Vaticaneries
dimanche 26 octobre 2003.
La conjonction du 25e anniversaire de l'élection du pape Jean-Paul, son jubilé
dit-on, et de la béatification de mère Téresa a donné lieu à un déferlement
d'images à la télé et à une débauche d'articles.
Parmi les qualificatifs décernés aussi bien par ses laudateurs que par des
commentateurs qui se prétendent neutres, on a dit que Jean-Paul II a été un pape
moderne, de son temps. Les termes se marient mal. Non seulement parce que ces
cérémonials d'un autre âge, dans des accoutrements figés au cours des siècles,
sont tout sauf des signes de modernité. S'il ne s'agissait que de cela, on
pourrait ranger ces manifestations au rang des défilés folkloriques comme on en
voit dans les fêtes de village. Mais derrière cet apparat, il y a autre chose de
bien plus grave : l'obscurantisme dont les religions, et pas seulement la
religion catholique, sont les fers de lance. Certes, on n'est plus à l'époque où
la papauté avait obligé Galilée en 1636 à renier ses découvertes sur les
mouvements du système solaire. Constatons toutefois qu'il a fallu attendre 1992,
il y a onze ans, pour que l'Église catholique revienne du bout des lèvres, sur
la condamnation du savant.
Vieille histoire, certes. Mais la condamnation par le pape de l'avortement,
celle de l'usage du préservatif, sous prétexte que l'accouplement ne doit pas
avoir d'autre but que de procréer, le plaisir étant un péché, sont des prises de
positions bien actuelles, et que les femmes qui revendiquent le droit de
disposer de leur corps doivent affronter. Pas au Moyen-âge, mais aujourd'hui.
Cela a fait dire, entre autres énormités réactionnaires au maître du Vatican,
"que la chasteté est l'unique manière, sûre et vertueuse, de mettre fin à la
plaie du sida" dans un discours prononcé en 1983, à Kampala, en Ouganda, au
coeur de cette Afrique où cette maladie fait des ravages.
La pitié et la charité que l'Eglise revendique s'accommodent des pires fléaux,
puisque, dit-elle, ils sont dispensés par la volonté du dieu des chrétiens, un
dieu qui se heurte à une rude concurrence des autres, le dieu des juifs, celui
des musulmans, sans compter la kyrielle de prophètes et de commentateurs des
textes sacrés qui se disputent sur leur interprétation.
Tous ces bons apôtres partant du principe que l'univers et donc l'homme, dont la
femme ne serait qu'un sous-produit pour ne pas dire une malfaçon, sont des
créations divines, comment s'étonner si certains nient les évidences imposées
par les découvertes de la science, comme par exemple l'évolution des espèces.
C'est ainsi que dans l'État du Kansas aux États-Unis, on a interdit, au nom de
la bible, la référence dans l'enseignement à Darwin et à l'évolution.
A l'occasion de la cérémonie de béatification de mère Téresa, on a pu apprendre
les détails du rituel qui permet à l'Église catholique de promouvoir les plus
méritants de ses adeptes au rang de bienheureux, puis de saint. Dans le premier
cas, la béatification, il faut avoir accompli un miracle, et il fallait donc à
toute vitesse en fabriquer un pour Téresa. Une jeune femme du Nord du Bengale
prétendit avoir été guérie d'un cancer, deux heures après avoir passé une
médaille de la religieuse sur sa tumeur. Mieux et moins cher que les génériques
! Les médecins, et toute personne de bon sens n'y croient évidemment pas, mais
les charlatans de tous ordres s'extasient.
Quant à accéder à la sainteté, il faut avoir accompli deux miracles. La pente
est donc rude pour accéder au saint des saints, et du même coup sur la liste qui
figure sur le calendrier des postes.
Bien sûr, on dira que l'important n'est pas dans ce rituel anecdotique, mais
dans l'action de cette religieuse, si secourable aux miséreux, même s'il
s'agissait d'une goutte d'eau dans un océan de misère. A ceci près que, tout
comme les océans qui couvrent le globe, cette misère était, pour cette "bonne
mère", l'oeuvre de son bon dieu. "Il y a quelque chose de très beau à voir les
pauvres accepter leur sort, le subir comme la passion du Christ. Le monde gagne
beaucoup à leur souffrance", a ainsi déclaré mère Téresa.
A la main secourable s'ajoutait, on le voit, la parole prêchant la résignation.
N'y a-t-il pas des raisons, pour tous ceux qui veulent une humanité libre,
fraternelle, et sans misère ni oppression, d'être révoltés par cette
"charité"-là, macérée dans l'eau bénite ?
D'après un article de Jean-Pierre VIAL trouvé dans
Lutte Ouvrière)
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