraie

Je livre ici quelques extraits de ses ouvrages ( que je vous conseille de parcourir : c'est facile à lire ! Et tellement simple et vrai !

Je souhaite bien sûr vos réactions éventuelles et de vous garder en une prière commune tout au long de cette quatrième semaine

Très fraternellement en communion de Carême

ff+


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La béance bénéfique

Tout le monde le sait : je suis incorrigiblement positive. Je retiens en particulier deux bienfaits du constat permanent de ma faiblesse, de mon agitation, de mon manque d'intériorité. Le premier est de me savoir ainsi soeur de toute humanité. Cette tentative de combler le vide intérieur par la vanité de l'extérieur, elle est en nous tous.
Nous n'en sortirons jamais complètement ici-bas.

Mon tempérament de jouisseuse m'a portée, ô combien, à comprendre tous ceux qui, reconnaissant leur faiblesse, ne sont pas arrivés à la surmonter : avoir profondément senti sa propre misère amène à compatir à celle des autres.

Je pense à tel homme qui brisa son foyer pour des aventures sexuelles accumulées, sachant pourtant que sa femme et ses enfants constituaient son trésor le plus cher. Il me disait : « je sais que je suis fou. je perds tout pour ces femmes, mais c'est comme une maladie dans mon sang, je ne peux pas M'en défaire. »

Je pense à cet autre homme qui, lui aussi, fut brisé par le divorce que sa femme finit par demander. Il n était jamais présent, ni pour elle ni pour leurs enfants : cadre supérieur, son travail et le souci de sa réussite professionnelle l'engloutissaient complètement.

Finalement, et malgré mon âge, je comprends tout à fait mes contemporains.

Dans l'homme sans gravité, le psychanalyste Charles Melman décrit en effet la naissance d'une nouvelle économie psychique à laquelle nous assistons. L'ancien moteur, le désir, a selon lui laissé place à la jouissance : « Il n'est plus possible d'ouvrir un magazine, d'admirer des personnages ou des héros de notre société sans qu'ils soient marqués par l'état spécifique d'une exhibition de la jouissance
Il faut exhiber ses tripes, l'intérieur de sestripes et même l'intérieur de l'intérieur »
Nous touchons la des extrêmes qui seraient une des causes directes de l'insatisfaction foncière qui frappe notre génération.

Chercher à jouir sans limite, c'est souffrir du même coup des limites de la jouissance. Plus elle a régalé les sens et l'imagination, plus elle laisse le goût amer de tout ce qui excite pour s'évanouir trop tôt. Elle charrie derrière elle une béance, un vide qu'elle n'arrivera jamais 'à combler.

En second lieu, j'ose affirmer que l'expérience même de cette béance est un bienfait. Toutes les prises de conscience de la vanité de mes entreprises M'ont décapée, par couches successives.

Ne sont-ce pas les épreuves qui jalonnent l'existence qui permettent à l'homme d'accéder la nudité ? Vient un jour - plus ou moins tôt, plus ou moins tard - ou l'on se retrouve nu et cru.

Contrairement à la piété ignorante qui fait des saints des héros invincibles, ces hommes et ces femmes ont tous connu un moment d'écroulement fondateur.

Prenons l'exemple d'Ignace de Loyola. Jeune hidalgo, cadet de famille épris de chevalerie, le voici au service d'un grand seigneur lors du siège de Pampelune. Un coup de catapulte l'atteint à la jambe. Grièvement blessé, il devient infirme vie. Finie la carrière militaire, finis les rêves d'exploits et d'honneurs ! Réduit à l'impuissance dans sa chair etdans son âme, tout lui paraît perdu.
Les longs mois immobiles de sa convalescence l'obligent à lire et à méditer, jusqu' au jour ou un passage de l'évangile semble s'adresser à lui. Il deviendra désormais » miles christi« , soldat du Christ, entraînant à sa suite et à travers les siècles une armée de compagnons, les jésuites.

Parmi mes relations, de multiples illustrations du même phénomène se présentent à mon esprit.

Cécile, en particulier, était professeur d'histoire. Son espoir le plus cher était de fonder une famille. Tout lui souriait. Soucieuse de séduire pour trouver un jour l'élu de son coeur, elle voyait l'avenir en rose. Un mal bénin l'amène un jour à consulter.
Elle reçoit alors le choc de sa vie : le médecin lui annonce sa stérilité irrémédiable. jamais elle ne pourra être mère.
Tout s'écroule.
Sa vie n'a plus de sens, elle sombre dans le désespoir. Elle n'a plus goût à rien, c'est le vide complet.

Par hasard, elle tombe sur un article relatant le drame des enfants laissés pour compte dans les orphelinats d'un pays d'Asie. Les enfants en bonne santé sont facilement adoptés. Les enfants handicapés, eux, restent sur le carreau.
Deuxième choc de sa vie. Elle se sent irrésistiblement appelée, elle écrit au journaliste, se renseigne et, bientôt, la voilà mère adoptive d'un, puis de deux, puis de cinq, puis de dix enfants abandonnés originaires de France et des quatre coins du monde. Elle crée une association qui lui permet, pendant des années, de sauver des centaines de vies.

Je lui ai rendu visite.

Dans une belle maison construite en plein bois, elle était entourée de la vingtaine d'enfants hébergés à ce moment-là. J'ai été frappée de l'intelligence, de la joie que dégageait cette famille. je lui lance : « Cécile, comme tu es heureuse ! » Elle éclate de rire : « Vous êtes la première personne qui m ' ait comprise. Les autres ont pitié de moi. Il leur semble que je porte un fardeau, alors que ces enfants abîmés par la vie sont mon bonheur. » Nous avons bien ri, toutes les deux.

Dans l'un et l'autre cas, la projection imaginaire de soi-même et de sa réussite s'est déchirée. Il faut souhaiter à chaque humain ce décapage, si douloureux qu'il soit. Vidé de ses chimères, grelottant, tout ramage et plumage arrachés, son coeur dépouillé devient un gouffre. Place est faite, alors, pour la vérité.

Disons autrement tout ceci. Le jour vient alors, entre le plaisir et le bonheur, il faut choisir


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Tout est un, l'un est en l'autre'.

Y aurait-il contradiction avec l'ensemble des Pensées qui insistent sur la déchirure interne de l'homme ? Je pense que, au contraire, nous arrivons ici à un des sommets de la méditation pascalienne.

Certes, il suffit de nous regarder nous mêmes : moi, toi, lui, elle, nous. Ne sommes nous pas un drôle de mélange de bien et de mal ?

Qui de nous n'est pas passé, au long de ses jours, par des sentiments d'affection et de haine, de douceur et de violence, de don gratuit et d'égoïsme ? Pascal nous le dit sans ambages

« Tout est un, l'un est en l'autre »

Et l'homme est naturellement crédule, incrédule, timide, téméraire .

Condition de l'homme : inconstance, ennui, inquiétude .

Qui de nous n'a pas connu des heures où il ne se comprend plus lui-même et où il ne comprend plus les autres ?

Face à cette irréductible complexité, nous traversons des stades différents. Ou bien nous cherchons inconsciemment à l'ignorer et nous fermons les yeux.

Ou bien nous cherchons à nous hisser, sans reconnaître qu'elle est glissante, la corde tendue vers les hauts sommets. Attention à l'angélisme !

Et l'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête .

J'en ai fait l'expérience. J'ai longtemps couru vers une sainteté exemplaire, conformément au modèle que je me faisais de Thérèse d'Avila, la grande mystique.

Je me battais contre le mur de mes défauts et j'enrageais de rester en échec. J'oserais dire que c'est un cas classique, je l'ai souvent rencontré. Il me semble même que la perfection d'une morale laïque, comme celle d'André Comte-Sponville, ne peut pas aboutir. Pourquoi ?
Tout simplement parce que c'est vouloir sortir de la condition humaine. Il m'a fallu des années pour me rendre compte que je portais en moi, dans ma peau, dans mon corps, mon coeur, mon âme, un noyau inextricable de bon et de mauvais.

Bien considéré, cependant, le problème est simple. Dans la mesure où, en effet, je reste collée a mon nombril, l'autre se pose devant moi comme un étranger, un métèque, un rastaquouère.

Son identité différente devient un danger. Il s'agit alors de l'éloigner, l'éliminer, même. S'il est plusieurs façons de tuer l'autre, toutes se résument à nier son identité. En revanche, dans la mesure ou je suis capable de reconnaître que ma vie prend sa valeur de la relation avec l'autre différent, mon être rabougri, ratatiné, prend une soudaine envergure.

Le pasteur Dietrich Bonhoeffer en est une illustration. Il n'a pas supporté de rester englué dans la sécurité au Brésil tandis que son peuple vacillait dans sa foi sous la pression hitlérienne. Revenu en Allemagne, il a osé parler haut et fort contre le nazisme. Arrêté, il connaît les affres de la prison. Les oreilles assaillies par les hurlements des détenus, il est confronté à cette question lancinante : où est Dieu ? Peu avant d'être pendu sur l'ordre de Hitler, il écrivait

« Tout est un, l'un est en l'autre »

« Qui suis-je ? Souvent ils me disent que de ma cellule je sors détendu, ferme et serein, Tel un gentilhomme de son château. Qui suis-je ? De même ils me disent que je supporte les jours de l'épreuve, Impassible, souriant et fier, Ainsi qu'un homme accoutumé à vaincre. Suis-je vraiment celui qu'ils disent ? Ou seulement cet homme que moi seul connais, Inquiet, malade de nostalgie, pareil à un oiseau en cage, Cherchant mon souffle comme si on m'étranglait. Si las, si vide que je ne puis prier, penser, créer, N'en pouvant plus et prêt à l'abandon.

Qui suis-je ? Celui-là ou celui-ci aujourd'hui cet homme et demain cet autre ? Suis-je les deux à la fois ? Qui suis-je ? Dérision que ce monologue Qui que je sois, tu me connais Tu sais que je suis tien, ô Dieu !

(D. BONHOEFFER, Résistance et soumission, Labor et Fides, Genève, 1967, p. 164-165.)

Bonhoeffer, dans sa prison, est dépouillé de tout ce qui représente le « mien » : honneur, possessions, dignité. Il est apparemment réduit au « rien ». Mais il est un « mien » plus profond : le monologue, le souci de moi, y compris dans mon abaissement, ma misère, ma contradiction. je me contemple alors, complexe et misérable. L'idole, toujours l'idole !

Bonhoeffer trouve dans la relation de charité avec l'autre - « je suis tien » - la sortie et la résolution du dilemme. Il rejoint alors le coeur incorruptible de la valeur humaine, caché au plus profond de soi. Il trouve la réponse à la question cruciale de son identité - « Qui suis-je ? » - lorsqu'il fait entrer son misérable rien dans le troisième ordre de la charité. Le « mien » et le « tien » communient désormais, toute opposition dépassée.

« Tout est un, l'un est en l'autre. »

Plus on approfondit cette pensée, plus on voit qu 'elle s'applique en différentes conjonctures de l'existence. « Homo sum... je suis homme, rien de ce qui est humain ne m'est étranger », disait déjà, il Y a deux mille ans, le poète Térence.

Lorsque nous sommes établis dans la relation de charité, la seule vraie, l'autre n'est plus un étranger. Sa différence n'est plus une menace. Elle ne disparaît pas non plus.

Les tentatives fusionnelles sont illusoires, dangereuses, à l'opposé de l'amour unifiant. Dans la relation vraie, l'un reste l'un, l'autre reste l'autre, mais l'un et l'autre se reconnaissent d'une même chair, d'un même sang, d'une unique humanité, somptueuse et fragile. Brisée, la statue héroïque ! Défait, le champion de la Vérité ! Nus, nous devenons vrais. Humbles enfin, un parmi d'autres, nous vivons la fraternité.

L'autre est la chance de ma vie

Sur ce sujet, j'ai eu comme un éclair un jour ou... je bus un verre d'eau. Une idée me sauta à l'esprit : je ne bois ni de l'hydrogène (H), ni de l'oxygène (0), je bois H2O, de l'eau ! je ne m'identifie ni au bon, ni au mauvais qui me composent, je suis Emmanuelle, une combinaison vivante des deux. Depuis ma naissance jusqu'à ma mort, je suis une combinaison de toutes les dimensions, complexes et contradictoires, qui se retrouvent dans tout être humain. Et cette combinaison est originale, autre que la simple somme des composantes.

Que faire ? Ne plus lutter contre mes défauts et baisser les bras ? Que de fois j'ai tourné et retourné ces questions dans ma tête. Sur ce point aussi, Pascal m'est venu en aide. J'ai creusé et recreusé cette petite phrase : « Tout est un, l'un est en l'autre ». Elle m'a aidée à m'accepter dans mon identité originelle. Le bon est dans le mauvais, le mauvais est dans le bon. J'existe en tant que combinaison, H,O. Vouloir tuer en moi le mauvais, ce serait m'anéantir. Accepter ma contradiction vitale, c'est faire fondre l'amertume qui m' empêche d'avancer, légère et sereine. C'est me regarder avec humour. Ma pauvre fille, elle repousse vite, ta vanité, avec ton orgueil et ton ego. Comme l'affirme le proverbe : « Une demi heure après la mort, l'amour-propre vit encore. » Allez ouste, occupe-toi des autres ! Ça, c'est vivre, avancer fraternellement la main dans la main.

Saint Irénée écrivait : « L'homme vivant est la gloire de Dieu. » Être vivant, c'est dépasser sa dualité foncière pour aboutir à un troisième terme, l'unification harmonieuse. Être vivant, c'est dépasser l'opposition entre moi et l'autre. Bien loin d'être une menace pour mon identité et mon épanouissement, bien loin de prendre ma place au Soleil, de bouffer mon espace vital, l'autre est la chance de ma vie. On a toujours peur de perdre, mais on gagne. On veut toujours uniformiser sur son propre modèle. On croit toujours que c'est ou l'un ou l'autre : ou bien tout moi, ou bien tout toi. Dans les deux cas, c'est le règne de l'Un. À ce compte, c'est l'aridité.

La fécondité d'une vie humaine dépend justement de l'étendue du troisième terme : ni toi seulement, ni moi seulement, mais le lien heureux entre nous, l'un et l'autre, dont le mystère dépasse largement la somme de ses composantes.

« Tout est un, l'un est en l'autre »

Dans ce type de lien, on devient capable de discerner le positif dans tout ce qui est terrestre. je l'atteste, moi qui ai connu de pires des assassins, j'ai souvent découvert en eux des germes de beauté, d' âme et de coeur, qui m'ont enrichie.

Nous sommes loin d'avoir épuisé l'ampleur de la vision pascalienne de l'unification universelle. De récents travaux scientifiques nous y ramènent d'une manière inattendue. Deux ouvrages m'ont particulièrement passionnée. Tous deux sont à la fois empreints d'une rigoureuse rationalité et d'un émerveillement poétique. L'Évolution cosmique et Poussieres d'étoiles ont été écrits par l'astrophysicien Hubert Reeves. Il rejoint singulièrement Pascal, qu'il cite d'ailleurs plusieurs fois. Selon lui, depuis le big bang produit il y a des milliards d'années, le plus petit est indissolublement lié au plus grand. Quatre-vingts éléments chimiques se retrouvent disséminés dans l'Univers, depuis les galaxies jusque dans l'homme. « Nous avons été engendrés dans l'explosion initiale au coeur des étoiles et dans l'immensité des espaces sidéraux . » D'autre part, la cohésion de tout ne tient pas qu'à l'uniformité de composantes chimiques. Elle est aussi assurée par des forces colossales d'attraction. « Tout attire tout », comme le disait Einstein. Dans ce domaine, je ne peux que balbutier, mais ces informations me poussent à contempler la spectaculaire un-ité de l'Un-ivers dans sa chatoyante diversite.

De plus, cette contemplation de l'unité dans l'espace est aussi celle du temps : une prodigieuse évolution cosmique se déroule durant quinze milliards d'années, l'infiniment petit, au moment du big bang,,engendrant l'infiniment grand. L'infiniment grand nous ramène à l'infiniment petit : « Les populations atomiques s'élèvent à plusieurs milliards de milliards de milliards par centimètre cube » L'esprit vacille. Au XVIIe siècle, Pascal ne pouvait analyser l'infiniment petit qu'à partir d'un minuscule parasite, le ciron. Un ciron des humeurs dans ce sang, des gouttes dans ces humeurs, des vapeurs dans ces gouttes ; que, divisant encore ces dernières choses, [l'homme] épuise ses forces en ces conceptions

Dans une prescience extraordinaire, Pascal avance même

Donc toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates, et toutes s'entretenant par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes.

Ici, notre vision de l'Univers ne s'arrête pas à l'écrasement de l'homme, perdu entre deux infinis. Penser l'Univers, c'est aussi contempler le lien entre toutes choses.

Mais Pascal, d'un vol fulgurant, dépasse la grandeur du premier ordre, cette vision quasi infinie de la matière et de sa cohérence. Il dépasse même la grandeur du deuxième ordre, où l'homme forge de son esprit des conceptions quasi infinies.

Pascal s'élève dans un troisième ordre plus sublime, permanent dans son éternité. Tout est un, l'un est en l'autre, comme les Trois Personnes.

Nous nous heurtons maintenant à un redoutable problème. Nos pieds quittent soudain le terrain solide de la physique, nos yeux délaissent les instruments perfectionnés qui nous dévoilent le monde, notre esprit renonce à ses calculs inlassablement vérifiés.(…)

En écrivant ces lignes, mon regard s'échappe de temps à autre vers une des icônes les plus célèbres de la chrétienté, la Trinité de Roublev. Je ne me lasse jamais de la contempler. Chacune des trois personnes est comme irrésistiblement attirée vers l'autre, le visage et la main tournés vers l'autre. Il semble que les trois communient dans l'unité : cum-unire, s' unir dans une symphonie où les notes s'assemblent, se mélangent, confluent dans une unique harmonie. Mais cette communion ne forme pas un cercle, elle ne se ferme pas sur elle-même. Entre les Trois, un espace est ouvert. Les lignes de relation se dirigent aussi vers l'extérieur, vers le monde, vers l'homme, vers moi qui regarde cette icône. Parce que la communion représentée est une communion d'amour, elle déborde et veut se communiquer. Là est la source de la révélation, dans cet amour qui est Dieu en lui-même et qui jaillit hors de lui, en mouvement de don et de communication.

Le langage humain ne peut que balbutier quand il essaie de dire Dieu ! (…) Au Brésil, on danse la ciranda, une ronde ouverte où tout le monde se regarde. Comme dans la ciranda, l'humanité est aspirée par le courant trinitaire. »

(…) Le grand saint Augustin était un jour occupé à réfléchir sur la Trinité, lorsqu'il vit un enfant, au bord de la mer de Carthage, absorbé dans une tâche impossible : à l'aide d'un coquillage, il essayait de transvaser la mer dans un trou creusé dans le sable. Augustin S'interroge : lequel des deux est-il le plus insensé, ce bambin ou lui même qui prétend mettre Dieu dans son crâne ?

« Tout est un, l'un est en l'autre »

( extraits de "Vivre à quoi ça sert ?" paru chez Flammarion)

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Bonjour à tous,

je vous livre quelques réflexions, vos réponses me seraient sûrement utiles pour mûrir tout cela.

Nous ne connaissons de l'autre que ce qu'il veut bien nous montrer de lui, et même s'il voulait nous montrait tout de lui, comme nous même ne nous connaissons pas
et que nous aurons, chacun personnellement, jamais fini de nous connaître, puisque chaque expérience de la vie nous transforme, ce ne serait que l'espace d'un instant,
sans compter, tout ce qui nous échappe de notre vécu, c'est donc impossible pour chacun de connaître l'autre, il nous faut donc accepter d'accueillir l'autre tel qu'il est, il n'y a que face aux actes ou aux paroles que l'on puisse dire, "je suis en accord avec ou pas" juger l'acte posé mais pas la personne, le pécher mais pas le pécheur ? ? ?

Cette" inconnaissance" qui nous met à distance, de l'autre et du Tout Autre, n'est-ce pas celle que nous cherchons à combler et qui nous pousse à nous questionner, nous fait chercher, réfléchir, avancer, grandir ?

Et aussi nous rendre compte que plus nous découvrons et plus il nous reste à découvrir, qu'il n'y a donc pas de fin à notre soif de savoir, de comprendre et que c'est notre finitude qui y met fin (Je ne sais si je m'exprime clairement, ça l'est pour moi j'espère pour vous aussi ? ? ? ?)

Ce qui n'empêche nullement de vivre authentiquement ce que nous désirons vivre, en faite, notre vie se passe à élargir nos limites pour s'ouvrir de plus en plus pour accueillir l'autre et le Tout Autre, dans toute sa richesse et sa complexité, ce qui présuppose d'avoir fait d'abord le chemin vers soi-même ?

PRIÈRE

Tu m'as séduit et je me suis laisser séduire,
Je T'aime de toutes mes faiblesses,
Jésus communauté d'Amour en Toi-même,
Qui peut Te craindre ?
O ! Trinité adorée,
merci de m'aimer tel que je suis,
Quand Tu nous parles d'un paradis promis,
et non d'un paradis perdu,
Jésus qui peut Te craindre ?
Apprends moi, Jésus,
à aimer tout simplement,
à aimer tout comme Toi.

AMEN

Colombe

Colombesperance

Là où il n'y a pas d'amour,
mettez de l'amour et,
vous obtiendrez l'amour.
St Jean De La Croix


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Bonjour Colombe ,

C'est exact que l'on ne connaît de l'autre que ce qu'il veut bien dévoiler ou montrer , voilà où nous sommes souvent ennuyés parce que nous nous forgeons une image , une idée , qui correspond à notre désir le plus souvent , mais qui peut être très loin de ce que l'autre est exactement , et c'est pareil pour le Très-Haut , depuuis notre plus tendre enfance nous nous sommes forgé une idée , une image , selon les différents moments de nos vies, soit nous LUI faisons confiance dans les moments où la vie tourne bien , et dans les moments douloureux , nous en arrivons à nous demander "pourquoi cela m'arrive-t-il à moi" pourquoi n'a-t-Il pas répondu de la manière dont moi ou nous le souhaitions ?"

Pendant longtemps , j'ai pensé comme cela , mais la vie m'a fait regarder et essayer de voir les choses autrement , oh , il n'y a pas bien longtemps de cela , mais c'est arrivé surtout après le décès de mon fils aîné . Cet épisode de ma vie me faisait revivre une partie importante de ma propre enfance alors les pourquoi moi et tout le reste sont sortis jusqu'à ce que grâce au soutien de l'Ermitage et de beaucoup d'amis , de la famille , je me suis laissée prendre dans les bras du TRES-HAUT et je Lui ai confié les rennes de ma vie .

L'apaisement s'est petit à petit installé en moi , cela ne veut pas dire que du jour au lendemain , mes cris , mes larmes , mes doutes ont disparu , non , ils sont toujours là prêts à ressurgir à la moindre faille, au moindre moment de déprime ou quand les évènements ne tournent pas comme je le souhaite .

Moi-même comme les autres , comme l'autre , je porte un masque que rien ni personne ne saura m'enlever si je ne le souhaite pas , c'est pour cette raison que je dis il y a en chacun une part d'ombre et une part de lumière , les deux ne faisant qu'un , et c'est comme cela que nous devons nous aimer et aimer ceux qui viennent vers nous avec leurs facettes .

Le diamant n'est-il pas plus beau lorsqu'il est taillé de manière à laisser passer la lumière par tous ces côtés ?.

Je n'ai aucune idée de savoir si j'ai répondu aux questions que vous vous posez , mais il m'est venu à l'idée de joindre 2 textes venant du site "Un chemin d'amour vers le Père " qui m'interpellent beaucoup , j'ose espérer qu'il en sera de même pour vous . Fraternelle union de prières avec tous et toutes .

Gilberte

**Il était une fois un homme assis près d'une oasis, à l'entrée d'une ville du Moyen-Orient.

Un jeune homme s'approcha et lui demanda :

" Je ne suis jamais venu ici. Comment sont les gens qui vivent dans cette ville ? "

Le vieil homme lui répondit par une question :

" Comment étaient les gens dans la ville d'où tu viens ? "

" Egoïstes et méchants. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'étais bien content de partir. "

" Tu trouveras les mêmes ici " lui répondit le vieil homme.

Un peu plus tard, un autre jeune homme s'approcha et lui posa la même question :

" Je viens d'arriver dans la région. Comment sont les gens qui vivent dans cette ville ? "

Le vieil homme répondit de même : " Dis-moi, mon garçon, comment étaient les gens dans la ville d'où tu viens ? "

" Ils étaient bons, bienveillants, accueillants, honnêtes. J'y avais de nombreux amis et j'ai beaucoup de mal à les quitter. "

" Tu trouveras les mêmes ici " répondit le vieil homme.

Un marchand qui faisait boire ses chameaux, avait entendu les deux conversations. Dès que le second jeune homme s'éloigna, il s'adressa au vieillard sur un ton de reproche :

" Comment peux-tu donner deux réponses complètement différentes à la même question posée par deux personnes ? "

" Mon fils, dit le vieil homme, chacun porte son univers dans son coeur.
D'où qu'il vienne, celui qui n'a rien trouvé de bon par le passé ne trouve rien ici non plus.
Par contre, celui qui avait des amis dans l'autre ville trouvera ici aussi des amis loyaux et fidèles.

Car, vois-tu, les gens sont vis-à-vis de nous ce que nous trouvons en eux. "

***La route de la vie

Au début, je voyais Dieu comme mon observateur, mon juge, comptant toutes les choses que j'avais mal faites, pour qu'Il puisse savoir si j'avais mérité le Ciel ou l'enfer quand je mourrai.

Mais plus tard, quand j'ai rencontré Jésus, il me sembla que ma vie était plutôt comme une balade en vélo, mais c'est un vélo-tandem, et j'ai remarqué que Jésus-Christ était à l'arrière m'aidant à pédaler.

Je ne sais plus juste quand Il me suggéra que nous changions de places, mais la vie n'a jamais été la même depuis. Quand j'avais le contrôle, je connaissais le chemin. C'était plutôt ennuyeux, mais prévisible...

C'était le chemin le plus court entre 2 points. Mais quand Il prit le guidon, Il connaissait de beaux et longs détours, par des montagnes, des endroits rocheux à des vitesses à se casser le cou, tout ce que je pouvais faire était de m'accrocher ! Même si ça semblait être folie, Il me disait :" Pédale !"

Je m'inquiétais et étais anxieux et demandais : " où m'emmènes-tu ? " Il riait et ne répondait pas, et je commençais à apprendre la confiance.

J'oubliai ma vie ennuyeuse et entrai dans l'aventure. Et quand je dirais, "j'ai peur", Il se pencherait derrière pour toucher ma main.

Il m'amena à des gens pour donner ce dont j'avais besoin, des cadeaux de guérison, acceptation et joie. Ils m'offrirent des cadeaux à emporter pour mon voyage, celui de mon Seigneur et le mien.

Et nous étions sur la route de nouveau. Il disait : " donne ces cadeaux ; ils sont des bagages en trop, trop de poids ". Alors je les donnais aux personnes que nous rencontrions, et je découvrais qu'en donnant je recevais, et toujours notre fardeau était léger.

Au début, je ne Lui faisais pas confiance pour le contrôle de ma vie. Je pensais qu'Il allait me mener à un accident ; mais Il connaît les secrets du vélo, sait comment l'incliner pour prendre des virages difficiles, sait comment le faire sauter pour éviter des rochers, sait comment aborder des passages effrayants.

Et j'apprends à me taire et à pédaler dans les endroits les plus étranges, et je commence à apprécier la vue et l'air frais sur mon visage avec mon agréable compagnon de tout instant, Jésus-Christ.

Et quand je suis certain que je ne peux plus continuer, Il sourit seulement et dit : "Pédale"...


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Bonjour,

"Nous sommes essentiellement des êtres de relation car la vie est relationnelle" Père Joseph-Marie Verlinde

Lorsque je me retrouve devant des personnes ayant commis un délit (innocentes tant qu'elles ne sont pas jugées-certaines ayant fait de la prison) pour qu'une relation de confiance s'instaure, il faut au moins trois entretiens (je ne suis ni juge, ni avocat, ni assistante sociale, ni éducatrice) je reçois la personne pour lui permettre de respecter son contrôle judiciaire (16 obligations éventuelles).
Si elle veut parler du délit, (escroquerie, meurtre, trafic de drogues ou de cartes bancaire, faussaire, etc..) elle en parle sinon nous avons des relations de personne à personne.

C'est pourquoi j'ai demandé : "Seigneur, apprivoises-moi, afin de pouvoir laisser remonter de mon coeur et du coeur de l'autre ce qu'il a de meilleur". Que la contrainte (contrôle) se transforme en dialogue, la personne est en souffrance de par ses actes et risque de s'enfermer dans un mutisme.

J'aime beaucoup ce texte :[ Ecoles de silence - Un Chartreux]

"Ce qui importe surtout de donner,
C'est ce à quoi nous tenons plus.
Souvent, c'est notre temps que la charité demande,
Mais plus souvent encore, toujours,
Elle nous demande de sacrifier notre amour-propre"

Claudine


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"Il est mystérieux notre visage.
Toujours offert aux regards,
Il nous permet d'être reconnu et il traduit nos sentiments.

Aussi il est normal qu'il se protège et, souvent,
Pour avoir bonne figure, il fait de la figuration,
Il fait semblant.

Mais lorsqu'il livre le plus intime,
Notre vrai visage apparaît dans toute sa beauté
et s'accorde à notre nom propre.
Alors nous sommes vraiment nous-mêmes et pas un figurant qui joue un rôle "

.../... "Amis défigurés et souffrants, en ce carême, n'ayez pas peur.
Quand l'obscure nuée nous recouvre et que nous sommes saisis de frayeur, laissons la Parole du Père illuminer nos vies et donner à nos visages leur vraie beauté.
A tout moment, dans un murmure, le Père nous donne sa Parole :
"Tu es mon enfant"
Je te donne la vie.
Je te pardonne.
Je te transfigure"

Joseph Marty


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Je vous transmet ce texte, un peu long, d'une retraite dont le thème été la prière, mais qui me semble donner des pistes à nos questionnements sur l'autre et le Tout Autre ….Les exercices d'assise ou autres nous renvoient à sentir la profondeur qui est en nous ; ils nous renvoient à nous même, et, être renvoyé à soi, c'est être renvoyé à toute une histoire et peut-être à l'origine des temps.

Dans ces moments où nous pouvons davantage penser à nous même, dans ces moments peut-être qu'une question nous vient : « qui suis-je ? » Qui suis-je pour essayer de percevoir un peu ces profondeurs du fond desquelles nous crions vers Dieu ? C'est à cette question que j'essayerai de répondre très partiellement, car il est impossible de donner une réponse exhaustive, pour la bonne raison que d'abord je ne suis jamais la même, hier qu'aujourd'hui, en raison de la complexité de mon fonctionnement.

Qui suis-je ? Je suis quelqu'un qui prie ; je suis quelqu'un qui dit à Dieu : "qu'est-ce que l'homme que tu en prennes souci », « comme un cerf altéré cherche l'eau vive, ainsi mon âme te cherche, mon Dieu ». Ceci je ne peux le dire vraiment que lorsque je suis dans un lieu et une attitude qui le permettent. Un lieu et une attitude qui me permettent de commencer à ramasser toute mon expérience humaine, car c'est au cœur de cette expérience que vient le sens de ma prière. C'est Denis Vasse qui dit : « Il n'y a pas deux lieux, un lieu pour Dieu et un lieu pour la vie, il n'y a pas deux discours, un discours pour Dieu et un discours de l'homme, il n'y a pas deux mondes, un monde naturel et un monde surnaturel, il n'y a qu'un lieu, le seul, celui de l'expérience humaine qui est aussi le lieu de la révélation de Dieu. Dieu s'est révélé dans une expérience humaine.

Le lieu de la prière ce n'est donc pas plus la chapelle que le dojo ou la nature ; le lieu de la prière n'est pas en dehors de moi, il est dans les profondeurs de mon être.

Quand j'ai dit cela, nous voilà bien avancés, je n'ai pas dit grand chose des profondeurs de mon être ! Où commence mon expérience humaine ?

Elle commence dès le sein maternel. Déjà là je vis et je vis pleinement sans avoir à chercher qui je suis, sans avoir à satisfaire quelques besoins, tout m'est donné. C'est la plénitude, je suis directement branché sur la source de vie, et, la seule activité que je peux avoir c'est de commencer à bouger, et puis d'entendre. On fait écouter de la musique au bébé qui est encore dans le ventre de sa mère, les voix aiguës excitent le fœtus, les voix graves le calment. Je commence à entendre, je ressens les vibrations de la voix de ma mère ? Puis un jour arrive où je fais une expérience brutale, c'est l'expérience de la séparation ; il va falloir apprendre à vivre séparer.

Je ne parlerais pas des étapes de la croissance, ce n'est pas le lieu et vous en savez déjà quelque chose sans doute, je parlerai davantage de cette séparation qui tout à coup me place dans le vide, il n'y a plus autour de moi cette membrane matricielle, ce liquide dans lequel j'étais bercé, il n'y a plus rien. Je suis déjà sur la voie d'une autonomie que j'accepte mal ; d'où l 'importance d'être touché, enveloppé, blotti sur la poitrine de ma mère. Être nourri ne suffit pas, il faut plus : le regard, la voix, cette voix que j'entends maintenant plus clairement. Puis peu à peu la distance d'avec la mère se fait plus grande : distance physique - je commence à percevoir que ma mère ce n'est pas moi, que je ne suis pas ma mère.

La différence m'apparaît et mon identité devient très fragile, je ne sais plus très bien qui je suis. J'ai un nom, je l'ai entendu, j'ai peut-être ressenti les vibrations de la voix de mon père ou de ma mère quand ils le prononçaient avant même que je sois dehors. Mais mon identité devient si fragile dans cette séparation que j'ai besoin de provoquer l'appel, et si vous avez vécu avec de petits enfants, vous avez tous assisté à cette scène où l'enfant joue à se faire appeler par sa mère ; L'enfant appelle « maman » et la maman répond « Dominique » et on répète « maman » « Dominique »…

Et cela continue jusqu'à un grand éclat de rire, l'enfant est content. Cela peut être aussi le jeu du oui et du non : « attention ne touche pas » « si » « non » « si » …. Tant qu'on me répond, tant qu'on m'appelle j'existe et ce nom qui m'a été donné avant même d'être dehors, ce nom renvoie au désir que mon père a eu de ma mère et que ma mère a eu de mon père ; ce désir qui a un moment a pris corps et a reçu un nom.

« Qui suis-je » ? Je suis celle ou celui qui cherche à être reconnu, celle ou celui qui naît du désir, porte en lui, en elle, le désir de l'autre, pour une reconnaissance et pour une existence-ex/istence littéralement : être debout dehors. Je ne peux le faire seul. De la symbiose je passe à un commencement d'autonomie, mais mon autonomie je ne peux l'affirmer, la structurer qu'à partir de l'autre et en moi sommeille ce désir très profond de l'Autre. Me voilà donc dans ce monde où j'ai pris place et où j'essaye toujours de prendre place, dans un peuple qui a déjà toute une histoire. J'existe dans la mesure où l'autre m'appelle, me reconnaît et satisfait mon désir.

Mais qu'est-ce que mon désir ? Comment m'est-il révélé ? Il m'est révélé à travers le besoin que j'ai de sentir, le besoin d'entendre, et, à travers ce besoin qui me provoque à demander. Je parle des besoins qui ne sont pas vitaux comme le besoin de boire ou de manger. Il y a d'autres besoins qui sont moins immédiats plus profonds : besoin de relations, besoin d'être touché, besoin d'être appelé. Ce besoin qui me provoque à demander ( à l'autre de m'appeler de me toucher) me renvoie au désir qui sommeille en moi. Penser à l'exemple du petit enfant qui fait une bêtise pendant que sa mère est occupée avec quelqu'un d'autre ; « Il profite toujours de ce moment là pour faire une bêtise » dira la mère. Evidemment elle ne s'occupe plus de lui, il se sent abandonné, elle ne répond plus à ses appels ! Elle va peut-être lui donner une bonne fessée cette maman mais au moins elle s'occupera de lui, elle lui aura dit : « je ne t'oublie pas ». C'est le désir de l'amour de la mère, de sa reconnaissance. Le besoin de faire une bêtise exprime la demande.

La demande est la charnière entre le besoin et le désir, et il arrive un moment où, inséré dans l'histoire d'un peuple, on m'a dit que j'avais un père depuis l'origine des temps, un père qui avait sur moi un dessein, un père qui lui aussi m'a engendré, et qui m'a appelé dès le sein de ma mère- Jérémie « avant de te former au ventre maternel, je t'ai connu… » ; Saint Paul : « mais quand celui qui dès le sein maternel m'a appelé… » et bien j'ai entendu : "tu es mon fils, moi dès aujourd'hui, je t'ai engendré « psaume 1.

Ce peuple, ces amis, ces gens que j'ai côtoyés, ma famille m'ont révélé qu'il y avait un père dont j'étais le fils et je sentais bien au fond de moi qu'il y avait quelque chose qui n'était jamais satisfait, qu'il y avait en moi une dimension d'infinie que je ne pouvais pas satisfaire, et puis on m'a dit : « Dieu »

Alors qui suis-je ? …..Un être inséré dans une histoire, dans un peuple, dans une famille qui porte au fond quelque chose qui n'est jamais assouvie et un être engendré dès avant le sein maternel. Il y a cela au fond de moi, quelque chose qui m'appelle à un plus être : Dieu. C'est dans ce lieu, lieu du désir, c'est des profondeurs de ce lieu que je crie vers cet infinie, vers la plénitude ; Le désir est un vide en moi, une béance à combler au fond de laquelle résonne l'écho d'une parole qui donne vie, qui me pousse toujours plus loin, qui me dynamise, mais une parole que je discerne mal.

Le désir, c'est peut-être cette caisse de résonance dans laquelle ce père comme un souffle fragile, m'appelle au plus être et je viens au plus près du lieu de l'écho pour me mettre à l'écoute. Le désir c'est mon origine depuis le fond des temps c'est ma source, le point de départ d'une parole qui me dit « je t'engendre, je te nomme et je te dis : « viens » Je suis l'image de l'amour créateur du Père, lui-même fécondé par un désir d'Être, qui a la dimension de la plénitude et de l'infini : « qu'est-ce que l'homme pour que tu en prennes souci, pour que tu penses à lui, et bien au fond c'est ça…. « Qui est Dieu ? » Qui est ce Père qui m'engendre à tout moment, qui m'appelle du fond des âges qui me dit « viens, avances, reviens vers moi »

Qui est-ce ce Dieu ? Je n'en sais rien. Autant je peux définir l'être humain sous quelques-uns uns de ses aspects autant il est impossible de définir Dieu. Alors je fabrique des images, je fais un Dieu, mais en faisant ce Dieu à mon image, car il m'a fait à son image, et je le lui rends bien*, je fais un Dieu réduit. Ce Dieu réduit que je fabrique c'est le Dieu de mes besoins, ce n'est pas le Dieu de mon désir. J'ai besoin de voir et de toucher, d'entendre, mais alors si on me dit que ce Dieu que j'ai fabriqué ça n'est pas encore ça, si Dieu n'est pas dans l'ouragan, s'il n'est pas dans le rocher, s'il n'est pas dans le tonnerre, si Dieu n'est pas dans toute image de puissance » qui donne à se voir et à se toucher, qui est-il ? Ce Dieu tellement puissant qui commande aux éléments de la terre et du ciel et qui fait obéir ces éléments ? C'est un souffle fragile. Un souffle fragile que quelquefois je perçois légèrement, c'est une absence, c'est une parole mal entendue en tout cas ce n'est rien à voir, mais c'est précisément l'accent, la séparation qui est propice à la structuration de ma personne.

Comme l'absence de la mère, la distance d'avec la mère me permet d'exister debout de me structurer, l'absence de dieu structure aussi mon désir, le fond de ma personnalité. Alors qu'est-ce que prier ?

Et bien prier c'est peut-être d'abord se mettre à l'écoute de ce mal entendu ( en deux mots : mal-entendu) qui souffle au fond de moi qui traverse toute l'épaisseur de mon expérience et ravine mon désir vrai dynamisme de ma personne. Et quand trop tendu entre ce désir qui est la constitution de mon moi profond (le grand moi) et du petit moi qui est le lieu des mes besoins, quand trop tendu je flanche, alors « je crie des profondeurs vers toi Seigneur ». Des profondeurs de tout l'histoire d'un désir : c'est de là que j'appelle Dieu quand je l'appelle en vérité, et qu'est-ce que je fais quand j'appelle Dieu ? J'appelle un autre désir. La prière c'est la rencontre de deux désirs libres, libérés de ce petit moi qui fait du tapage et m'empêche d'entendre le souffle fragile. l'autre et le Tout Autre

* Dieu a fait l'homme à son image et l'homme Lui a bien rendu :Voltaire

Merci Gilberte pour ton partage j' essaierai d'y répondre, je file vite m'occuper de mes enfants , j'ai une réunion ensuite, en union de prière, pendant mes occupations, pour l'instant.... bonne mi -carême à tous et toutes

Colombesperance

Là où il n'y a pas d'amour,
mettez de l'amour et,
vous obtiendrez l'amour.
St Jean De La Croix